NATALITÉ
Le mot natalité, qui désigne le phénomène démographique en rapport avec les naissances, est encore synonyme, dans le langage courant, de l’indice qui mesure la fréquence de ces dernières soit le taux de natalité , rapport du nombre des naissances une année donnée à la population moyenne durant cette année.
Variables selon les époques et les pays, les taux de natalité se situent dans un large éventail allant de valeurs un peu inférieures à 10 naissances pour 1 000 habitants à des maximums pouvant exceptionnellement atteindre, voire dépasser, 50 p. 1 000. C’est dire que le phénomène est sujet à une grande variabilité, ce qu’explique la multiplicité des causes qui en déterminent les manifestations.
Pour conduire l’analyse plus avant, on est amené à rapporter les naissances que l’on aura enregistrées durant une période aux couples ou, simplement, aux femmes qui en sont à l’origine. On pratique alors des études de fécondité , et l’on a recours à divers indices de mesure dont le plus expressif est la descendance finale, ou nombre d’enfants, qu’un couple ou une femme aura mis au monde à l’issue de la période de reproduction.
C’est essentiellement l’analyse de la fécondité qui permet de mettre en relief les variables de nature à différencier la natalité des diverses populations.
Tout d’abord, la fécondité se manifeste essentiellement dans le mariage, en sorte que l’intensité et la précocité plus ou moins grande de la nuptialité, le degré de stabilité des unions et la place que tiennent les naissances hors mariage constituent une première série de facteurs déterminants.
La fréquence des rapports sexuels, les obstacles que mettent les couples pour que ces rapports ne soient pas féconds (recours à la contraception, à l’avortement, voire à la stérilisation), constituent une autre série importante de facteurs de comportement aux effets décisifs.
Pour importants qu’ils soient, ces facteurs de comportement ne doivent pas faire oublier la place tenue par des facteurs biologiques, telle la fertilité plus ou moins grande des individus et des couples, l’importance de la mortalité fœtale, la fréquence de la stérilité et son développement avec l’avancement en âge.
La natalité tient une place prépondérante dans la détermination du dynamisme démographique des populations, spécialement à une époque où les grandes mortalités sont jugulées. Ce phénomène ne pouvait donc laisser indifférents tant les penseurs et doctrinaires sociaux que les pouvoirs publics. De nos jours, la très basse natalité de la majeure partie des pays industriels, tout comme l’exubérance de la plupart des populations des pays sous-développés, suscitent de nombreuses prises de position comme elles provoquent diverses interventions de la puissance publique visant à modifier des situations jugées dommageables pour la société.
1. Les faits et leurs mesures
Le vocabulaire
Comme suite à une conception, il y a, le plus souvent, naissance vivante, laquelle intervient à des durées de gestation variables centrées sur neuf mois. Les études de natalité et de fécondité reposent essentiellement sur la prise en compte exclusive de ces naissances vivantes. Cette pratique ne doit cependant pas faire oublier les avatars qui peuvent faire suite à une conception et qui constituent ce que l’on appelle la mortalité fœtale ou encore la mortalité intra-utérine . La mortalité précoce d’un produit de conception conduit à un avortement spontané. Est classée en France, dans cette catégorie, toute expulsion de fœtus sans vie, dans les six mois suivant la conception; on parle de mortalité fœtale précoce . Une mortalité intra-utérine plus tardive (donc, en France, au-delà de six mois de gestation), dénommée mortalité fœtale tardive , débouche sur une mortinaissance : il y a accouchement d’un enfant mort-né.
Alors que d’un point de vue médical la stérilité est le fait pour un couple, une femme ou un homme, d’être incapable de concevoir, pour un démographe il y a stérilité quand il y a incapacité de procréer, c’est-à-dire pour une femme, impossibilité de parvenir à une naissance vivante. Fertilité est antonyme de stérilité. La fécondité est une preuve de fertilité mais, comme l’infécondité peut tenir à la pratique réussie de la contraception ou au recours à l’avortement, elle n’est une preuve de stérilité que dans les populations n’ayant pas recours à la prévention des naissances.
