GRATIEN
GRATIEN (fin XIe s.-av. 1159)
Le Décret de Gratien (Decretum Gratiani ) ou, selon son vrai titre, la Concorde des canons discordants (Concordia discordantium canonum ) fut, d’après une tradition très généralement acceptée, composé à Bologne vers 1140 par un moine camaldulde, «Maître Gratien», dont on ne sait à peu près rien — il meurt, croit-on, avant 1159. On suppose qu’il serait né près de Chiusi en Toscane ou à Carrara près d’Orvieto, qu’il aurait fait ses premières études à Ravenne ou à Bologne et que c’est dans le monastère des saints Félix et Nabor de cette ville qu’il composa sa grande compilation canonique. La chronique de Robert de Torigny, qui fut abbé du Mont-Saint-Michel (1154-1184), fait mention à la date de 1130 de la compilation «fort utile» qui fut faite par Gratien, «évêque de Chiusi» (ce qui est inexact). La chronique de Burchard, prévôt d’Ursberg de 1215 à 1226, qui utilise des sources antérieures, signale également la compilation faite par «Maître Gratien». Un poème composé à l’abbaye du Bec après 1168 par Étienne de Rouen (le «dragon normand») présente Gratien comme l’un des proches collaborateurs du pape Innocent II et le fait assister au concile de Reims de 1131 que présida ce pape. On a aussi supposé, sur la base fort ténue de deux vers du Paradis de Dante, qu’il aurait participé aux négociations du concordat de Worms (1122) avec Lambert de Fagnano, le futur pape Honorius II. Enfin, des chroniqueurs croates du XVIIe et du XVIIIe siècle, Lukarevic (Luccari) et Rastic (Rasti), lui attribuent une légation en Croatie que lui aurait confiée le pape en 1151. Au concile de Dubrovnik, Gratien aurait déposé l’archevêque de Split et réglé les difficultés de l’église locale. Des inscriptions très postérieures et fort vagues en l’honneur de Gratien se lisent encore dans le cloître de l’hôpital et à la basilique de San Petronio à Bologne.
Mais, si l’homme reste mystérieux, le Décret mis sous son nom connut une fortune immense. Réunissant dans une compilation relativement ordonnée des milliers (4 000 environ) de textes qui vont du Nouveau Testament au concile du Latran de 1123, tentant de les ordonner et de résoudre leurs contradictions, le Décret , œuvre privée, fut bien vite cité dans les tribunaux et commenté dans les écoles; il traitait tous les aspects de la discipline ecclésiastique, et sa méthode, combinant vues juridiques et conceptions scolastiques, innovait. Bien qu’une législation pontificale ultérieure l’ait rendu en partie caduc, il devint la première partie du Code médiéval de l’Église latine, le Corpus iuris canonici , qui resta en vigueur jusqu’en 1917.
Encyclopédie Universelle. 2012.