ARBITRAGE
Au lieu de porter leurs contestations devant les tribunaux, il arrive fréquemment que les particuliers s’adressent à d’autres personnes en vue d’arbitrer un différend.
L’institution de l’arbitrage est de tous les temps. Il est permis de penser qu’elle a, dans l’histoire, précédé l’époque où la justice a été prise en charge et organisée par l’État. La justice romaine de l’époque archaïque, et même de l’époque classique, présente bien des traits qui évoquent son origine arbitrale. D’une manière générale, on peut constater que l’arbitrage prospère dans les époques où l’État est faible, incapable souvent d’imposer le recours à ses tribunaux ou le respect de leurs décisions: la juridiction des seigneurs féodaux, celle de l’Église reposent dans une large mesure sur la convention de parties qui ont préféré recourir à ces puissances plutôt qu’à une justice royale hors d’état de faire exécuter ses jugements. L’arbitrage a été utilisé aussi par les minorités, ethniques ou religieuses, qui ne voulaient pas voir régler les procès par les tribunaux établis et conformément à un droit dont elles ne reconnaissaient pas le bien-fondé et la justice: ainsi les premiers chrétiens se sont abstenus de saisir les juridictions de l’État.
Au XIXe siècle, l’arbitrage semblait, en Europe, avoir fait son temps. Il était alors réservé à certains procès civils de nature particulière: procès opposant les membres d’une même famille, des propriétaires voisins, les membres d’une même société commerciale ou association. En dehors de ces cas, où il était souvent déclaré obligatoire, l’arbitrage n’occupait plus, dans les codes de procédure, qu’une place restreinte. Mal distingué de la conciliation, il apparaissait comme simplement toléré par l’État à la condition qu’un contrôle efficace des sentences arbitrales demeurât effectué par les tribunaux.
L’arbitrage a connu après la Seconde Guerre mondiale un renouveau spectaculaire et s’est manifesté sous des formes ignorées du siècle dernier. Il est devenu le mode favori de solution des conflits entre commerçants, spécialement dans le domaine international; le recours à l’arbitrage est pareillement préconisé en de nombreux pays pour résoudre les conflits collectifs du travail; les contestations entre entreprises nationalisées furent, dans les pays socialistes, réglées par des organismes d’«arbitrage public»; le droit international public lui fait également une grande place pour le règlement des conflits entre États [cf. ARBITRAGE INTERNATIONAL].
1. Les différents types d’arbitrage
Si, à l’exclusion de l’arbitrage en droit international public, nous ne considérons que l’arbitrage entre particuliers, entreprises ou sociétés, des différences importantes apparaissent entre l’arbitrage du XIXe siècle et l’arbitrage contemporain.
L’arbitrage du siècle dernier visait avant tout à éviter les lenteurs, la publicité, les frais du procès, et à ménager le rétablissement de bons rapports avec l’adversaire. Ces considérations ont conservé leur poids dans les arbitrages du type traditionnel, mais ce ne sont pas elles qui expliquent le développement nouveau de l’arbitrage. Pour comprendre le sens de celui-ci, il convient d’envisager successivement l’arbitrage privé auquel on a recours dans les pays à régime libéral, l’arbitrage public qui a fonctionné dans les pays à régime socialiste et l’arbitrage dans les rapports du commerce international.
L’arbitrage en régime libéral
La raison majeure qui explique le recours à l’arbitrage, dans les pays à régime libéral, est l’inaptitude des tribunaux à trancher certaines catégories de litiges, très fréquents, qui se rapportent à des questions essentiellement techniques, telles que la qualité des marchandises livrées ou celle des travaux effectués. Pour trancher de telles contestations, plutôt que de s’adresser aux juges, qui devraient avoir recours à des experts, on s’adresse directement à ces experts pour leur demander non seulement d’exprimer leur opinion, mais aussi de résoudre la contestation en fonction de cette opinion. L’arbitrage est fréquemment administré, en pareil cas, par les soins d’associations professionnelles, qui proposent aux intéressés, membres ou non de leur groupement, des arbitres particulièrement qualifiés. De tels arbitrages, dénommés «arbitrages de qualité», constituent l’immense majorité des cas; les juges, qui seraient amenés dans de tels cas à recourir à des experts, ne peuvent en prendre ombrage, et les juristes doivent reconnaître que le recours à l’arbitrage est nécessaire.