Enfin, la distinction entre naissances dans le mariage et naissances hors mariage conduit à parler respectivement de naissances (ou fécondité) légitimes et illégitimes.
La fécondité naturelle
On désigne par ce vocable les manifestations de la fécondité en l’absence de volonté délibérée de limiter les naissances. Il n’en résulte pas pour autant une uniformité dans les niveaux de fécondité et de natalité des populations ayant un tel comportement.
Un facteur important de différenciation des fécondités naturelles réside dans la pratique diversifiée de l’allaitement au sein. L’allaitement maternel est un facteur de stérilité temporaire de la femme; ainsi, des durées variables d’allaitement sont à l’origine de temps morts plus ou moins longs durant lesquels la femme ne saurait concevoir. Au total, la vie génésique de la femme se trouve donc amputée de périodes de stérilité plus ou moins longues, ce dont se ressentira le nombre final d’enfants qu’elle mettra au monde. Ajoutons que des coutumes et interdits sexuels, en réglant les modalités d’unions entre époux, peuvent aussi être à l’origine de différences dans les niveaux de fécondité. Enfin, l’état sanitaire des populations agit également sur ces niveaux; en particulier, une extension des infections vénériennes est un facteur de forte sous-fécondité.
Voici, pour donner une idée de la variabilité sensible des niveaux de fécondité dans des populations ne limitant pas volontairement leurs naissances, quelques résultats empruntés aux recherches de Louis Henry (tabl. 1).
Le niveau de la natalité, dans ces populations sans limitation volontaire des naissances, se ressent non seulement des niveaux de fécondité naturelle, mais encore des caractéristiques de la nuptialité. C’est ainsi que dans l’Europe ancienne, en France en particulier, la pratique des mariages tardifs et le fait qu’une fraction appréciable des personnes de chaque génération ne se mariaient pas expliquent que les taux de natalité n’y ont jamais atteint des niveaux aussi élevés que dans des populations telles les populations musulmanes contemporaines, où les mariages sont, en règle générale, très précoces et concernent la quasi-totalité des femmes. À cette cause majeure de différenciation s’en ajoutent diverses autres comme l’importance de la mortalité, destructrice d’unions, de la place tenue par les remariages et enfin la proportion dans la population des personnes en âge de fécondité.
Finalement, lorsque les divers facteurs favorables à une haute natalité sont réunis, le taux de natalité peut atteindre des valeurs supérieures à 50 p. 1 000, comme actuellement dans les pays de civilisation musulmane; en revanche, dans l’Europe ancienne, c’est-à-dire avant que la pratique étendue de la prévention des naissances ne s’y installe (au XVIIIe s.), des taux de 35 à 45 p. 1 000 étaient la règle.
La transition démographique
En régime démographique dit naturel, fécondité et mortalité se manifestent sans que la volonté et le pouvoir de l’homme ne s’interposent. Coexistent alors une forte natalité et une haute mortalité. Puis, peu à peu, et à des époques variables selon les pays, l’homme a acquis une certaine maîtrise relativement à ces deux éléments constitutifs de l’évolution démographique. Les surmortalités d’autrefois, causées par les guerres, les désordres sociaux divers, les famines et les épidémies ont été jugulées; après quoi, l’amélioration importante des conditions de vie, combinées avec l’accroissement très sensible des connaissances médicales et le développement des mesures de prévention et des possibilités curatives, ont fait chuter considérablement les taux de mortalité. Corrélativement, et apparaissant comme un correctif nécessaire à une mortalité en baisse, la fécondité et à la suite la natalité ont régressé: nous disons un correctif, en ce sens que la survie plus longue des nouveau-nés, causée par la baisse de la mortalité, en entraînant à fécondité égale un agrandissement sensible de la dimension des familles, a accru la charge de ces dernières et incité, par là-même, à agir sur la fécondité par des mesures préventives.
