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HÉLOBIALES
HÉLOBIALES

Les Hélobiales (encore appelées Fluviales, Hydrocharitales sensu lato , Alismatales sensu lato ) sont des plantes monocotylédones des marais ou des eaux douces ou salées, qui présentent des adaptations très variées au milieu palustre ou aquatique. On considère ici, comme il est admis en général, qu’elles constituent un seul ordre. Toutefois, L. Emberger en fait un phylum groupant deux ordres (Alismatales et Potamogétonales), et Y. Kimura une classe qu’il divise en six ordres (Alismatales stricto sensu , Hydrocharitales stricto sensu , Scheuchzériales, Potamogétonales, Naïadales, Triuridales).

Les Hélobiales sont les Monocotylédones les plus proches des Dicotylédones (donc des Monocotylédones peu évoluées): elles s’apparentent assez étroitement à l’ordre dialypétale des Ranales (Polycarpiques).

Aucune des espèces d’Hélobiales ne présente un grand intérêt économique, mais plusieurs sont cultivées dans les jardins (pièces d’eau) ou les aquariums.

1. Un exemple: l’épi d’eau

L’épi d’eau, Potamogeton natans (fig. 1), est une plante herbacée vivace que l’on rencontre dans les eaux douces tranquilles des zones tempérées et subtropicales. Son rhizome, enterré dans la vase, produit des tiges longues parfois de plusieurs mètres (dangereuses pour les nageurs!) qui portent des feuilles alternes parfois opposées dans le haut. Les feuilles inférieures, entièrement submergées, linéaires et dépourvues de limbe, peuvent atteindre 50 cm de long tandis que les feuilles supérieures ont un limbe ovale de 12 cm de long sur 5,5 cm de large, qui flotte sur l’eau; à la base des feuilles, les stipules atteignent 10 cm.

Les épis, portés par des pédoncules très développés (jusqu’à 10 cm), se dressent au-dessus de l’eau; enveloppés dans une bractée (spathe) à l’état jeune, ils peuvent atteindre 8 cm de long à l’état adulte. Les fleurs sont petites, de symétrie radiaire; elles sont nues et réduites à quatre étamines et à quatre carpelles. Chaque étamine se compose d’une anthère sessile dont le connectif porte du côté extérieur un appendice vert qui a l’aspect et le rôle d’un tépale.

Les carpelles, libres entre eux, portent un stigmate sessile et ne renferment qu’un seul ovule anatrope pendant, attaché au plafond de la cavité ovarienne. Les grains de pollen mûrs sont trinucléés et transportés par le vent. Chaque carpelle fécondé devient une drupéole. Celle-ci se détache, tombe, flotte un certain temps, puis est transportée par l’eau, par les oiseaux ou par les poissons.

2. Généralités sur les Hélobiales

Caractères botaniques

Les Hélobiales sont des plantes herbacées généralement vivaces, souvent rhizomateuses, qui vivent dans les marais, les eaux douces ou salées, stagnantes ou courantes. Elles sont soit entièrement submergées, soit en partie flottantes, soit en partie ou entièrement dressées au-dessus de l’eau ou du sol humide. Leurs feuilles simples, très variées, rubannées et sessiles ou à limbe et pétiole bien distincts, sont souvent pourvues de stipules ou souvent engainantes et accompagnées à leur aisselle de petites écailles insérées sur la tige, épaisses de deux assises de cellules et sécrétant du mucilage: les squamules intravaginales.

L’appareil conducteur et les tissus de soutien de beaucoup d’espèces aquatiques sont très réduits; les faisceaux comportent surtout des trachéides, et dans divers groupes (par exemple les Hydrocharitacées), il n’existe pas de vaisseaux. Par contre, ces plantes présentent souvent des lacunes aérifères fort développées.

On rencontre chez les Hélobiales des fleurs solitaires, des épis (par exemple l’épi d’eau), des ombelles (Butomus ), etc. Les fleurs sont d’une diversité déconcertante, uni- ou bisexuées, à symétrie radiaire ou bilatérale, à formule florale très variée, à périanthe complet, double ou simple, ou réduit, voire nul, à étamines et carpelles insérés en spirale et nombreux, ou insérés en verticilles, parfois solitaires. Les grains de pollen, généralement trinucléés à l’état adulte, se forment par des cloisonnements successifs de leur cellule mère. Les carpelles sont libres ou unis, et dans ce dernier cas l’ovaire est parfois infère. La placentation est variée. Les ovules, uniques ou plus ou moins nombreux, ont deux téguments et une seule archéspore, cellule mère du sac embryonnaire. Après la fécondation, l’albumen se forme selon un mode particulier, dit «type hélobial» (fig. 2): lors de la première division du noyau primaire triploïde, il se forme une cloison transversale dans le sac embryonnaire; la cellule fille chalazienne ne se divise plus, la cellule fille micropylaire présente, au contraire, des divisions nucléaires sans cloisonnements au départ qui forment un albumen d’abord plasmodial.