Une seconde raison qui peut expliquer le succès de l’arbitrage est l’état du droit, qui souvent est inapte à résoudre les problèmes du commerce; celui-ci recourt en pareil cas à l’arbitrage, non pour apporter un complément au droit, mais pour substituer à celui-ci une réglementation fondée sur ses usages et correspondant à ses besoins. Ce recours a pour objet de modifier, sinon d’éliminer, le droit étatique afin de faire prévaloir, en dehors du droit civil, un «droit commercial» autonome.
L’arbitrage en régime socialiste
L’arbitrage public, tel qu’il fut en usage dans les pays socialistes, s’explique d’une autre manière. Il ne pouvait s’agir, dans ces pays, d’apporter par ce moyen des retouches au droit étatique. Si l’arbitrage s’est développé, c’est simplement parce que l’État lui-même a jugé opportun de soumettre à des organismes autres que les juridictions ordinaires la solution des litiges qui se produisent entre les entreprises étatiques. Ces entreprises dépendaient les unes et les autres de l’État; elles étaient liées les unes aux autres par leur participation à une tâche commune: l’exécution du plan; leurs intérêts ne s’opposaient pas de la même manière que ceux des entreprises qui, dans les pays à régime libéral, sont mues essentiellement par la recherche du profit. Les tribunaux, faits pour résoudre les conflits entre des adversaires indépendants l’un de l’autre, n’ont pas paru être les organismes aptes à résoudre des conflits entre des parties qui, l’une et l’autre, appartenaient à une même organisation d’ensemble et concouraient à la réalisation d’une tâche commune. Plutôt que de s’adresser aux tribunaux, il a paru opportun, en de tels cas, d’établir la compétence d’organismes distincts d’une nature mi-juridictionnelle, mi-administrative: les organismes de l’arbitrage public. Dès le début des années 1960, le caractère juridictionnel de ces organismes fut accentué; cela fut particulièrement évident en Yougoslavie, où le mot même d’arbitrage public a très tôt disparu et où les organismes qui en étaient chargés ont été remplacés par des tribunaux économiques.
L’arbitrage dans le commerce international
Indépendamment de la structure économique, socialiste ou non, planifiée ou non, des divers États, l’arbitrage a trouvé un champ d’expansion particulier dans les rapports du commerce international. L’état de la société internationale explique cette situation. Il n’existe en effet, à notre époque, aucune entente universelle sur le tribunal compétent pour connaître des contestations qui s’élèvent dans les rapports du commerce international; il n’existe pas non plus de certitude sur le droit national qui sera appliqué éventuellement par le tribunal saisi pour résoudre de telles contestations; les règles des droits nationaux, faites avant tout pour le commerce interne, sont par ailleurs souvent mal appropriées pour résoudre les contestations du commerce international. On a pu le constater en particulier lorsque les règles de conflit de lois, utilisées par le tribunal saisi, lui commandaient d’appliquer le droit d’un pays socialiste. Le droit interne des pays socialistes, qui interdisait le commerce entre particuliers, ne comportait en général aucune réglementation appropriée aux rapports du commerce international; une exception, significative, fut constituée par la république socialiste de Tchécoslovaquie où, pour combler cette lacune, on a mis en vigueur, en 1964, un Code spécial du commerce international, entièrement distinct du Code civil et du Code économique en vigueur dans cet État.
L’arbitrage est donc utilisé pour remédier à tous ces défauts de l’ordre international. La convention des parties désigne par ce moyen une juridiction, dont l’une et l’autre acceptent la compétence. L’arbitre ou les arbitres peuvent, par ailleurs, appliquer au litige un «droit commercial international» adapté aux besoins du commerce international, et qui ne sera pas nécessairement tel ou tel droit national plus ou moins arbitrairement choisi.