On donne à ce processus d’évolution conjointe de la mortalité et de la natalité – la baisse de la mortalité intervenant cependant avant celle de la natalité – le nom de transition démographique (l’économiste et démographe français Adolphe Landry, un des premiers à avoir attiré l’attention sur ce phénomène, l’avait dénommé révolution démographique ). C’est ce décalage entre les mouvements respectifs de la mortalité et de la natalité qui est à l’origine de l’accroissement très sensible des populations de la plupart des pays européens au cours du XIXe siècle. C’est la répétition de ce phénomène dans les pays sous-développés actuels qui engendre l’explosion démographique observée actuellement dans ces pays, avec toutefois certaines particularités qui expliquent l’ampleur exceptionnelle du phénomène: la chute de la mortalité y est beaucoup plus rapide qu’en Occident au siècle dernier et le mouvement de baisse de la natalité tarde quelque peu à se manifester.
Les méthodes de mesure
L’analyse des mouvements de la natalité et de la fécondité amène à recourir à un arsenal assez complexe de mesures, lesquelles reposent sur diverses modalités d’enregistrement des naissances.
Dans les pays où l’enregistrement des faits d’état civil est une coutume ancienne, les naissances sont décomptées avec une grande précision. C’est le cas des pays européens et des autres pays développés (pays anglo-saxons d’outre-mer, Japon). Mais une simple comptabilité globale ne suffit pas pour parvenir à des analyses pertinentes. Encore faut-il qu’à chaque naissance soient associées diverses caractéristiques qui permettent de la situer dans l’histoire génésique de la mère: âge et état matrimonial de celle-ci, durée éventuelle de son mariage, rang de naissance...).
Par combinaisons judicieuses de ces divers renseignements, on peut faire apparaître des tableaux statistiques se prêtant à l’élaboration d’indices variés, révélateurs des comportements.
On peut ainsi décrire les variations de la fécondité avec l’âge de la femme. Avec la figure 1, nous rapportons les données concernant la génération féminine 1930. À chaque âge est associé un taux de fécondité générale , rapport des naissances vivantes intervenues chez les femmes ayant cet âge à leur effectif total dans la génération. Ainsi, chez les femmes de cette génération atteignant 20 ans, on a enregistré 34 435 naissances; l’effectif de ces femmes étant de 325 323, il en résulte le taux de fécondité générale:
soit, en arrondissant, 106 p. 1 000. On voit ainsi que la fécondité croît jusque vers 24 ans pour décroître ensuite. Derrière cette typologie de la fécondité selon l’âge se cache l’influence de la nuptialité: l’essentiel de la fécondité se manifestant dans le mariage, la vigoureuse croissance des taux de 15 à 24 ans tient à la proportion rapidement croissante avec l’âge des femmes ayant déjà contracté un mariage. La décroissance observée à partir de 25 ans, due en partie à l’affaiblissement des aptitudes à la procréation avec l’avancement en âge, tient encore et surtout, particulièrement dans la zone d’âge 25-35 ans, à la fréquence accrue des femmes qui limitent leur fécondité par recours à la contraception et à l’avortement. L’addition des taux de fécondité générale aux différents âges donne le nombre de naissances vivantes chez 1 000 femmes à l’issue de la période de procréation, soit ici 2 638. Il en résulte donc une descendance finale de 2,638 naissances par femme.
Dans le but de mieux cerner ce qui constitue la composante fondamentale de la fécondité, à savoir la fécondité qui se manifeste dans le mariage, on peut répéter la démarche précédente en rapportant cette fois les naissances vivantes intervenues chez les femmes mariées qui en sont à une durée de mariage donnée à l’effectif total des femmes à cette ancienneté de mariage. Ce faisant, on aboutit, en France, pour la cohorte de mariage 1946 (femmes s’étant mariées en 1946), à la représentation de la figure 2, où sont reliés tous les points représentatifs des taux de fécondité légitime par durée de mariage . Mis à part le taux à la durée 0 (celui se rapportant à l’année civile du mariage), on voit qu’il y a décroissance continue de la fécondité avec l’ancienneté croissante du mariage: la durée de mariage est une variable pertinente en tant que reflet des comportements, du moins dans les sociétés malthusiennes, comme la société française, où les couples s’efforcent assez rapidement après leur mariage de limiter leur descendance. Ici encore, l’addition des taux à toutes les durées de mariage débouche sur une descendance finale, celle de l’ensemble des mariages de la cohorte considérée, soit, dans notre exemple, 2,248 naissances par mariage.
