KEEPSAKE
KEEPSAKE
Livre de luxe, sans aucune valeur utilitaire, mais de présentation très soignée et de contenu très anodin, que les Anglais offraient comme étrennes. Keepsake signifie: objet donné pour être gardé en souvenir. La vogue en fut lancée vers 1820 et correspond à l’époque romantique. Cette mode remplaçait celle du Taschenbuch allemand (livre de poche), simple almanach, moins soigné, et fut imitée en France dès 1830, les éditeurs pillant souvent les textes et les illustrations anglaises. Le keepsake, où l’image agréable, typique du romantisme suave et fleuri, sert la plupart du temps de prétexte à un texte souvent insignifiant, est en quelque sorte une déviation de l’idée du livre. De grands artistes furent employés par les éditeurs de keepsakes, tels Bonington, Cruikshank, Leech, ou les Devéria et parfois des écrivains de talent: on y trouve des textes de Dickens, de Shelley, ou de Ruskin et en France, on note la participation occasionnelle de Dumas, de Pétrus Borel, de Jules Janin, de Hugo, de Mérimée ou de Nodier. On a remarqué qu’un grand nombre de femmes y écrivaient des nouvelles sentimentales. Le format du keepsake est très variable mais l’illustration généralement gravée sur acier à la mode anglaise est très fine, le papier de qualité, et la couverture de moire ou de satin est placée sous un emboîtage. Le modèle en fut The Keepsake publié de 1828 à 1849 par Frédéric Mansel Reynolds. Le premier paru en France fut L’Abeille, keepsake français , suivi de L’Album britannique . La bibliographie des keepsakes publiée par Lachèvre en deux volumes (1929) permet de retrouver, dans cette production très commerciale, des pièces mineures écrites par de grands écrivains.
keepsake [ kipsɛk ] n. m.
• 1828; mot angl., de to keep « garder » et (for my) sake « pour l'amour de moi »
♦ Anciennt Livre-album, généralement illustré de fines gravures, qu'il était de mode d'offrir en cadeau, comme souvenir, à l'époque romantique. Des keepsakes.
● keepsake nom masculin (anglais keepsake, de to keep, garder, et sake, amour) Livre-album que l'on offrait (au milieu du XIXe s.) en cadeau, à Noël et au jour de l'an, dans les milieux aisés.
⇒KEEPSAKE, subst. masc.
Livre-album, élégamment présenté, comportant des poésies, des fragments de prose, et illustré de fines gravures, couramment offert en cadeau à l'époque romantique. La plupart des étrangers qui arrivent à Rome préfèrent, à toutes les figures de Raphaël (...) les petites gravures fines et soignées du keepsake, et autres almanachs anglais (STENDHAL, Prom. ds Rome, t. 2, 1829, p. 48). Elle demanda des vers, des vers pour elle, une pièce d'amour en son honneur; jamais il ne put parvenir à trouver la rime du second vers, et il finit par copier un sonnet dans un keepsake (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 128) :
• 1. ... de même qu'il fait du brouillard en décembre, en décembre il pleut inévitablement aussi des almanachs et des keepsakes [it. ds le texte]. C'est la température littéraire de la saison. Prenons donc la littérature et le temps comme ils viennent. Prenons les almanachs et les keepsakes [it. ds le texte] comme on nous les donne. Les keepsakes [it. ds le texte] sont nés en Angleterre. En France, ce sont des étrangers arrivés tout récemment...
MUSSET ds Revue des Deux Mondes, 1833, p. 101.
— (Figure, image, paysage, etc.) de keepsake. D'une élégance raffinée, d'une grâce délicate. Des Anglaises à profil de keepsake (FLAUB., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 204). Ici, dans ce décor de keepsake, l'imagination se refuse à concevoir la menace qui pèse si lourdement sur le monde (GREEN, Journal, 1940, p. 5) :
• 2. ... enfin c'était une volupté déjà étrange (...) à céder à la fascination de l'eau (...) et Dieu sait si j'étais ravi à souhait dans cette propriété où les îlots, les ponts rustiques et les pièces d'eau se succédaient dans des paysages de keepsake...
LORRAIN, Sens. et souv., 1895, p. 12.
♦ D'un raffinement excessif, artificiel ou un peu mièvre. Richardot a peint une jeune dame vêtue d'une robe noire et verte, — coiffée avec une afféterie de keepsake (BAUDEL., Salon, 1845, p. 46). Ce sont des dames du dix-huitième siècle sachant leur monde, (...) et non des bourgeoises de keepsake, qui veulent avoir de l'âme (TAINE, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 306).
Prononc. et Orth. : [kipsejk], [-se:k] ou [-]. Ac. dep. 1878 ,,on prononce kipsèque``. Étymol. et Hist. 1828 (Prospectus [...] The Keepsake — Le Souvenir —, pour l'année 1829, p.p. Giraldon Bovinet, 1 ds HÖFLER Anglic.). Empr. à l'angl. keepsake, composé du verbe to keep « garder » et sake « égard, amitié » désignant un présent qui perpétue le souvenir de la personne qui l'a offert, plus spécialement sous la forme d'un recueil de textes et d'images, d'où l'emploi du mot pour caractériser ce qui est comparable au style des images de ce genre de recueils (1839 ds NED Suppl.2, cf. aussi NED). Fréq. abs. littér. : 56.
keepsake [kipsɛk] n. m.
ÉTYM. 1828, in Höfler; mot angl. (1790), de to keep « garder » et sake (for my sake « pour l'amour de moi »).
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♦ Anciennt. Livre-album, généralement illustré de fines gravures, qu'il était de mode d'offrir en cadeau, comme souvenir, à l'époque romantique. || Les keepsakes, recueils de vers, de prose et de musique, furent très en vogue sous la Restauration et sous la monarchie de Juillet.
1 (…) de charmants petits tableaux d'intérieur, de gracieuses scènes de la vie élégante, comme nul keepsake, malgré les prétentions des réputations nouvelles, n'en a depuis édité.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1845, II, A. Devéria.
2 Quelques-unes de ses camarades apportaient au couvent les keepsakes qu'elles avaient reçus en étrennes.
Flaubert, Mme Bovary, I, VI.
3 (…) les premiers keepsakes (en l'année 1817) venaient de paraître, la mélancolie pointait pour les femmes, comme, plus tard, le byronisme pour les hommes (…)
Hugo, les Misérables, I, III, III.
♦ Vieilli. || Figure, image de keepsake, d'une élégance raffinée, délicate, un peu mièvre (dans un contexte romantique). || « Des Anglaises à profil de keepsake » (Flaubert). || Un décor de keepsake.
Encyclopédie Universelle. 2012.