MASER
Le mot «maser» (Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation ) signifie amplification de micro-ondes par émission induite de rayonnement.
Les masers présentent un très grand intérêt historique. Celui à ammoniac, réalisé par Charles H. Townes et ses collaborateurs en 1954, a constitué la première preuve expérimentale de l’émission induite ou stimulée dont l’existence avait été prédite par Albert Einstein en 1917. Il a ensuite été possible à Charles H. Townes et Arthur L. Schawlow de prévoir la possibilité d’amplifier des ondes lumineuses et donc de réaliser les lasers (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation ). Les masers amplificateurs ont contribué au développement de la radioastronomie, de la radiométrie et des liaisons par satellites, à une époque où peu d’amplificateurs présentaient la très grande sensibilité requise.
D’autres développements sont de nature fondamentale: ils concernent l’étude des propriétés statistiques de l’émission induite, lorsque la cavité résonnante ne contient qu’un très petit nombre d’atomes et de photons.
Les masers sont des appareils conçus à partir des propriétés quantiques d’interaction de la matière et du rayonnement. Ils peuvent fonctionner soit en oscillateurs hyperfréquences doués d’une très grande pureté spectrale, soit en amplificateurs hyperfréquences dont l’extrême sensibilité n’est limitée que par des phénomènes fondamentaux de fluctuation quantique.
Le maser à hydrogène a permis de réaliser l’horloge atomique qui présente la meilleure stabilité de fréquence à court et à moyen terme [cf. HORLOGES ATOMIQUES]. Il subsiste quelques masers amplificateurs associés aux plus grandes antennes de réception de signaux en provenance de radiosources naturelles ou artificielles. Ils tendent à être supplantés par des dispositifs plus simples, utilisant, par exemple, des transistors à effet de champ.
1. Principes physiques
D’après les théories de Niels Bohr, un atome peut effectuer une transition entre deux niveaux d’énergie discrets E1 et E2 (E2 礪 E1), à condition que la loi de conservation de l’énergie E2 漣 E1 = h 益 soit vérifiée, h étant la constante de Planck et 益 la fréquence du rayonnement émis ou absorbé.
Le bilan des échanges de population entre les deux états peut s’établir à l’aide des coefficients de probabilité d’Einstein.
Le nombre d N d’atomes qui passent du niveau inférieur au niveau supérieur pendant l’intervalle de temps dt est égal à:
où 福 size=1益 est la densité spectrale d’énergie, soit l’énergie rayonnante contenue dans l’unité de volume et dans un intervalle de fréquence infiniment petit centré sur 益; 1 est le nombre d’atomes se trouvant au niveau E1; et B12 le coefficient de la probabilité d’absorption. Ce transfert de population s’accompagne de l’absorption de d N photons du rayonnement incident.
Du niveau supérieur, les atomes peuvent retourner au niveau inférieur selon deux processus différents: l’émission spontanée ou l’émission induite. Cependant, dans le domaine des fréquences hertziennes qui nous intéresse ici, la seconde est largement prépondérante pour toutes les densités de rayonnement qu’on peut généralement rencontrer. Nous négligerons donc l’émission spontanée. L’émission induite, appelée aussi stimulée, est provoquée, comme l’absorption de rayonnement, par la présence d’une radiation à la fréquence 益. Le nombre d’atomes d N retournant au niveau inférieur sous l’influence du rayonnement pendant le temps dt , et donc le nombre de photons produits par émission induite, est donné par:
où B21 est le coefficient de la probabilité d’émission induite.
Einstein a montré que les coefficients des probabilités d’absorption et d’émission induite sont égaux. Il en résulte que l’accroissement de la population du niveau inférieur d N est:
Le bilan énergétique de l’effet de l’absorption et de l’émission induite peut s’établir facilement puisque d N représente aussi l’excès du nombre de photons qui ont été émis par rapport à ceux qui ont été absorbés. L’énergie des photons étant égale à h 益, celle de l’onde incidente varie donc de E, donné par:
pendant l’intervalle de temps dt . En traversant le milieu contenant 1 atomes dans le niveau d’énergie inférieur et 2 atomes dans le niveau d’énergie supérieur, la puissance de l’onde incidente a donc varié de P = E/dt , et l’on obtient:
À l’équilibre thermique, on a, d’après la relation de Boltzmann:
où k est la constante de Boltzmann et T la température absolue. On a alors 1 礪 2, et le milieu est absorbant puisque P est négatif. Mais, si l’on trouve un moyen de répartir les atomes ou les molécules de telle sorte que l’on ait 2 礪 1, c’est-à-dire de réaliser une inversion de population, alors la puissance de l’onde devient une fonction croissante de l’épaisseur de la matière traversée. Au lieu d’être absorbée, l’onde incidente est amplifiée. On a pu effectivement produire des inversions de population dans des systèmes atomiques ou moléculaires, à l’état gazeux ou à l’état solide, et vérifier l’existence de leurs propriétés amplificatrices. C’est le principe du maser.