La clause compromissoire, par laquelle on stipule que toutes les contestations auxquelles donnera lieu éventuellement un contrat seront tranchées par des arbitres, est ainsi devenue une clause de style dans tous les contrats du commerce international. Les parties s’en remettent par cette clause soit à l’arbitrage de personnes par elles désignées (arbitrage ad hoc ), soit à celui d’une institution permanente d’arbitrage, par les soins de laquelle les arbitres seront désignés et la procédure d’arbitrage organisée. Le développement de ces institutions permanentes d’arbitrage, dans un cadre national ou international, dans le cadre d’une profession déterminée ou dans celui du commerce en général, est l’un des traits marquants de l’arbitrage du XXe siècle.
2. Réglementation de l’arbitrage
Droits nationaux
Réserve faite de l’arbitrage public tel qu’il fut pratiqué dans les pays socialistes, l’arbitrage de l’époque contemporaine se situe très généralement en dehors du droit, en ce sens que les litiges sont réglés par lui en dehors de toute intervention des autorités publiques et des tribunaux. Les juristes, qui connaissent seulement des cas où la justice vient à être saisie, ont une vue déformée de l’arbitrage; en fait, les parties, qui sont convenues de soumettre leur litige à des arbitres, exécutent le plus souvent de bon gré, le moment venu, cette convention; elles exécutent aussi de bon gré la sentence qui est rendue par les arbitres. Leur intérêt même et le souci de leur réputation commerciale poussent, en bien des cas, les parties à exécuter leurs engagements et à se soumettre à la décision des arbitres; il en est ainsi notamment dans le cas de l’arbitrage administré par les soins d’un groupement professionnel. Le succès de l’arbitrage ne peut s’expliquer que par là.
Même s’il repose en principe sur une base purement volontaire, l’arbitrage verra son efficacité accrue si les autorités étatiques sont disposées à lui venir en aide. Les commerçants ont cherché à obtenir cet appui. Ils l’ont fait dans le cadre de chaque nation, s’efforçant en particulier de faire reconnaître la validité de la clause compromissoire (effectivement reconnue en France depuis un décret de 1980), de limiter les recours possibles contre les sentences arbitrales, et de faire respecter l’exécution de ces sentences. Ils ont porté leurs efforts, avant tout, sur une amélioration du régime de l’arbitrage commercial international, domaine où étaient le plus à craindre pour l’institution des entraves tenant aux préjugés nationaux; or c’était là, précisément, que l’arbitrage était plus particulièrement nécessaire.
Conventions internationales: quelques exemples
Deux conventions internationales concernant l’arbitrage ont été conclues sous l’égide de la Société des Nations: le protocole de 1923 reconnaissant la validité de la clause compromissoire, la convention de 1927 relative à l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Ces deux conventions ont été reprises, et le régime de l’arbitrage commercial international a été considérablement amélioré par une nouvelle convention conclue à New York, sous l’égide des Nations unies en 1958. Une convention européenne sur l’arbitrage conclue à Genève, en 1961, sous l’égide de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, a réalisé depuis lors, sur le plan des relations entre pays de l’Europe continentale (pays d’économie libérale et anciens pays d’économie socialiste), de nouveaux progrès. Les conditions générales de livraison des marchandises, convenues en 1958 entre les pays membres de l’ancien Conseil pour l’aide économique mutuelle, prévoyaient que tous les litiges provenant de contrats passés entre les organismes du commerce extérieur de ces pays seraient résolus par l’arbitrage. En ce qui concerne les rapports avec les pays en voie de développement, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement a également élaboré une convention destinée à favoriser la solution arbitrale des litiges relatifs aux investissements, entre États et nationaux d’autres États; cette convention est entrée en vigueur en 1966. Le Conseil de l’Europe a ouvert à la signature de ses membres, dès 1966, une loi modèle sur l’arbitrage. De nombreux traités bilatéraux, enfin, ont trait à l’arbitrage ou comportent des dispositions relatives à l’arbitrage, lorsque celui-ci intervient à l’occasion de relations commerciales qui intéressent les ressortissants de leurs États [cf. ARBITRAGE INTERNATIONAL].
