Akademik

GONDWANA
GONDWANA

Il y a 300 millions d’années environ, tous les continents étaient rassemblés en un vaste ensemble unique, la Pangée. Cet énorme supercontinent a commencé à se fragmenter et à se dissocier il y a plus de 200 millions d’années.

Sa partie septentrionale deviendra la Laurasie (regroupant ce qui formera l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie). Sa partie méridionale, le Gondwana, se divisera en nombreux continents qui effectueront une lente migration les amenant à leur position actuelle. Ces continents méridionaux constituent de nos jours la moitié des terres émergées; il s’agit de l’Amérique du Sud, de l’Afrique, de l’Arabie, de Madagascar, de l’Inde, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Antarctique...

La connaissance des formations géologiques gondwaniennes présente un double intérêt. Le premier est d’ordre fondamental, puisqu’il concerne l’histoire de notre planète et des grandes étapes de sa constitution; le second est d’ordre économique, car les formations gondwaniennes recèlent des richesses particulièrement importantes – charbon, pétrole, eau douce, métaux divers –, actuellement sous-exploitées mais qui constituent plus de la moitié des réserves mondiales.

Historique de la notion de Gondwana

Le terme de Gondwana provient des royaumes des Gonds, en Inde (cf. INDE – Histoire. 3. L’Inde musulmane ). Ces royaumes étaient situés au nord de l’empire de Golconde, au sud-ouest du Bengale et au sud du fleuve Narbada, dans la vallée duquel les formations géologiques «gondwaniennes» ont été étudiées et décrites pour la première fois. Appliqué à des formations continentales indiennes, le vocable Gondwana fut, dans un premier temps, utilisé en 1872 par H. B. Medlicott dans un rapport manuscrit destiné au service géologique indien. Il devait être imprimé pour la première fois en 1876, dans un travail de O. Feismantel publié à Calcutta. À l’époque, ce terme apparaissait comme strictement local. Toutefois, la notion d’un vaste continent méridional, maintenant désigné sous le nom de Gondwana, est ancienne et a connu de nombreuses vicissitudes et étapes dont les principales sont récapitulées dans le tableau 1.

Stratigraphie des formations gondwaniennes

De manière générale, les séries gondwaniennes reposent, le plus souvent en discordance, sur des formations précambriennes et paléozoïques. Elles s’étagent du Carbonifère supérieur au sommet du Jurassique, donc pendant une durée de l’ordre de 150 millions d’années. Ensuite, la dispersion des continents a déterminé dans chacun d’eux des histoires géologiques différentes, donc des dépôts différents. Les séries gondwaniennes ont recouvert de dépôts identiques une très grande partie des continents méridionaux actuels (Amérique du Sud, Afrique, Arabie, Madagascar, Inde, Australie et Antarctique). Malgré l’érosion importante qui en a enlevé l’essentiel, elles recouvrent encore, dans le monde, une superficie de l’ordre de 30 millions de kilomètres carrés, superficie équivalente à celle de l’Afrique ou près de soixante fois supérieure à celle de la France métropolitaine.

Les séries gondwaniennes, souvent épaisses de plusieurs kilomètres, sont, dans la plupart des cas, restées quasi horizontales. Comme le soulignait déjà Maurice Gignoux dans les éditions successives de son Traité de géologie stratigraphique (1re éd., 1925): «Combien une telle grandiose permanence nous éloigne des multiples vicissitudes géologiques qu’ont traversées, depuis le Carbonifère, nos pays de la Méditerranée et de l’Europe occidentale!» Ces dépôts, pratiquement identiques dans les différents continents gondwaniens, sont marqués par les grands faits suivants:

– des glaciations au Carbonifère supérieur-Permien basal, avec sédimentation abondante de tillites (cf. infra );

– un «réchauffement» au Permien, caractérisé par le développement des flores à Glossopteris et Gangamopteris et le dépôt d’importants niveaux de houille, épais et réguliers, souvent de bonne qualité;

– des formations triasiques, essentiellement continentales, qui se déposent sous climat chaud;

– des formations jurassiques marquées par de très importantes coulées de lave connues sur tous les continents gondwaniens.

Les dépôts gondwaniens se subdivisent toutefois en groupes, systèmes et formations décrits localement sans a priori d’homogénéité et dont les corrélations ne sont pas toujours aisées à établir. Nous tentons toutefois, malgré les grandes divergences qui existent entre chercheurs, de récapituler ces différentes divisions dans le tableau 2.

Les glaciations gondwaniennes

Comptant parmi les plus importantes que notre globe ait connues, les glaciations gondwaniennes ont fait l’objet d’études récentes, menées notamment par John C. Crowell et ses collaborateurs, dont nous allons résumer les principaux résultats.