2. Masers à gaz ou à vapeur
Par suite de la faible densité atomique dans les gaz ou les vapeurs, la puissance de saturation des masers à gaz amplificateurs est limitée à quelque 10-12 ou 10-10 watt. Leur largeur de bande est très étroite et ils sont difficilement accordables sur une gamme de fréquences étendue. Ils ne présentent donc pas d’intérêt particulier pour les radiocommunications. En revanche, ils peuvent être utilisés comme étalons de fréquence, ou comme spectromètres pour l’étude des atomes ou des molécules assurant l’émission induite.
On peut facilement transformer ces amplificateurs en auto-oscillateurs, en permettant au champ électromagnétique créé par l’émission induite d’entretenir cette émission. Cette rétroaction s’effectue dans une cavité résonante à faibles pertes. En tant qu’oscillateurs, les masers à gaz présentent une pureté spectrale extrêmement élevée; ils peuvent être utilisés avantageusement comme analyseurs de spectre ou comme étalons de fréquence.
Pour obtenir l’auto-oscillation, on produit, par seconde, une différence de population supérieure à une valeur de seuil n s qui s’exprime, en unités S.I., par la relation simplifiée suivante:
où 猪0 est la perméabilité magnétique du vide ( 猪0 = 4 神 . 10-7); V, le volume de la cavité résonnante; Q, son facteur de qualité; 猪, l’élément de matrice de la transition; 0, le temps d’interaction de l’atome ou de la molécule avec le champ électromagnétique; et 兀, le coefficient de remplissage de la cavité par le milieu actif.
La demi-largeur de la raie d’oscillation d’un maser est donnée par:
où 益 est la demi-largeur de la transition et P la puissance fournie par le milieu actif.
Dans le cas typique d’un maser à hydrogène (fig. 1), à une température T voisine de 300 kelvins, on a 益 = 0,5 Hz, P = 5 . 10-13 W et donc 益osc = 1,3 . 10-8 Hz. Ce résultat montre le haut degré de monochromaticité de l’oscillation maser.
Si la fréquence d’accord de la cavité 益c n’est pas égale à celle de la transition 益0, alors la fréquence d’oscillation subit un déplacement donné par la relation:
Celui-ci est petit, car le coefficient (2 益)Q/ 益0 vaut 2,5 . 10-5 environ dans le cas du maser à hydrogène. Néanmoins, la valeur de 益c doit être maintenue aussi proche de 益0 et aussi constante que possible pour obtenir une excellente stabilité de fréquence à long terme.
Dans le premier maser, à ammoniac, on utilisait une transition dipolaire électrique dans l’ammoniac, à une fréquence égale à 22 789 MHz. Les molécules d’un jet étaient défléchies différemment, selon leur niveau d’énergie, au passage dans un champ électrique intense et inhomogène. Celles du niveau supérieur traversaient une cavité résonnante où l’émission induite se produisait. La stabilité de fréquence à long terme du maser à ammoniac était limitée par la faible valeur du temps de passage des molécules dans la cavité et par l’effet des collisions entre elles. Le maser à ammoniac, d’intérêt historique, n’est pratiquement plus employé.
Le principal maser à gaz utilise une transition dipolaire magnétique de l’atome d’hydrogène. Son intérêt provient du long temps d’interaction des atomes avec le champ électromagnétique de la cavité résonnante, grâce au stockage des atomes dans un ballon. On obtient ainsi une raie de résonance atomique très étroite. Le maser à hydrogène permet de réaliser l’horloge atomique la plus stable [cf. HORLOGES ATOMIQUES]
Les masers à rubidium utilisent une transition de structure hyperfine des isotopes de masse atomique 85 et 87 du rubidium, à 3 035,732 MHz et à 6 834,682 MHz, respectivement. L’inversion de population est obtenue par pompage optique, dans une cellule contenant de la vapeur de rubidium. Ces oscillateurs à vapeurs alcalines pompées optiquement ont une très bonne stabilité de fréquence à court terme, mais l’exactitude de leur fréquence est limitée par des effets dus aux gaz tampons et à la lumière de pompage.
3. Masers à l’état solide
Dans le maser à trois niveaux, le plus utilisé, les états d’énergie sont déterminés par les propriétés de solutions diluées d’ions paramagnétiques dans un réseau cristallin (fig. 2). La séparation des niveaux est ajustée par l’action d’un champ magnétique appliqué extérieurement au cristal.
Considérons trois niveaux dans la substance paramagnétique. Leurs populations sont distribuées selon la loi de Boltzmann, le niveau inférieur étant le plus peuplé. On a 3 麗 2 麗 1.
En soumettant cette substance à une radiation à la fréquence de pompage f 13, dont la puissance est suffisante pour dominer les phénomènes de relaxation, la population du premier niveau décroît, tandis que celle du troisième croît jusqu’à ce que ces populations soient rendues sensiblement égales par effet de saturation. On réalise alors la condition 2 礪 1 nécessaire pour obtenir l’effet maser entre les niveaux 1 et 2. On applique simultanément, avec f 13, un faible signal à la fréquence f 12, qui est donc amplifié. Comme le montre la formule (6), une différence appréciable entre les populations des divers niveaux ne peut être obtenue qu’à très basse température, dans le cas présent où les fréquences appartiennent au domaine des hyperfréquences. Il est donc nécessaire d’utiliser de l’hélium liquide (T 諒 4,2 K) pour obtenir les meilleures performances.