Signalons encore un type de mesure, lui aussi particulièrement adapté à la description et à l’analyse des comportements féconds dans les populations où la pratique de la régulation des naissances est largement répandue. Il s’agit des probabilités d’agrandissement . Sous ce vocable, faussement mystérieux, se cachent des indices au sens bien concret: il s’agit, par exemple, dans le cas de couples ayant déjà eu 3 naissances vivantes, de la proportion de ceux qui en auront au moins une quatrième. Ce sont en somme des fréquences de passage d’une dimension de famille à la dimension immédiatement supérieure. On comprendra l’intérêt d’un tel mode de description quand on se rappellera que ce qui règle la fécondité des couples malthusiens c’est la confrontation permanente entre la dimension de famille déjà atteinte et la dimension désirée ou acceptée; et de cette confrontation dépend la décision d’accéder ou non à la dimension de famille immédiatement supérieure. Voici, toujours pour la France, ce que sont ces probabilités d’agrandissement dans la cohorte des femmes dont le mariage a eu lieu avant 45 ans au cours des années 1915 à 1919 (nous noterons ai la probabilité chez les femmes ayant déjà eu i naissances d’en avoir au moins une (i + 1)ième, a 0 étant alors la probabilité de venue d’une première naissance:
Ainsi donc 86,8 p. 100 des nouvelles mariées ont eu un premier enfant; parmi elles 75,3 p. 100 en ont eu un deuxième, 62,8 p. 100 de ces dernières en ont eu un troisième, etc.
Analyse longitudinale et analyse transversale
La vision que nous venons de donner de la fécondité se situait toujours dans l’optique d’une histoire statistique d’un groupe de femmes suivi au long de sa vie génésique. Ce faisant, on pratique ce que l’on appelle l’analyse longitudinale . Observons que l’on parvient directement à une telle vision en effectuant des observations rétrospectives, lesquelles prennent la forme d’enquêtes auprès de femmes ayant atteint ou dépassé l’âge limite de fécondité (pratiquement 50 ans), sur leur histoire féconde. Cette technique, qui est employée lorsque les insuffisances de l’enregistrement à l’état civil ne permettent pas d’effectuer, sur une telle base, les reconstitutions dont nous venons de donner des exemples, est encore employée alors même que de telles reconstitutions sont possibles, en raison de la richesse d’informations supplémentaires que l’observation rétropective permet d’obtenir.
Observation et analyse longitudinales sont donc des reconstitutions historiques dévoilant des tranches plut ou moins importantes de l’histoire passée. Mais le souci de suivre l’actualité au plus près conduit à pratiquer conjointement des observations et analyses transversales .
En analyse transversale, on rassemble l’ensemble des données démographiques relatives à une courte période, le plus souvent l’année, et l’on traite ces données de manière à déboucher, en particulier, sur des indices caractérisant les conditions démographiques de l’année. C’est ainsi qu’en matière de fécondité on pourra considérer, relativement à une année, l’ensemble des taux de fécondité générale par âge, l’ensemble des taux de fécondité légitime par durée de mariage, et, par addition de ces taux, parvenir à des indices synthétiques attachés à la fécondité durant l’année considérée. En particulier, l’indice synthétique de fécondité , qui est la somme des taux de fécondité générale par âge, est un indicateur usuel des variations annuelles de la fécondité. Il s’exprime comme son homologue formel dans les générations, à savoir la descendance finale, en nombre moyen de naissances vivantes par femme. La figure 3 offre une illustration du comportement de cet indice dans le cas de la France. On observe une relative stabilisation de l’indice jusqu’en 1964, à des valeurs relativement élevées dans le cas d’un pays à fécondité dirigée, puisque se situant entre 2,67 et 3,02; cela signifie que si le comportement fécond observé durant ces années devait se maintenir on observerait une telle descendance finale dans les générations. Après 1964, il y a une chute sévère de l’indice avec léger mouvement de reprise après 1976 et rechute après 1981.