Avenir de l’arbitrage
Le problème posé par l’arbitrage présente un double aspect. Il s’agit, d’une part, de savoir dans quelle mesure la société doit être régie par un droit strict, administré par les tribunaux; ne convient-il pas, en de nombreuses situations, de préférer à ce système aux arêtes trop rigides un système plus souple, orienté vers l’avenir plutôt que tourné vers le passé, visant à restaurer l’harmonie plutôt qu’à attribuer «à chacun son dû»? L’arbitrage, institution de paix, apparentée à la conciliation, paraît avoir un rôle à jouer dans tous les cas où il y a lieu de régler une contestation née dans les rapports entre parties qui sont appelées à vivre ensemble (conflits entre époux, conflits à l’intérieur d’une entreprise, conflits entre États); c’est le mode de règlement qu’appelle la «coexistence pacifique», le droit n’y étant pas à sa place.
Dans d’autres hypothèses, l’arbitrage ne se pose pas en rival des autres techniques du droit, mais comme un remède à ses insuffisances et comme un moyen de son développement. Tel est le cas lorsque l’on envisage l’arbitrage commercial, principalement dans les rapports internationaux. La situation appelle ici l’application du droit; il s’agit d’attribuer à chacun son dû. Mais l’état de la société internationale est tel qu’on ne peut guère attendre des tribunaux établis des solutions satisfaisantes. Les tribunaux des divers États ne connaissent en effet que des droits nationaux, alors que les rapports du commerce international appellent l’application d’un droit authentiquement international. Le commerce international demande à l’arbitrage d’élaborer ce droit et d’en appliquer les principes.
Ainsi saisit-on mieux le malaise que les juristes éprouvent à l’égard de cette institution. Prôner l’arbitrage, c’est revendiquer deux choses: que soient reconnues l’incapacité du droit tel que le conçoivent les juristes à résoudre toutes les espèces de contestations, et la nécessité d’appliquer aux rapports internationaux un droit autre que celui qui est constitué par les différents droits nationaux. Ces propositions sont toutes deux hérétiques aux yeux des juristes formés selon la tradition du XIXe siècle.
Envisagé dans son second aspect – celui de la création d’un droit international nouveau –, l’arbitrage n’accomplira sa tâche que si deux progrès essentiels sont réalisés. Il convient en premier lieu que les institutions arbitrales deviennent, dans leur composition même, de véritables juridictions internationales. Il convient d’autre part qu’elles fonctionnent au plein jour, en abandonnant un voile de discrétion, qui est justifié dans le cas de l’arbitrage institution de paix, mais qui ne l’est pas dans celui de l’arbitrage de type nouveau. La mise en œuvre de ces principes, plus que des réformes d’ordre technique, servira à dissiper les réticences, parfois justifiées, qui compromettent trop souvent l’efficacité de l’arbitrage.
arbitrage [ arbitraʒ ] n. m.
• 1283; de arbitrer
1 ♦ Règlement d'un différend ou sentence arbitrale rendue par une ou plusieurs personnes (⇒ 1. arbitre), auxquelles les parties ont décidé, d'un commun accord, de s'en remettre. Soumettre un différend à l'arbitrage. Traité d'arbitrage. Arbitrage et conciliation en matière de conflits collectifs du travail. Arbitrage international. Arbitrage de l'O. N. U.
2 ♦ (1771) Fin. Opération d'achat et de vente en vue de tirer bénéfice des différences de cours entre deux choses similaires sur la même place, ou entre deux places différentes sur la même chose (valeur ou marchandise). Arbitrage de portefeuille, sur des valeurs mobilières.
3 ♦ Sport Fonction d'arbitre; exercice de ces fonctions. Une erreur d'arbitrage.