Les fruits sont très variés, charnus ou secs, déhiscents ou non. Dans les graines mûres, l’albumen a disparu totalement ou presque, l’embryon ayant pris un grand développement. Ce dernier est généralement porté par un suspenseur formé d’une cellule hypertrophiée. Le cotylédon unique ne forme pas de suçoir.

Pollinisation

Chez les Hélobiales, les fleurs sont d’autant plus simples qu’il s’agit d’espèces plus adaptées à la vie aquatique. Leur diversité s’accompagne d’une grande variété de leur biologie. Ainsi, la pollinisation est faite par les insectes chez les espèces à fleurs aériennes voyantes (Hydrocharis morsus-ranae ), par le vent chez des espèces à fleurs aériennes peu voyantes (tel l’épi d’eau), par l’eau chez de nombreuses espèces à fleurs petites immergées ou affleurant la surface de l’eau (Vallisneria, Elodea canadensis ). Dans ce dernier cas, de merveilleux mécanismes, mis au point au cours de l’évolution, assurent la fécondation. En voici deux exemples. Chez les Halophila , la pollinisation se fait au sein de l’eau: les fleurs submergées ont des grains de pollen groupés en tétrades filiformes résistant à l’eau de mer et ayant la même densité. Chez Hydrilla verticillata , plante submergée d’eau douce, les pédicelles des fleurs femelles s’allongent, portant celles-ci à la surface de l’eau où elles s’épanouissent; le bouton de la fleur mâle, rempli de gaz comme celui de la fleur femelle et pointu au sommet, est d’abord enfermé dans une spathe formée de deux bractéoles; après la rupture du pédicelle et l’ouverture de la spathe, le bouton monte à la surface de l’eau. Il s’y épanouit; ses trois anthères s’étalent horizontalement sur les sépales; puis chacune se redresse brusquement en projetant du pollen dans un secteur d’environ 120 degrés sur une distance de 25 cm. Ce pollen peut atteindre les stigmates d’une fleur femelle qui, lorsqu’elle est fécondée, disparaît sous l’eau par spiralisation du pédicelle, et le fruit mûrit sous l’eau.

3. Affinités phylogénétiques

Bien qu’étant indiscutablement des Monocotylédones, les Hélobiales montrent des affinités multiples avec l’ordre dicotylédoné des Ranales (ou Polycarpiques). Les deux groupes ont en commun non seulement l’habitat aquatique de beaucoup d’espèces, mais encore diverses particularités tant de leur appareil végétatif que de leur appareil reproducteur: souche souvent rhizomateuse, phyllotaxie, structure anatomique (laticifères, disposition des faisceaux, cambium intrafasciculaire peu développé), préfeuille unique ou deux préfeuilles, trimérie et acyclie florales, androcée uni- à multistaminal et cyclique ou spiralé, gynécée souvent apocarpe et cyclique ou spiralé, mode de formation du pollen, placentation, etc. Des Renonculacées ressemblent à des Alismatacées, des Cératophyllacées à des Naïadacées. Aucun autre ordre de Monocotylédones ne présente pareilles ressemblances avec les Dicotylédones. On en déduit que c’est dans le complexe des Ranales, des Hélobiales et de leurs ancêtres immédiats que s’est fait au cours de l’évolution le passage des Dicotylédones aux Monocotylédones.

Par ailleurs, les Hélobiales ont des affinités avec d’autres ordres de Monocotylédones: les Alismatacées et les Butomacées avec les Liliales (Liliiflores), les Potamogétoninées avec les Arales, etc. La famille des Lemnacées, par exemple, a été classée soit parmi les Hélobiales, soit parmi les Arales.