2. La natalité et la fécondité dans le monde
Aperçu général
L’état actuel de la natalité et de la fécondité dans les différents pays reflète le degré d’évolution depuis l’époque où le régime de fécondité naturelle a été abandonné. En fait, d’ailleurs, d’assez nombreux pays en sont encore à un stade où la limitation des naissances n’est pratiquée que dans des couches restreintes de la population. Il n’empêche qu’entre ces pays des différences existent pour les raisons que nous avons invoquées lorsque nous avons analysé le contenu du concept de fécondité naturelle.
N’ont pratiquement pas quitté ce haut niveau de fécondité la quasi-totalité des pays d’Afrique, avec des taux de natalité situés le plus souvent entre 45 et 50 p. 1 000 et un indice synthétique de fécondité de l’ordre de 6 à 7 naissances par femme. La situation est plus nuancée en Amérique latine où des témoignages certains et nombreux de chute de natalité sont apparus depuis quelque temps: des taux de natalité de l’ordre de 30 à 35 p. 1 000 y sont fréquents, et les taux des trois pays tempérés de l’Amérique du Sud, Argentine, Chili, Uruguay, se rapprochent des taux européens (respectivement 20, 23 et 18 p. 1 000). À signaler encore le cas de Cuba, où la fécondité est exceptionnellement basse (natalité: 18 p. 1 000; fécondité: 1,9 naissance). Mais c’est encore en Asie que les situations sont les plus diverses, sans pour autant que l’on y rencontre des taux de natalité particulièrement élevés. Ainsi l’Inde, prototype du pays démographiquement attardé, a, à l’heure actuelle, un taux de natalité relativement modéré de l’ordre de 30 p. 1 000, qui résulte des premiers effets d’une diffusion des techniques contraceptives mais aussi d’un niveau de base de la fécondité naturelle plus bas que dans maintes autres populations non malthusiennes. Ce qui est typique en Asie, c’est l’existence de micro-populations qui ont accompli en un temps bref une révolution démographique radicale (tabl. 3).
À noter que, dans ces pays, la baisse de la natalité doit autant au recul sensible de l’âge au mariage qu’à la pratique de la prévention des naissances dans le mariage.
À ces cas particuliers près, on peut dire qu’un fossé sépare encore la situation de la natalité dans le Tiers Monde de ce qu’elle est dans les pays développés (tabl. 2).
La situation particulière des pays développés
Le mouvement de baisse de la fécondité a débuté, dans les pays actuellement développés, à des dates variables, la France ayant ici précédé tous les autres pays: les effets statistiquement significatifs de la pratique de la limitation des naissances y sont, en effet, apparus au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors qu’aucun recul décisif n’a été enregistré ailleurs avant la seconde moitié du siècle suivant. En règle générale, le mouvement de recul a été d’autant plus vif qu’il a débuté plus tardivement, et, finalement, le point le plus bas a été généralement atteint à des dates peu variables selon les pays et situé le plus souvent dans les générations nées à la jonction du XIXe et du XXe siècle; les niveaux à ces points bas peuvent, par contre, être assez différents.
Certains pays, cependant, plus tardifs dans leur évolution, n’ont atteint leur fécondité minimale au travers des générations que pour des millésimes de l’entre-deux-guerres (Italie, Pays-Bas, par exemple).
Avec la plupart des niveaux de fécondité alors atteints, le strict remplacement des générations n’était pas assuré, les niveaux de mortalité de l’époque exigeant que les naissances par femme dépassent assez nettement le nombre 2 (2,50 environ).
La remontée de la fécondité, après ces nombreuses décennies de baisse ininterrompue, apparaissait inconcevable. Cependant, l’après-guerre a vu à peu près partout en Occident une hausse de la natalité due parfois en partie à la récupération de naissances empêchées par la crise économique des années trente et le conflit qui a suivi, mais aussi en raison d’un changement fondamental de comportement dans les générations nées après 1930. Il faut attendre le milieu de la décennie soixante pour assister à un reflux généralisé d’une ampleur sans précédent, ce dernier mouvement amenant l’indice synthétique de fécondité, à la fin des années quatre-vingt, à des niveaux extrêmement bas, inconnus jusqu’alors en temps de paix, ainsi qu’en témoigne le tableau 2 dans sa partie supérieure.
