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HYDRES
HYDRES

Pour les zoologistes, les hydres ne sont nullement des bêtes fabuleuses, mais bien au contraire de minuscules et inoffensifs animaux d’eau douce, au corps en forme de poche allongée, muni d’un seul orifice entouré de fines tentacules. Le terme d’hydre a été créé par Linné (1735) pour désigner de petits polypes solitaires dulçaquicoles capables de bourgeonner activement. Les hydres appartiennent à l’embranchement des Cnidaires où elles constituent un ordre distinct au sein de la classe des Hydrozoaires. Leur structure est si simple que, pendant fort longtemps, on a pensé que toutes les particularités structurales et fonctionnelles des Métazoaires étaient résumées et simplifiées dans ces organismes qui ont, pour cette raison, fait l’objet de très nombreuses recherches.

Position systématique

La nature animale des hydres (et aussi de tous les autres Cnidaires) n’a été clairement établie que dans la première moitié du XVIIIe siècle. Tantôt considérées comme «herbes marines à fructifications inconnues» (Tournefort), tantôt comme intermédiaires entre végétaux et animaux ou «zoophytes» (Aristote, Pline), elles ont été classées pour la première fois dans le règne animal par Peysonnel (1725), en raison de l’odeur de corne brûlée qu’elles dégagent lorsqu’on les calcine!

On doit à un remarquable mémoire de Trembley (1744) la reconnaissance définitive de leur nature animale, en dépit de toutes leurs apparences végétales (couleur verte de certaines espèces, rapidité de la régénération et du bourgeonnement, possibilité de réaliser des greffes, etc.). L’observation par Trembley de la nutrition de l’hydre par capture de petites proies fut un argument décisif. Trembley, heureusement, ne connaissait pas de plantes carnivores!

Souvent regroupées au sein de la classe des Hydraires avec les Leptolides (ou Hydraires sensu stricto ), dont elles possèdent l’organisation anatomique, elles sont toutefois isolées dans un ordre distinct en raison de leurs nombreux caractères particuliers: écologie dulcicole, vie solitaire, absence de périderme, modalités de leur reproduction sexuée...

Les hydres renferment un petit nombre d’espèces à large répartition géographique. On leur adjoint quelques espèces marines ou d’eaux saumâtres à structure très régressée (Protohydra leuckarti de la Baltique et de la mer du Nord).

Morphologie et anatomie de l’hydre verte

L’hydre verte, Chlorhydra viridissima , a la forme d’un sac allongé mesurant quelques millimètres de long; elle vit en eau douce, fixée sur les plantes aquatiques par l’extrémité dite inférieure de son corps, étalée en disque adhésif. L’extrémité opposée, dite supérieure, est percée d’un orifice unique autour duquel se dispose une couronne de huit à dix tentacules très grêles. En été, des bourgeons s’observent généralement dans la partie inférieure de la colonne (cf. figure). La couleur de l’hydre verte est due aux algues microscopiques qu’elle héberge dans ses cellules endodermiques.

La structure du corps est très simple. C’est un sac à double paroi, dont les deux strates cellulaires (ecto- et endoderme) sont séparées par une mince couche de mésoglée .

L’ectoderme est constitué essentiellement de cellules de revêtement, entre lesquelles s’insèrent des cellules sensorielles. Les cellules de revêtement peuvent se déformer grâce à des myofibrilles situées dans leur partie profonde qui se prolonge en ramifications musculaires entrelacées avec celles des cellules voisines. Les cellules myoépithéliales confèrent une importante contractilité à la paroi du corps.

Des cellules indifférenciées, regroupées en amas interstitiels, ont conservé un grand pouvoir morphogénétique. Suivant les circonstances, elles peuvent proliférer pour assurer la cicatrisation d’une blessure, la formation d’un bourgeon ou la production de gamètes.

Certaines cellules ectodermiques sont différenciées en cellules urticantes (cnidoblastes ou nématoblastes) servant à la capture des proies. Ces cellules sont particulièrement abondantes sur les tentacules.

Les cellules ectodermiques sont en relation, grâce à des synapses, avec un réseau de cellules nerveuses inclus dans la mésoglée. La structure des synapses, relativement primitive, ne varie pas en fonction du type cellulaire connecté au réseau nerveux (synapses dites «en passant»); les synapses interneuronales ont en outre la particularité d’assurer une conduction bidirectionnelle de l’influx nerveux. Celui-ci peut donc se propager dans toutes les directions à partir d’un point d’excitation.

L’endoderme est constitué de hautes cellules digestives, auxquelles se mêlent des cellules sensorielles et des massifs de cellules interstitielles (indifférenciées). Les cellules digestives sont de deux types: des cellules glandulaires, productrices d’enzymes ou de mucus, qui déversent leur contenu dans la cavité gastrale en rompant leur membrane; des cellules flagellées, capables d’assurer un brassage du contenu gastral et de phagocyter les fragments de proie en cours de lyse. Leur cytoplasme est bourré de vacuoles; chez l’hydre verte, il renferme également des algues vertes symbiotiques (chlorelles).