La durée des glaciations gondwaniennes, à la fin du Paléozoïque, aurait été de quelques dizaines de millions d’années. En général, les glaciations sont marquées sur le terrain par un substratum présentant des roches striées et recouvert de sédiments glaciaires ou périglaciaires de type tillites. Ces formations glaciaires continentales passent latéralement, le long des rivages gondwaniens, à des séries marines montrant de grands dropstones , blocs rocheux allochtones ayant été largués par des icebergs au moment de leur fonte. Les études détaillées effectuées dans les différents ensembles gondwaniens montrent bien que chaque lobe glaciaire, dépendance du vaste glacier gondwanien, a varié au cours du Carbonifère et du Permien, avançant et se rétractant en fonction des conditions et des climats locaux.

La figure 1 montre la configuration de la calotte glaciaire gondwanienne à la fin du Paléozoïque; celle-ci recouvre tout l’Antarctique et émet des lobes importants en Amérique du Sud et dans les îles Malouines, en Afrique méridionale et orientale et à Madagascar, en Inde, en Australie.

Bien que des évaluations très précises ne puissent actuellement être avancées, cette formidable masse glaciaire a dû, à son maximum d’extension, recouvrir une superficie de 15 millions de kilomètres carrés. Atteignant parfois plusieurs kilomètres, son épaisseur était, de manière générale, un peu plus importante en bordure des océans périgondwaniens qu’au centre, peut-être en raison d’une humidité plus grande.

Cependant, quelques chercheurs, parmi lesquels John M. Dickins, suggèrent que cette glaciation a été moins importante qu’on ne le dit généralement: sa phase la plus froide, identifiée par des tillites en Arabie, en Inde, au Tibet, en Australie, en Amérique du Sud et en Antarctique, aurait pris place à la base du Permien (Asselien), époque pour laquelle nous ne disposons pas de preuves de l’existence d’un véritable inlandsis. Avant cette phase, au Carbonifère supérieur, des tillites ne sont connues qu’en Amérique du Sud, en Australie et, peut-être, en Sibérie; mais elles peuvent tout aussi bien être interprétées comme des dépôts morainiques de montagnes. Après la phase glaciaire du Permien basal, aucun dépôt morainique n’a pu être identifié.

Reconstitutions et fragmentation du Gondwana

Dans l’esprit de nombreux géologues contemporains, le Gondwana était constitué d’un bloc compact autour du pôle (Sud) du Paléozoïque supérieur, rassemblant, comme on vient de le voir, Amérique du Sud, Afrique, Arabie, Madagascar, Inde, Australie et Antarctique. Cependant, à la suite des nombreux travaux réalisés notamment en Asie méridionale et autour du Pacifique, il s’avère que la réalité est beaucoup plus complexe. Nombre d’éléments continentaux, situés actuellement dans les chaînes alpines issues de la Téthys (cf. chaînes ALPINES, TÉTHYS), offrent en effet des affinités gondwaniennes. On est ainsi amené à replacer en position périgondwanienne certaines parties de l’Amérique centrale, du sud-ouest de l’Europe, de l’Asie du Sud-Ouest (Iran, Afghanistan) et du Sud-Est (Birmanie, Thaïlande...), et du Pacifique occidental (cf. TÉTHYS, fig. 2). Par ailleurs, les relations paléogéographiques des composantes essentielles du Gondwana sont également sujettes à variations selon les chercheurs et, surtout, selon le type de données sur lesquelles elles se fondent (paléontologiques, lithologiques, structurales, paléomagnétiques). Si les relations Amérique du Sud-Afrique-Arabie, d’une part, Australie-Antarctique, d’autre part, sont bien étayées, en revanche, les relations entre ces deux ensembles ainsi qu’avec Madagascar et l’Inde sont encore discutées. La figure 2 illustre deux des propositions les plus récentes à ce sujet.

Cependant, dans de très nombreux cas, d’excellentes corrélations sont établies, sur le terrain, entre de vastes zones de continents maintenant très éloignés. Prenons comme modèle de ce type de corrélation par cartographie et travaux de terrain un exemple proposé par D. Reyre. Traitant du bassin sédimentaire côtier du bas Congo-Gabon, il met en évidence les corrélations entre les formations entourant le craton du Congo, en Afrique, et celui de São Francisco, au Brésil (fig. 3), ces cratons étant stables depuis près de deux milliards d’années (Francevillien épicontinental non métamorphique sur le socle archéen/éburnéen). À la limite des deux cratons se situe la suture qui a vu naître la chaîne métamorphique du Mayombé (1,3 à 1 Ga), parallèle à la côte atlantique actuelle de l’Ogooué au Congo (cycle kibarien-brésilien).