Des pays restés longtemps relativement féconds, tels les Pays-Bas et l’Italie, sont actuellement parmi les plus marqués par la sous-fécondité. Curieusement, la France, longtemps à la tête des pays malthusiens, a une situation moins dégradée.
Un autre trait original de l’évolution contemporaine de la fécondité dans les pays européens est la simultanéité des mouvements affectant de larges ensembles nationaux. En particulier, 1964 marque pour beaucoup d’entre eux le point haut de la fécondité d’après-guerre et le début du mouvement de chute qui s’est traduit en quelque quinze années par un recul de 25 à 50 p. 100 selon les pays. États-Unis et Canada n’échappent pas au mouvement, non plus que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Sur la même période, les pays de l’Est européen, d’obédience communiste, ont eu leur propre évolution tout comme l’U.R.S.S. En particulier, le plus grand libéralisme en matière d’avortement qui a eu cours dans la plupart d’entre eux au cours de la seconde moitié des années cinquante (et en 1972 seulement en République démocratique allemande) a, indiscutablement, amené un effondrement de la natalité, située jusque-là à un assez haut niveau. Diverses restrictions à l’avortement ont été ensuite introduites, ainsi qu’une politique nataliste sélective, privilégiant la constitution de familles de dimension moyenne; il en est résulté une reprise de la natalité, relativement incertaine cependant quant à ses chances de durée.
Les facteurs de la fécondité
À l’origine, peut-on dire, interviennent les facteurs biologiques qui règlent les possibilités de reproduction de l’espèce humaine. Si, au niveau des individus et des couples, on peut reconnaître des différences d’aptitudes (aptitudes définies par la probabilité mensuelle de concevoir, ou fécondabilité , et la possibilité à faire déboucher une conception sur une naissance vivante), on n’a jamais pu établir de différenciation à l’échelle de groupes importants, les écarts de fécondité naturelle ayant alors leur explication, comme il a été dit, dans les diverses modalités d’allaitement au sein et dans les différences d’état sanitaire.
La place que tient la fécondité légitime, d’une part, et les caractéristiques de la nuptialité (précocité et fréquence des mariages), d’autre part, constituent une deuxième série de facteurs. Mais c’est évidemment l’importance prise par la contraception et l’avortement qui représente l’élément essentiel de différenciation. La place tenue par ces facteurs de comportement volontaire est sous la dépendance de motivations liées à l’appartenance religieuse, au type d’habitat, à l’appartenance socio-professionnelle. Mais les différences traditionnelles entre ces diverses catégories de populations tendent à s’estomper en raison même des tendances à une homogénéisation sociale de plus en plus poussée. De plus, la diffusion des procédés modernes de contraception (pilule, dispositif intra-utérin), en assurant une efficacité accrue et une acceptabilité d’emploi plus grande, ont, sans aucun doute, permis aux couples d’obtenir une maîtrise plus grande de leur fécondité. Enfin, le recours à l’avortement légal constitue un recours en face de grossesses que des négligences en matière de contraception n’avaient pas permis d’éviter.
Doit-on, pour autant, rendre ces progrès dans les techniques contraceptives et cette tolérance sociale face à l’avortement responsables du déclin considérable de la fécondité dans les pays industriels? À ceux qui seraient tentés de répondre de façon affirmative, on peut opposer le fait que la fécondité a commencé à décliner dans maints pays avant que ces nouveaux moyens de prévention des naissances n’aient connu une véritable diffusion. Et l’on peut tout aussi valablement soutenir que c’est une demande plus ou moins implicite, de la part du corps social, qui a, d’une part, motivé des recherches et permis des découvertes rendant la contraception plus aisée à pratiquer et, d’autre part, abouti à ce que cette possibilité d’interrompre une grossesse soit maintenant entrée dans la légalité.