● arbitrage nom masculin Action d'arbitrer : Recourir à l'arbitrage d'un tiers. Opération consistant à acheter des monnaies, métaux précieux ou valeurs mobilières sur une place financière, pour les revendre simultanément sur une autre place où leur cours est plus élevé. Opération consistant à vendre une valeur mobilière considérée comme trop chère, pour la remplacer par une autre dont le cours paraît plus avantageux. Procédure de règlement d'un litige par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs arbitres ; décision rendue. Opération par laquelle les courtiers de commerce constatent ou dénient la conformité des marchandises livrées avec les échantillons et stipulent, s'il y a lieu, une diminution de prix d'achat, dite réfaction. Pouvoir de trancher souverainement un différend en matière administrative ou politique. (La Constitution de 1958, dans son article 5, prévoit que le président de la République « assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État ».) Procédure de règlement juridique des différends entre États par les juges de leur choix et sur la base du respect du droit. Règlement d'un conflit collectif du travail par une sentence arbitrale ou par une décision d'un tribunal institué à cet effet. ● arbitrage (citations) nom masculin Virgile, en latin Publius Vergilius Maro Andes, aujourd'hui Pietole, près de Mantoue, 70 avant J.-C.-Brindes 19 avant J.-C. À nous n'appartient pas d'arbitrer entre vous de si grands différends. Non nostrum inter vos tantas componere lites. Les Bucoliques, III, 108 ● arbitrage (synonymes) nom masculin Action d' arbitrer
Synonymes :
- médiation
arbitrage
n. m.
d1./d Règlement d'un différend par un arbitre. Soumettre un litige à l'arbitrage d'un tiers.
d2./d FIN Opération boursière de vente et d'achat simultanés, qui permet de réaliser un profit fondé sur la différence des cotes d'une même valeur sur des marchés différents, ou de valeurs différentes mais comparables, sur un même marché.
d3./d SPORT Action d'arbitrer; façon d'arbitrer. Un arbitrage contesté.
⇒ARBITRAGE, subst. masc.
A.— DROIT
1. En gén. Règlement d'un différend par l'intervention d'un arbitre choisi par un tribunal ou par les parties en présence :
• 1. — (...) Voulez-vous être encore au bout de dix ans à plaider? On multipliera les expertises et les arbitrages, et vous serez soumis aux chances des avis les plus contradictoires... Et, dit-il [le magistrat] en souriant, je ne vous vois point d'avoué pour vous défendre ici.
BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 749.
— P. ext. [Dans la vie pol.] Toute procédure de solution pacifique d'un différend. Arbitrage d'une assemblée, des partis, des pouvoirs publics :
• 2. La Cour de Cassation a maintenant tous pouvoirs. Il lui appartient d'examiner l'affaire jusque dans ses moindres détails, et de faire la complète lumière sur tous les points que les hauts intéressés de l'État-Major se sont donné tant de peine pour couvrir d'épaisses ténèbres. Nous espérons que cet arbitrage suprême ne fera pas défaut aux revendications de justice.
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 238.
♦ Procédure des arbitrages budgétaires. Procédure par laquelle le chef de l'État, le premier ministre ou le ministre des finances répartissent les ressources budgétaires à chacun des ministères intéressés :
• 3. Dans la pratique, la délégation travaille en « flanquant » d'un chargé de mission chaque ministre dépensier, notamment pendant la procédure des arbitrages budgétaires, en effectuant toutes les études qu'elle juge utiles, en se tenant en étroite relation avec des préfets de région qui sont ses correspondants et enfin, en surveillant l'exécution régionale des budgets.
G. BELORGEY, Le Gouvernement et l'admin. de la France, 1967, p. 130.
— Au fig. :
• 4. Mais comment justifier l'état d'âme de gens qui vous disent : « Qu'est-ce que cela me fait que Dreyfus ait été bien ou mal jugé? Entre un juif et l'armée, on ne peut pas hésiter. » En sommes-nous là vraiment? Pas de loi pour un juif. Quelle différence avec Carrier qui disait : « Pas de loi pour un prêtre, pas de loi pour un royaliste et les siens »? Alors c'est toujours la guerre sociale, et il n'y a entre nous que l'arbitrage de la violence.
CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, p. 140.
2. DR. INTERNAT. Procédure par laquelle des États abandonnent le règlement de leurs différends à des arbitres choisis par eux :
• 5. ... si l'on supposait l'Allemagne sans arrière-pensée de guerre, comment expliquer son hostilité systématique à toutes les propositions — sincères ou non, en tout cas diplomatiquement acceptables — de l'Angleterre? et son refus à porter le débat devant le Tribunal d'arbitrage de La Haye, comme le propose le tsar?
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 522.
3. DR. DU TRAVAIL. Règlement d'un conflit entre employeurs et salariés par l'intervention d'un arbitre étranger au conflit, dont la sentence, acceptée par les deux parties, est exécutoire :
• 6. Le rôle de surveillance de l'inspection s'accompagne d'une intervention dans les conflits collectifs du travail de manière à mettre en œuvre les procédures de conciliation, d'arbitrage ou de médiation prévues par des textes de 1955 et de 1957.
G. BELORGEY, Le Gouvernement et l'admin. de la France, 1967, p. 315.
B.— Faculté de juger, de décider. Laisser à qqn le plein arbitrage d'une chose (cf. ex. tiré de RENAN ds Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.).
C.— BOURSE et COMM. Décision par laquelle une opération bancaire est exécutée sur la place où elle est le plus avantageuse :
♦ Arbitrage sur monnaies :
• 7. Une même monnaie cotée sur plusieurs places peut valoir plus sur une place et moins sur une autre. Un arbitrage est possible. Il consiste à acheter la monnaie sur la place où elle est la moins chère pour la vendre immédiatement sur la place où son cours est plus élevé.
Banque, 1963.
♦ Arbitrage comptant contre terme. Achat de titres au comptant puis vente à terme ou achat de titres à terme puis vente au comptant quand ,,pour la même valeur et à la même séance de Bourse, les cours du comptant sont différents de ceux du terme.`` (Banque, 1963).
♦ Arbitrage en reports. Emprunt ,,sur des titres que l'on possède au taux le plus bas possible`` et utilisation de ,,l'argent ainsi obtenu pour prêter au taux le plus élevé possible.`` (Banque, 1963).
D.— SP. Exercice des fonctions d'arbitre. Un arbitrage impartial, une erreur d'arbitrage (ROB.).
DÉR. 1. Arbitrager, verbe trans., bourse et banque Faire un arbitrage. Synon. arbitrer. Inconnu ds les dict. (1936, P. MORAND, Les Extravagants, p. 90 : arbitrager des changes; dés. -er). 2. Arbitragiste, adj. et subst. masc., mêmes domaines a) adj. (1877, LITTRÉ : syndicats arbitragistes, spéculation arbitragiste). Qui concerne les opérations d'arbitrage. b) subst. masc. Celui qui fait des arbitrages. ,,En matière d'arbitrages de change, on dit de préférence « cambistes ».`` (Banque 1963). Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.(1871, La Semaine financière ds LITTRÉ; suff. -iste).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1283 dr. « jugement prononcé par un arbitre » (Ph. DE BEAUMANOIR, XLI, 1 ds GDF. Compl. : Si dirons liquel arbitrage valent et liquel non); 2. 1704 (DE LA PORTE, La Science des Négocians, 452, cité par A. Arveiller, Mel. Wartburg, II, p. 264 : arbitrage est aussi une combinaison que l'on fait de plusieurs changes, pour connoitre quelle place est plus avantageuse pour tirer et remettre); 3. 1931 sport. « fonction d'arbitre » (P. MORAND, 1900, p. 147 : Il y aura, pour cette seule affaire, un duel à la Grande Jatte et deux au Vesinet, lorsqu'aura été débrouillé l'écheveau compliqué de défis, cartels, jets de gant, arbitrages et appels sur le terrain).
