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ISKRA
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ISKRA

Journal du Parti social-démocrate ouvrier russe (P.O.S.D.R.), l’Iskra (L’Étincelle ) paraît du 11 décembre 1900 au 8 octobre 1905. En tout 112 numéros seront publiés à un rythme mensuel puis bimensuel à partir de 1902. Son histoire se confond avec celle de la social-démocratie russe, et l’on doit distinguer la vieille Iskra , dirigée conjointement par Lénine et Plekhanov (jusqu’au numéro 52 du 19 octobre 1903), de la nouvelle Iskra , organe des seuls plekhanovistes.

La vieille Iskra est incontestablement marquée par la personnalité de Lénine et par la jeune génération social-démocrate: en 1900, le parti éclate en Russie comme dans l’émigration; Lénine, Martov et Potressov conçoivent pendant leur exil sibérien la création d’une revue qui coordonnerait l’action des marxistes révolutionnaires de Russie, tout en renouant avec la direction émigrée du parti. À leurs yeux, la tâche est urgente, car, outre le «localisme» et les attaques policières, c’est le révisionnisme bernsteinien qu’il convient de battre en brèche. L’accord se fait avec Krjijanovski, du groupe de Samara, et Krassine, du groupe du Caucase, par l’intermédiaire duquel un financement est assuré, grâce à de riches libéraux. Les «frères» de la «triple alliance», arrivés en Occident, parviennent assez vite à un accord avec les pères fondateurs du parti, Plekhanov, Axelrod et Zassoulitch, de vingt ans leurs aînés. Le journal est publié à Leipzig puis à Munich et enfin, d’avril 1902 à avril 1903, à Londres. Lénine s’occupe du secrétariat, secondé par sa femme, par Litvinov, par Stassova et, plus tard, par Sedova, la compagne de Trotski. Plekhanov et Axelrod, restés en Suisse, sont ainsi éloignés des affaires courantes du journal et y collaborent assez peu. Martov et Lénine publieront, chacun en moins de trois ans, une quarantaine d’articles, élaborant et faisant connaître par l’Iskra une position clairement définie à l’égard des réformistes, des populistes syndicalistes et des hérauts du terrorisme. L’Iskra , cette étincelle «d’où naîtra la flamme», selon l’exergue emprunté aux décabristes, s’en prend surtout au «localisme», insistant sur la nécessité de construire une avant-garde centralisée. C’est le thème de deux articles de Lénine dans les numéros 1 et 4 qui seront réunis dans la célèbre brochure intitulée Que faire? (1902). L’Iskra est un «soufflet», un «organisateur collectif» qui recrée un parti à l’image et autour de ses diffuseurs en Russie. D’une dizaine en 1900 ceux-ci passent à trente en 1903; Dimitri Oulianov, le frère de Lénine, Lengnik, Kalinine, Babouchkine et Goussev en font partie. Grâce à eux se constitue un réseau de correspondants ouvriers de l’Iskra ; la revue se proclame «journal populaire», se distinguant ainsi de la revue théorique Zaria (L’Aube ), publiée à Stuttgart en 1901-1902 et animée par la même équipe de rédaction.

Cependant, certains groupes sociaux-démocrates, notamment dans le Sud et dans la capitale, refusent de rejoindre ce nouveau pôle. Par ailleurs, l’Iskra résiste mieux qu’eux à la persécution policière. Son tirage, certes, est souvent saisi en grande partie à la frontière, mais il suffit de quelques numéros qui seront réimprimés grâce à Krassine pour reconstituer le tirage primitif.

À partir de 1902, le conflit entre les «vieux» et les «jeunes» se durcit: Plekhanov, qui dispose d’une voix double au sein du comité de rédaction, refuse de donner à Trotski, dit Pero (la Plume), plus qu’une voix consultative; le comité est transféré en 1903 à Genève auprès de Plekhanov, et ce malgré l’opposition du seul Lénine. Forts de la position clé qu’ils ont eue en contrôlant le journal et assurés du soutien des partis sociaux-démocrates allemand et autrichien, les iskristes prennent progressivement le contrôle du parti. Au deuxième congrès du P.O.S.D.R. (Bruxelles-Londres, 30 juill.-23 août 1903) qu’ils ont retardé afin d’y être majoritaires, ils comptent 33 délégués sur 51. Tous ensemble, ils battent l’autonomisme national du Bund juif (grâce à la motion des «iskristes juifs») et le «trade-unionisme» du Rabo face="EU Caron" カee Delo et du groupe de Saint-Pétersbourg. Prenant pour prétexte leur ligne d’alliance avec les libéraux et les socialistes-révolutionnaires, Lénine réussit à exclure Axelrod et Zassoulitch du comité de rédaction. Grâce au départ de ses adversaires et au soutien de Plekhanov, l’Iskra et son organisation deviennent le seul organisme étranger du parti. Martov et Trotski, iskristes «mous», refusent l’exclusion des «vieux» et décident de le boycotter. Plekhanov, après trois mois de coexistence difficile avec Lénine, les coopte tous au comité de rédaction; Lénine, battu, démissionne alors du journal.

D’octobre 1903 au 8 octobre 1905 (des numéros 53 à 112), l’Iskra sera l’organe des mencheviks qui prônent la réunification du parti et mettent l’accent sur la créativité des masses. Ils s’opposent alors à Lénine; Parvus et Rosa Luxemburg les soutiennent par des articles brillants. Trotski, quant à lui, ne peut admettre l’ouverture du journal vers les libéraux (Lettre ouverte à l’Iskra ); en 1904 et pour quelques mois, il en est exclu par Plekhanov; rentré en Russie, il est toléré dans les colonnes du journal; néanmoins, il n’y joue plus de rôle dirigeant et ses articles prennent place dans le bloc-note en avant-dernière page. Son refus du bloc constitué par les mencheviks et les libéraux n’est pas compris par les centristes orthodoxes du journal. Dès la révolution de 1905, l’Iskra n’est plus le lieu ni l’enjeu des batailles politiques, la lutte étant désormais centrée sur la Russie.

Encyclopédie Universelle. 2012.