Il reste que les motivations profondes à l’origine du comportement fécond des populations des pays développés restent largement mystérieuses. Que des mouvements à la hausse ou à la baisse concernant de vastes ensembles obéissent à un synchronisme parfait défie les explications permises par nos connaissances actuelles. C’est ainsi que 1964 correspond dans de nombreux pays européens, comme nous l’avons signalé, à un pic de fécondité, après quoi un mouvement de baisse prolongé s’observe; mais 1971 marque, là aussi dans de nombreux pays, un regain qui restera toutefois sans lendemain. Si nous nous transportons maintenant dans le continent nord-américain, c’est le même synchronisme, axé sur des dates peu différentes (ainsi pic de fécondité en 1957, regain en 1959, puis chute sur plusieurs quinquennies), qui affecte à la fois les États-Unis et le Canada.
Aux cycles observés sur le long terme, baisse entre les deux guerres, remontée après la guerre, chute ensuite, on a pu proposer (Easterlin) une explication mécaniste s’appuyant sur la situation, en terme d’importance démographique, d’un groupe de générations donné par rapport au groupe plus âgé: déficitaires en nombre, ces générations auraient tendance à être plus fécondes que celles, plus nombreuses, qui les précèdent, alors qu’en présence d’une image inversée les générations surabondantes montreraient des tendances plus malthusiennes qu’à l’époque où elles-mêmes ont été conçues. Cette théorie, séduisante par sa simplicité et sa vraisemblance, ne résiste pas à un examen statistique méticuleux; elle schématise par trop les comportements humains dans un domaine ou semble régner une fantaisie dont les composantes nous paraissent inaccessibles.
3. Les politiques de la natalité
En face des développements aussi capricieux d’un phénomène comme la fécondité, peut-on imaginer que des mesures politiques soient de nature à en modifier le cours?
Dans ce domaine, les actions peuvent s’exercer dans deux sens: faire chuter des fécondités jugées excessives, redresser des fécondités considérées comme insuffisantes.
Encourager la baisse de la fécondité dans des pays sous-développés où la mortalité, de son côté, avait régressé considérablement sous l’effet de l’aide médicale extérieure est vite apparu comme une nécessité tant les taux d’accroissement résultant du déséquilibre entre ces deux composantes du mouvement naturel étaient élevés (de l’ordre de 3 à 4 p. 100, considérablement supérieurs aux taux européens du XIXe s.). Mais faire naître des comportements malthusiens dans des populations encore très attardées économiquement et culturellement est vite apparu difficile, malgré la révolution technique que représente l’apparition des moyens modernes de contraception, d’emploi plus aisé et plus sûr. Comme on l’a vu, les campagnes visant à répandre la pratique de la prévention des naissances ont, dans certains cas, été couronnées de succès; c’est particulièrement vrai de certaines petites populations d’Asie (Taiwan, Singapour, Corée du Sud), c’est aussi ce qui est amorcé dans de nombreux pays d’Amérique latine, en Inde également mais plus modestement. Il reste que l’introduction des techniques actuelles de prévention des naissances n’a pas eu l’effet miracle attendu, alors même qu’on a essayé de jouer avec toute la panoplie des moyens possibles, c’est-à-dire en introduisant l’avortement et la stérilisation. C’est la Chine qui a adopté la politique la plus radicale en prônant le principe de l’enfant unique; c’est aussi le grand pays qui est allé le plus loin dans les résultats, la natalité ayant chuté de près de moitié en une dizaine d’années.
Quant aux pays développés, leur attitude face à la dénatalité actuelle est très diverse. En Europe occidentale, c’est plutôt l’indifférence qui domine au niveau des instances gouvernementales. La France fait un peu exception, les discours des hommes politiques manifestant volontiers le souhait d’une natalité plus élevée qui assurerait à tout le moins, à terme, l’état stationnaire de la population. C’est dans l’Europe communiste que devait le plus fortement s’affirmer la volonté d’encourager la natalité. Mais on peut s’interroger sur les moyens qu’a la puissance publique d’infléchir ce comportement des individus dans un tel domaine. Le relèvement, quelquefois assez vif, observé à l’Est (en Tchécoslovaquie, mais surtout en République démocratique allemande) a pu faire croire, dans un premier temps, à la possibilité d’interventions réussies, mais en fait rien de durable n’a pu apparaître: une fois passé l’effet choc de mesures répressives en matière d’avortement et positives sur le plan de la politique familiale, les indices retombèrent très près de leurs valeurs d’antan.