STAT. — Fréq. abs. littér. :158.
BBG. — ARVEILLER (R.). Doc. lexicogr. tirés des dict. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, p. 264. — BACH.-DEZ. 1882. — Banque 1963. — BARR. 1967. — BAUDHUIN 1968. — Bible 1912. — BOUD.-FRABOT 1970. — BOUILLET 1859. — CAP. 1936. — CHABAT 1881. — Comm. t. 1 1837. — Éd. 1913. — Foi t. 1 1968. — KUHN 1931, p. 116, 224. — LAMB. 1970. — Lar. comm. 1930. — LAUZEL-MUSS. 1970. — LE CLÈRE 1960. — LEMEUNIER 1969. — MARCEL 1938. — MATH. 1967. — NOËL 1968. — NOTER-LÉC. 1912. — PUJOL 1970. — RÉAU-ROND. 1951. — RÉAU-ROND. Suppl. 1962. — ROMEUF t. 1 1956. — SUAVET 1970.
arbitrage [aʀbitʀaʒ] n. m.
ÉTYM. 1283; de arbitre.
❖
1 Règlement d'un différend rendu par une ou plusieurs personnes (⇒ Arbitre) auxquelles les parties ont décidé, d'un commun accord, de s'en remettre, en vertu d'une convention antérieure (clause compromissoire) ou postérieure au litige (⇒ Compromis). Syn. : sentence arbitrale. || Soumettre un différend à l'arbitrage de qqn, à son arbitrage. || L'arbitrage d'un amiable compositeur. || Ces deux pays se sont engagés à recourir à l'arbitrage pour le règlement pacifique de leurs conflits. || Traité d'arbitrage. || L'arbitrage de la Cour internationale de La Haye. || De la conciliation et de l'arbitrage en matière de différends collectifs entre patrons et ouvriers ou employés (Code du travail, titre II du livre IV). ⇒ Conciliation. || Arbitrage international. — Arbitrage d'une assemblée, des pouvoirs publics. || Arbitrage budgétaire : répartition des budgets entre ministères.
1 Pacifier par arbitrage les querelles et différends (…)
J. Amyot, Pompée, 56.
2 La détermination doit être soumise à l'arbitrage des gens doctes.
3 Si le principe d'arbitrage avait été voté, si la limitation des armements avait été acceptée par l'Allemagne (…)
Martin du Gard, les Thibault, VIII, 16 sept.
4 Les patrons, ouvriers ou employés entre lesquels s'est produit un différend d'ordre collectif portant sur les conditions du travail, peuvent soumettre les questions qui les divisent à un comité de conciliation et, à défaut d'entente dans ce comité, à un conseil d'arbitrage (…)
Code du travail, art. 104.
2 (1704). Fin. Opération d'achat et de vente en vue de tirer bénéfice des différences de cours entre deux choses différentes sur la même place, ou entre deux places différentes sur la même chose (valeur ou marchandise). || Faire un arbitrage. ⇒ Arbitrer. || Arbitrage en reports. — Spécialt. Remplacement, dans un portefeuille, de titres par d'autres. || Arbitrage comptant, contre terme : vente ou achat à terme suivi d'un rachat ou d'une revente au comptant. || Arbitrage de place à place.
5 Le technicien jeta un coup d'œil sur la liste de mes actions. « Vous me paraissez un peu chargé en pétroles, me dit-il, comme si j'avais eu la langue pâteuse. Même en cuivre vous pourriez vous alléger. On pourrait faire un arbitrage et vous faire rentrer du ciment. »
Pierre Daninos, Un certain Monsieur Blot, p. 252.
3 (1902, in Petiot). Sports. Fonctions d'arbitre; exercice de ces fonctions. || Un arbitrage impartial. || Une erreur d'arbitrage. || L'arbitrage de ce match laisse à désirer.
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DÉR. Arbitrager, arbitragiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.