Aussi Emberger a-t-il réparti les familles des Hélobiales en deux ordres qu’il regarde comme deux lignées parallèles: en premier lieu, les Alismatales (Butomacées, Hydrocharitacées, Alismatacées, Juncaginacées, Scheuchzériacées et Aponogétonacées) rappelant à la fois les Ranales et les Liliales; en second lieu, les Potamogétonales (Potamogétonacées, Zannichelliacées et Naïadacées d’Eckardt) apparentées aux Arales.

4. Aperçu systématique

Selon la classification de T. Eckardt (1964), les Hélobiales se décomposent en quatre sous-ordres (Alismatinées, Hydrocharitinées, Scheuchzériinées, Potamogétoninées) et neuf familles.

Alismatinées

Les Alismatinées (deux familles) ont des fleurs hypogynes trimères pourvues généralement d’un calice et d’une corolle et de trois étamines et trois carpelles ou davantage. Les plantes de la famille des Alismatacées comportent des laticifères schizogènes; les carpelles n’ont que peu d’ovules ou même qu’un seul se transformant à maturité en nucules monospermes. Cette famille compte cent dix espèces, des zones tempérées et chaudes, surtout de l’Amérique du Nord, groupées en seize genres dont les plus importants sont: Alisma (six espèces des zones tempérées et chaudes, l’espèce la plus connue étant A. plantago-aquatica , le plantain d’eau); Echinodorus (vingt espèces, surtout américaines); Damasonium (cinq espèces, d’Europe, du bassin méditerranéen, d’Asie centrale et occidentale, d’Australie et de Californie); Sagittaria (vingt-cinq espèces surtout américaines, mais en Europe une espèce, S. sagittifolia , remarquable par son hétérophyllie: les feuilles complètement immergées sont rubannées, les feuilles flottantes ont un limbe ovale, celles qui se dressent au-dessus de l’eau ont un limbe sagitté).

La famille des Butomacées se distingue de celle des Alismatacées par les carpelles à nombreux ovules, et par les fruits formés de follicules à nombreuses graines. Cette famille compte quatre genres groupant treize espèces, surtout tropicales. Citons les genres Butomus (seule espèce: B. umbellatus , le jonc fleuri, d’Europe et d’Asie tempérée) et Hydrocleis (neuf espèces, d’Amérique tropicale, dont H. nymphoides souvent cultivé en aquarium).

Hydrocharitinées

Les Hydrocharitinées (une seule famille) diffèrent des Alismatinées par leurs fleurs épigynes (fig. 3). Les Hydrocharitacées ont des fleurs souvent unisexuées et dioïques, solitaires ou en cymes, à l’aisselle d’une ou de deux bractées. L’ovaire infère est syncarpe, mais cette syncarpie ne serait qu’apparente; les carpelles se souderaient, non pas entre eux mais isolément, à un prolongement du réceptacle. Le fruit plus ou moins charnu mûrit sous l’eau. Cette famille compte seize genres et cent espèces, toutes aquatiques, d’eau douce ou salée, principalement des zones chaudes, avec quelques représentants dans les pays tempérés: les espèces marines sont surtout concentrées sur les côtes des océans Indien et Pacifique et aux Antilles. Les genres principaux sont Ottelia (quarante espèces, surtout des Tropiques de l’Ancien Monde), Stratiotes (une espèce, S. aloides , d’Europe et d’Asie), Hydrocharis (six espèces, d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Australie tempérée, dont H. morsus-ranae , d’Europe et d’Asie), Vallisneria (huit espèces tropicales et subtropicales), Elodea (quinze espèces, des deux Amériques: E. canadensis s’est répandu en Europe depuis 1836 et n’y est représenté que par des plantes femelles, toutes issues par fragmentation de la première plante introduite), Halophila (dix espèces, de l’océan Indien, de l’océan Pacifique et de la mer des Antilles, à grains de pollen groupés en tétrades linéaires filiformes: la pollinisation se fait dans l’eau).

Scheuchzériinées

Le sous-ordre des Scheuchzériinées ne comporte que la seule famille des Scheuchzériacées et une seule espèce Scheuchzeria palustris , dont les fleurs, munies d’un périgone simple, ont des étamines extrorses et un ovaire supère à plusieurs carpelles presque libres. C’est une plante rare des tourbières des contrées tempérées et froides de l’hémisphère Nord; dans le sud et le centre de l’Europe, en France notamment, c’est une relique des glaciations. On a souvent rapproché le genre Scheuchzeria du genre Triglochin (cf. ci-dessous Juncaginacées).