Dans notre monde contemporain, la natalité semble être un phénomène sujet à des variations capricieuses, incontrôlables. On ne sait encore quels bouleversements nous promet la modification profonde des attitudes vis-à-vis du mariage dans les jeunes générations. Les naissances hors mariage prennent une importance qu’elles n’avaient jamais connue. En France, elles représentaient 11,4 p. 100 de l’ensemble en 1980; leurs effectifs sont passés en 1990 à 30,1 p. 100. Au Danemark, la proportion de naissances hors mariage est de 45 p. 100 en 1989. La tendance à l’unification des rôles au sein des couples, cause et conséquence de l’activité de plus en plus généralisée de la femme en dehors du foyer, apparaît dans un premier temps comme un facteur de sous-fécondité. De ce point de vue notre société est en pleine mutation, mais il n’est pas certain que le fléchissement de la fécondité qui en résulte se maintiendra une fois dépassée la période de changement. Un nouvel équilibre pourra alors s’installer, qui ne sera pas nécessairement celui impliquant les basses fécondités actuelles.
natalité [ natalite ] n. f.
• 1868; de natal
♦ Rapport entre le nombre des naissances et le chiffre de la population dans un lieu et dans un espace de temps (généralement un an) déterminés. Pays à forte, à faible natalité. Taux de natalité. Accroissement de la natalité. ⇒ baby-boom. Diminution, baisse, régression de la natalité (⇒ dénatalité) . — Une politique de natalité, qui vise à faire augmenter le nombre des naissances.
● natalité nom féminin (de natal) Phénomène de la naissance considéré du point de vue du nombre : Une politique de natalité. Rapport entre le nombre d'enfants nés vivants et l'effectif de la population dans un lieu donné et pendant une période déterminée. ● natalité (synonymes) nom féminin (de natal) Rapport entre le nombre d'enfants nés vivants et l'effectif de...
Contraires :
- dénatalité
- mortalité
natalité
n. f. Rapport du nombre des naissances à la population totale, dans un temps (en général l'année) et un lieu donnés. Pays à forte natalité. Taux de natalité.
⇒NATALITÉ, subst. fém.
DÉMOGR. Rapport entre le nombre de naissances et le chiffre de la population totale d'un pays dans une période de temps déterminée. Anton. mortalité, dénatalité. Natalité forte, réduite; natalité dirigée, effective; courbe, prime de natalité. Dans un pays de trop faible natalité comme la France, l'État doit sans doute pousser à l'accroissement de la population (BERGSON, Deux sources, 1932, p.308). Grâce à un système de larges allocations, relever la natalité française et, par là, rouvrir à la France la source vive de sa puissance (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p.182). Dans certains pays, si le taux de natalité a baissé, cette baisse a été momentanée, et il s'est redressé ensuite parce que des gouvernements pratiquèrent une politique «populationniste» consistant à aider financièrement les familles nombreuses, ou bien parce que certains peuples ont pris conscience du danger de la dénatalité (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1966, p.488).
Prononc. et Orth.:[natalite]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1868 (LITTRÉ); 1889 (GUYOT, Agric. Lorr., p.10). Dér. de natal; suff. -(i)té; cf. le m. fr. natalité, terme jur. «droit, statut du lieu où l'on est né» (1423 ds GDF.), prob. francisation d'un lat. médiév. natalitas. Fréq. abs. littér.:29.
natalité [natalite] n. f.
ÉTYM. 1868; de natal, et -ité.
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♦ Démogr. Rapport entre le nombre des naissances et le chiffre de la population dans un lieu et dans un espace de temps (généralement un an) déterminés. || Natalité déficiente (→ Incroyable, cit. 13), faible, forte, excessive. || Pays à forte natalité. || Accroissement, régression de la natalité. || Taux de natalité.
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CONTR. Dénatalité, mortalité.
COMP. Mortinatalité, sous-natalité, surnatalité.
Encyclopédie Universelle. 2012.