Nutrition

La nutrition des hydres est fondamentalement hétérotrophe et peut être rapportée à un mode particulier de prédation. Certaines espèces pratiquent en outre une nutrition osmotrophe, grâce aux symbiontes de nature végétale hébergés dans leurs cellules endodermiques.

La fonction prédatrice est assurée par les cnidoblastes; l’excitation (mécanique?) du cil sensoriel provoque l’ouverture de la capsule et la dévagination du filament urticant qui harponne la proie, permettant ainsi l’inoculation du venin. La capsule est solidement ancrée dans l’ectoderme et la mésoglée, grâce à des faisceaux importants de microfilaments.

Le «réflexe trophique» (contraction des tentacules et ouverture de la bouche) est déclenché par voie nerveuse grâce à l’activité de chémorécepteurs tentaculaires à haute spécificité. Chez les hydres, on a pu montrer que ces récepteurs sont sensibles à un petit polypeptide (glutathion) dont ils reconnaissent l’architecture moléculaire. Cette haute spécificité évite à l’hydre l’ingestion de particules non comestibles captées au hasard par les tentacules.

Dans la cavité gastro-vasculaire, la digestion des proies est assurée en deux temps: d’une part, lyse partielle sous l’action des enzymes libérées par les cellules glandulaires de l’endoderme; d’autre part, phagocytose des fragments de proie et digestion intracellulaire dans les cellules flagellées. Des récepteurs membranaires très spécialisés permettent à ces cellules de sélectionner les particules susceptibles d’être digérées, de les capter et de les inclure dans une vacuole de phagocytose. Ces mêmes cellules sont également capables de développer une importante toison de microvillosités qui pourraient intervenir dans l’absorption directe des acides aminés à partir du contenu gastral.

La symbiose de certaines hydres avec des algues vertes appartenant au groupe des Chlorococcales assure à l’hôte un apport métabolique important, notamment sous forme de sucres (maltose). On a pu montrer expérimentalement que le carbone fixé par l’algue au cours de son activité photosynthétique est incorporé dans diverses molécules organiques (principalement des glucides), dont certaines sont excrétées dans le cytoplasme de l’hydre et réutilisées par celle-ci au cours de ses propres synthèses. Un phénomène comparable a été mis en évidence chez les coraux [cf. ANTHOZOAIRES].

L’hydre peut s’infester à partir d’algues libres parvenues dans la cavité gastrale; reconnues spécifiquement par l’hôte, elles ne sont pas digérées. La transmission des symbiontes est également assurée lors de la formation des bourgeons; au cours de l’ovogenèse, les algues quittent les cellules endodermiques et envahissent le cytoplasme de l’œuf.

Croissance, morphogenèse et reproduction

Bien que la taille d’une hydre adulte varie peu, ses tissus sont soumis à un renouvellement permanent. D’élégantes expériences de greffes (Brien, 1951) ont mis en évidence l’existence d’une zone blastogénétique située sous la couronne tentaculaire. Le fonctionnement de cette zone de croissance entraîne un glissement permanent des tissus vers la région pédieuse, où ils sont détruits; il assure ainsi à l’hydre une éternelle jeunesse.

Cet étonnant pouvoir de régulation de la morphogenèse a donné lieu à d’importantes recherches au cours des dernières décennies, car l’hydre semblait être un modèle très favorable à l’étude des phénomènes de coopération intercellulaire (reconnaissance et réagrégation de cellules dissociées, production et diffusion de substances capables d’orienter la différenciation et/ou la polarisation des tissus, etc.). En dépit des efforts entrepris, les mécanismes de la régulation morphogène demeurent obscurs.

Bourgeonnement

Pendant la belle saison, les hydres se reproduisent par bourgeonnement. Les bourgeons apparaissent sous la zone de croissance et «glissent» progressivement vers la région pédieuse, au fur et à mesure de leur croissance et de leur différenciation. Ordinairement, les bourgeons se détachent de leur «mère», mais, en cas de disette, ils ne s’en séparent pas et forment de petites colonies temporaires.

Reproduction sexuée

On peut l’observer en automne et en hiver; l’altération des conditions climatiques (et notamment l’abaissement de la température) tarit la production de substances neurosécrétrices issues de la région hypostomiale, et lève l’inhibition de la gamétogenèse dont elles étaient responsables.

Les gamètes se forment à partir des cellules interstitielles ectodermiques; les testicules apparaissent sous la couronne tentaculaire, et les ovaires dans la zone de bourgeonnement. Les spermatozoïdes sont libérés par rupture de la paroi ectodermique et fécondent les œufs qui se développent sur place en s’entourant d’une coque.

La larve qui est libérée de cette enveloppe au printemps possède deux feuillets et des ébauches de tentacules (cf. figure). Elle se fixe aussitôt, et sa croissance est rapide.

Suivant les espèces, les hydres sont hermaphrodites (C. viridissima ) ou gonochoriques (H. fusca ).

Encyclopédie Universelle. 2012.