Potamogétoninées

Les Potamogétoninées (cinq familles) ont des fleurs nues ou à périgone simple, des étamines extrorses, un gynécée supère à un ou à plusieurs carpelles séparés.

Les Aponogétonacées ont des fleurs généralement pourvues de tépales, groupées en épis simples ou bifurqués dressés au-dessus de l’eau, d’abord enfermés dans une spathe caduque. Cette famille ne comprend que le seul genre Aponogeton (quelquefois appelé Ouvirandra ). On compte trente-cinq espèces que l’on rencontre en Afrique, au sud du Sahara, à Madagascar, en Indomalaisie, en Nouvelle-Calédonie et au nord-est de l’Australie, ainsi que des fossiles dans le Crétacé inférieur en Argentine (par exemple A. distachyon , espèce sud-africaine à épi bifurqué souvent cultivée dans les pièces d’eau et naturalisée dans le sud de la France, et A. madagascariensis [fig. 4], appelée aussi A. fenestralis , la «plante dentelle» aux feuilles adultes grillagées, percées de trous entre les nervures).

Les Juncaginacées ne possèdent pas de vrais tépales mais leurs anthères subsessiles ont des appendices dorsaux qui tiennent lieu de pièces périanthaires. Leurs fleurs sont tétramères, trimères, dimères ou monomères. C’est une famille subcosmopolite d’environ dix-huit espèces, groupées en quatre genres dont le principal est Triglochin (quinze espèces, les troscarts, à fleurs trimères).

Le genre Lilaea (une espèce, L. subulata , des marais des montagnes Rocheuses et des Andes), aux fleurs monomères dimorphes, a été souvent considéré comme constituant une famille distincte.

Les Potamogétonacées ont des épis ou des inflorescences composées de petites fleurs tétramères à monomères, nues, bisexuées ou unisexuées, à symétrie radiaire ou non. Leurs anthères sont sessiles et, chez les Potamogeton , leur connectif porte du côté extérieur un appendice qui joue le rôle de tépale. Les carpelles, en nombre varié, ne renferment qu’un seul ovule. On connaît quelque cent dix espèces de Potamogétonacées, relevant des cinq genres suivants: Potamogeton (subcosmopolite, environ cent espèces dont plus de vingt en France, submergées ou en partie flottantes, à épis d’abord enveloppés de spathes et venant s’épanouir au-dessus de l’eau, à fleurs tétramères); Ruppia (deux espèces, des eaux saumâtres et salées de presque toute la terre, les régions polaires exceptées, à fleurs disposées par deux et affleurant la surface de l’eau); Posidonia (deux espèces, marines); Zostera (dix espèces, rivages marins des zones froides à subtropicales, surtout de l’hémisphère Nord: certaines espèces sont abondantes par endroits, formant des «herbiers», et sont utilisées comme engrais, comme litière ou comme matériel d’emballage, par exemple à Venise pour les verreries); Phyllospadix (trois espèces, du Japon et de la côte pacifique de l’Amérique du Nord).

Les Zannichelliacées sont des plantes submergées aux feuilles distiques et souvent pourvues d’une ligule. Leurs fleurs solitaires ou groupées en cymes sont très petites, unisexuées et plus ou moins réduites. On en connaît une vingtaine d’espèces réparties en six genres: Althenia (seule espèce A. filiformis , de la Méditerranée occidentale); Lepilaena (quatre espèces, d’Australie et de Nouvelle-Zélande); Zannichellia (deux espèces, dont Z. palustris , subcosmopolite); Cymodocea (six à dix espèces, des mers chaudes, C. nodosa en Méditerranée et sur la côte atlantique de l’Afrique du Nord et de la péninsule Ibérique); Amphibolis (deux espèces, Afrique orientale tropicale et Australie tropicale et subtropicale); Diplanthera (six espèces, tropicales).

Les Naïadacées ne comptent qu’un seul genre, Najas , qui groupe environ quarante espèces submergées des eaux douces ou saumâtres. Certaines espèces sont subcosmopolites. Les Najas ont des feuilles linéaires dentées aux bords et souvent opposées ou disposées en faux-verticilles par trois, des fleurs petites et solitaires, unisexuées. Les fleurs mâles sont formées d’une unique étamine entourée d’une enveloppe bilobée et d’une bractée. Les fleurs femelles sont formées d’un seul carpelle nu ou entouré d’une bractée.

Encyclopédie Universelle. 2012.