JANSENIUS
JANSENIUS CORNELIUS JANSEN dit (1585-1638)
Théologien, né près de Leerdam, issu d’une famille catholique hollandaise. Formé principalement à l’université de Louvain, de mouvance espagnole, Jansenius y est témoin du conflit, toujours prêt à se rallumer, opposant les jésuites de la ville, dont le molinisme accorde beaucoup à la liberté humaine, et la tradition thomiste ou baïaniste de l’Université, qui affirme l’efficacité souveraine de la grâce divine. Il ne prend pas encore parti. Travailleur acharné, avide de remonter aux sources de la doctrine (la Bible et les Pères de l’Église), il trouve un digne émule en la personne de Duvergier de Hauranne, futur abbé de Saint-Cyran, dont il fait la connaissance à Paris en 1609. Les deux jeunes gens se livrent ensemble à d’immenses lectures, soit à Paris, soit à Camp-de-Prats, près de Bayonne, où Duvergier emmène son ami. En 1612, pendant ces années de labeur, Jansenius est nommé principal du collège de Bayonne; en 1614, il est ordonné prêtre à Louvain. En 1617, son Université le rappelle, il y prend le bonnet de docteur et se voit confier, comme président du séminaire Sainte-Pulchérie, de lourdes charges d’administration et d’enseignement.
C’est alors qu’il envisage de consacrer sa vie à exposer et à défendre la doctrine augustinienne de la grâce. Plusieurs circonstances l’y encouragent: sa réflexion fait un progrès décisif lorsqu’il découvre la clef du système augustinien dans la distinction entre la grâce d’Adam (soumise au libre arbitre de l’homme) et celle du Christ (pleinement efficace); il acquiert la conviction que les condamnations portées contre Baïus n’empêchent pas de retenir certaines de ses thèses; il peut espérer que l’interdiction prononcée en 1611 par le Saint-Office de ne rien publier sur les problèmes de la grâce souffrira des exceptions. Il confie son projet à Saint-Cyran, qu’il revoit à plusieurs reprises et avec lequel il entretient une correspondance assidue: il obtient son approbation, sa collaboration même dans les débuts et la promesse de lui procurer des appuis, notamment du côté de Bérulle et de l’Oratoire, pour le succès d’une entreprise qui exige autant de diplomatie que de science.
Désormais tout l’être de Jansenius est tendu vers la réalisation du futur Augustinus . Mais des charges astreignantes viennent souvent l’en détourner. Entre 1624 et 1627, il a des missions en Espagne pour défendre les privilèges de l’Université de Louvain contre les Jésuites, qui prétendent assurer par eux-mêmes un enseignement de philosophie et de théologie conduisant aux grades. Le résultat se traduit par un succès brillant, tant à la Cour qu’auprès des universités espagnoles, mais aussi par l’inimitié tenace des Jésuites. En 1628, pour célébrer la réforme d’un monastère bénédictin, il prononce un sermon Sur la réformation de l’homme intérieur , à la spiritualité tout augustinienne, qui, traduit plus tard en français, sera fort lu, notamment de Pascal. Grâce à la protection de Boonen, archevêque de Malines, et à l’appui de ses amis Froidmont et Calenus, Jansenius devient, en 1628, l’un des «régents» de son Université et, en 1630, il est nommé professeur royal d’Écriture sainte: ses commentaires, inspirés des Pères, seront publiés après sa mort (Pentateuchus et, sur les Évangiles, Tetrateuchus ). En 1630-1631, il est engagé dans la controverse contre les protestants, qui viennent d’introduire des pasteurs à Bois-le-Duc; il s’en prend particulièrement à Voet. Les ouvrages écrits à cette occasion (Alexipharmacon , Notarum spongia ) se font remarquer par l’éloquence et par la solidité doctrinale. Passionné de politique, il ne la conçoit qu’au service du catholicisme; il se lamente sur les succès militaires des protestants hollandais et condamne l’alliance de Richelieu avec les huguenots. Au moment où la France déclare la guerre à l’Espagne et envahit les Pays-Bas, il publie un pamphlet passionné, dénonçant l’appui que l’hérésie reçoit de la politique française, le Mars Gallicus (1635). Casque en tête, il participe à la défense de Louvain assiégée. La guerre interrompt la correspondance avec Saint-Cyran: les voies des deux amis, qui n’ont jamais été confondues, divergent désormais. Nombreux sont les honneurs que recueille alors Jansenius: en 1635, le rectorat lui permet de fonder la bibliothèque de l’université de Louvain; en 1636, il est nommé évêque d’Ypres. À cette époque, l’Augustinus , monument de sa vie, est presque achevé; il le sera entièrement en avril 1638. Le mois suivant, victime de la peste, mais surtout épuisé par son prodigieux effort, Jansénius meurt laissant à Froidmont et à Calenus le soin de publier son ouvrage. Ce sera chose faite en 1640.
Le livre est d’un homme passionné de saint Augustin, son maître à penser, mais aussi la source de sa piété; d’un adversaire résolu des Jésuites, au moins de leur doctrine (car, dans sa carrière, il les a souvent ménagés), cette doctrine qui, par son humanisme foncier, contredit l’héritage sacré de l’Église primitive; d’un esprit raide et systématique, porté à durcir la pensée de son modèle en prenant comme référence principale les derniers écrits contre les pélagiens; enfin d’un trop pur intellectuel, indifférent à ce qui, dans son système, peut choquer légitimement la sensibilité. Mais à sa mort, en partisan qu’il était de l’infaillibilité pontificale, il avait soumis son livre au jugement de Rome: s’il avait vécu davantage, le jansénisme n’aurait peut-être jamais existé.
Jansénius
(Corneille Jansen, dit) (1585 - 1638) théologien hollandais; évêque d'Ypres (1635). Son Augustinus (posth., 1640) promut le jansénisme. (V. encycl. jansénisme.)
Encyclopédie Universelle. 2012.