L’emplacement de cette suture sera ensuite occupé par un bassin du Précambrien supérieur non métamorphique, plissé et déformé en écho à l’orogenèse panafricaine (650 Ma environ) qui ne se développera avec ampleur qu’à l’ouest du craton de São Francisco et au nord du craton congolais. La suture mayombienne sera recouverte au Carbonifère de bassins continentaux avec des tillites du type Dwyka et, ensuite, de Permien, de Dogger et de Crétacé (tabl. 2). La situation est analogue au Brésil, à la marge des bassins de Sergipe-Alagoas et de Recôncavo-Tucano.

Ces observations établissent donc l’homogénéité du comportement continental africano-brésilien au cours du Paléozoïque et de la première moitié du Mésozoïque. On observe ainsi une concordance parfaite des séries et des structures.

C’est également dans ce cadre que sont discutés les rapports entre les marges nord-gondwaniennes et les éléments continentaux situés au nord (Amérique du Nord, Europe du Nord, Sibérie, Kazakhstan, Tibet, Chine du Nord et du Sud, etc.). Diverses reconstitutions de la Pangée ont ainsi été proposées: dans la «Pangée A», la plus couramment admise, la côte nord-ouest de l’Afrique se trouve en face de la côte atlantique des États-Unis; dans la «Pangée B», le nord de l’Amérique du Sud est situé en face de la côte est des États-Unis; dans la «Pangée C», le nord de l’Amérique du Sud s’emboîte dans le sud de l’Europe. En outre, dans le cadre de l’hypothèse de l’expansion de la Terre, rejetée par la grande majorité des géologues et géophysiciens, une proposition récente aboutit à restituer une Pangée très compacte, sans paléo-océan téthysien large séparant les continents septentrionaux du Gondwana.

À partir du Gondwana reconstitué au Permo-Trias, on est ainsi amené à définir les étapes successives de sa fragmentation depuis le Jurassique jusqu’à l’Actuel. Au cours de ce processus d’éclatement du Gondwana, sa composante occidentale (Amérique du SudAfrique) se sépare de sa composante orientale (Inde-Antarctique-Australie) au début du Mésozoïque. Puis, chacun des éléments qui donneront les continents austraux actuels dérive pour sa part à partir du Jurassique supérieur (fig. 4). L’activité sismique et volcanique actuelle des marges nord de l’Amérique du Sud, de l’Afrique, de l’Inde et du bloc australo-guinéen témoigne de la continuité de cette dérive continentale et du contact avec les continents septentrionaux (Amérique du Nord, Europe, Asie). Cependant, là encore, des points de discorde demeurent entre spécialistes.

En effet, le résultat majeur de l’éclatement du Gondwana est l’ouverture des océans Atlantique sud et Indien. Chacun des éléments gondwaniens s’est ainsi trouvé isolé: l’Amérique du Sud, l’Inde, Madagascar, l’Australie ont constitué autant d’îles (certes de grande taille) sur chacune desquelles la flore et la faune ont pu évoluer différemment. L’existence de faunes et de flores insulaires permet alors de vérifier le «scénario» de dérive continentale proposé par les géologues et géophysiciens: des biotes endémiques sont un indice d’isolement géographique, des biotes communs à au moins deux masses continentales sont un indice de relations géographiques plus ou moins directes entre ces masses. Toutefois, en ce qui concerne l’Inde en particulier, géophysiciens et paléontologues sont en désaccord. Le modèle le plus courant de dérive de l’Inde, depuis sa position contre l’Afrique jusqu’à son contact avec l’Asie, nous montre une île sans relations géographiques directes avec les continents voisins, pendant au moins le Paléogène (Cénozoïque inférieur, entre environ 65 et 37 Ma; cf. chaîne HIMALAYENNE, fig. 2). Or les données paléontologiques impliquent l’existence dès le Crétacé terminal-Paléocène (vers 65 Ma) de rongeurs et de batraciens asiatiques sur la péninsule indienne. Cela amène à supposer une relation géographique entre Inde et Asie dès la base du Tertiaire, relation soit directe (fig. 5), soit par l’intermédiaire de guirlandes d’îles et/ou de microcontinents non encore repérés. Quoi qu’il en soit, c’est l’existence d’un océan téthysien large, séparant le Gondwana des continents septentrionaux, qui est en cause.

Gondwana
(le) continent qui, selon la théorie de la dérive des continents, aurait regroupé l'Amérique du Sud, l'Afrique, Madagascar, l'Arabie, l'Inde, l'Australie et l'Antarctique et qui, au primaire, aurait occupé le pôle Sud. Il se serait disloqué il y a 240 millions d'années.

Encyclopédie Universelle. 2012.