Les masers sont construits soit avec une seule cavité résonnante, soit, plus généralement, avec une structure à ondes progressives afin d’augmenter leur bande passante. Le champ magnétique est de l’ordre de plusieurs dixièmes de tesla sur un faible volume. On a construit des amplificateurs dans un domaine de fréquences comprises entre 0,3 et 100 gigahertz, avec des bandes d’accord au plus égales à 0,25 GHz, un gain de 20 à 30 décibels et une puissance de saturation de 1 à 10 microwatts. Une puissance de pompage d’environ 5 à 50 milliwatts est nécessaire, à une fréquence de deux à quatre fois celle du signal à amplifier. On a aussi étudié des masers à l’état solide, dans lesquels la différence de population était obtenue par pompage optique.
L’intérêt essentiel des masers à état solide résulte de leur très faible température de bruit . La puissance minimale détectable Pm , dans la bande passante de bruit B, est:
Pour B donnée, la sensibilité de la réception d’un signal est donc d’autant meilleure que la valeur de est plus faible. Pour les masers à état solide, est de l’ordre de 20 K. On a donc Pm = 2,8 . 10-18 W dans une bande passante de bruit de 10 kHz, par exemple.
On réalise actuellement des amplificateurs refroidis utilisant des transistors à effet de champ dont la température de bruit s’approche de celle qui est réalisable dans les amplificateurs à effet maser. Ils sont plus faciles à concevoir et d’un emploi plus aisé. Ils remplacent peu à peu les masers à état solide.
4. Micromasers
Le micromaser est un maser dans lequel l’oscillation est obtenue pour un très petit nombre d’atomes et de photons dans une cavité résonnante. La cavité est supraconductrice et les atomes sont préparés dans un état de Rydberg. Certains micromasers font appel à une transition à un seul photon, d’autres à deux photons. Ils permettent d’étudier des aspects purement quantiques de l’émission induite de photons. Entre autres propriétés particulières, la distribution du nombre des photons présents dans la cavité peut différer d’une loi de Poisson. Ces dispositifs constituent une source potentielle d’«états comprimés du rayonnement» dont les fluctuations sont inférieures aux valeurs usuelles. En dehors du grand intérêt théorique qui en résulte, ils présentent également un intérêt pratique lié à la diminution du bruit, qui permet des observations de meilleure qualité.
maser [ mazɛr ] n. m.
• 1954; mot angl., acronyme de Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation
♦ Phys. Amplificateur de micro-ondes par l'émission stimulée des atomes (ou des mollécules) excités par le rayonnement électromagnétique. Le maser est utilisé comme oscillateur dans la réalisation d'horloges atomiques.
● maser nom masculin (initiales des mots anglais Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation) Amplificateur de micro-ondes par émission stimulée de rayonnement électromagnétique.
⇒MASER, subst. masc.
PHYS. Amplificateur ou oscillateur de micro-ondes, qui rend l'énergie émise supérieure à celle absorbée, par enrichissement en atomes ou molécules, et qui fonctionne sur le même principe que le laser mais pour des ondes électro-magnétiques non visibles. Laser ou maser optique; maser à gaz, à hydrogène. Des comparaisons régulières sont faites entre le maser du L.S.R.H. et les horloges à quartz de l'observatoire de Neuchâtel, elles-mêmes comparées au temps astronomique (DECAUX, Mesure temps, 1959, p.103). Les performances des masers ouvrent ainsi de nouvelles possibilités à la technique du radar et des télécommunications et plus encore à la radioastronomie (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p.300).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1956 (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Ac. des Sc., CCXLII, 2451 ds HÖFLER Anglic.). Empr. à l'anglo-amér. maser formé des initiales de microwave amplification by stimulated emission of radiation «amplification de micro-ondes par émission stimulée de rayonnement» (cf. attest. de 1955 ds NED Suppl.2 rapportant la mise au point et la dénomination de ce système).
maser [mazɛʀ] n. m.
ÉTYM. 1954; mot angl., abrév. de Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation. → Laser.
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♦ Phys. Amplificateur obtenu par enrichissement en atomes ou molécules susceptibles d'émettre une radiation de fréquence donnée inférieure aux fréquences lumineuses (⇒ Laser) au profit des atomes ou des molécules susceptibles de l'absorber (et rendant ainsi l'énergie émise supérieure à l'énergie absorbée). || Les travaux de A. Kastler sur les niveaux énergétiques des électrons ont permis la découverte des masers et lasers (ou masers optiques). — Maser à ammoniaque, à césium. || Masers à inversion magnétique.
♦ En appos. || Oscillateur maser.
Encyclopédie Universelle. 2012.