spiritualiser [ spiritɥalize ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1521 p. p.; de spirituel
♦ Littér. Doter, imprégner de spiritualité; dégager de la matière. « Son visage, que ne spiritualise aucune flamme intérieure » (A. Gide).
⊗ CONTR. Matérialiser.
● spiritualiser verbe transitif (de spirituel) Littéraire. Imprimer à quelque chose, à quelqu'un une marque, un caractère de spiritualité, d'élévation : Une poésie qui spiritualise l'amour. ● spiritualiser (synonymes) verbe transitif (de spirituel) Littéraire. Imprimer à quelque chose, à quelqu'un une marque, un caractère de...
Synonymes :
- idéaliser
- sublimer
spiritualiser
v. tr. Litt. Donner un caractère de spiritualité à. Ce peintre spiritualise les visages.
⇒SPIRITUALISER, verbe trans.
A. — CHIM., vx. Rendre spiritueux, extraire les esprits, les parties subtiles d'un solide, d'un liquide. Synon. distiller. Spiritualiser un liquide. On spiritualise les liqueurs, les sels par distillation (Ac. 1835, 1878).
B. — Spiritualiser qqc./qqn. Rendre spirituel.
1. [Corresp. à spirituel I] Marquer d'un caractère spirituel en élevant au-dessus de la matière, du réel; ouvrir à la vie de l'esprit.
a) [Corresp. à spirituel I A 1; le compl. désigne un inanimé concr.]
) PHILOS., RELIG. Conférer un caractère immatériel, une origine spirituelle à. Anton. matérialiser. La philosophie, après avoir renversé le dogmatisme théologique, spiritualise la matière ou matérialise la pensée, idéalise l'être ou réalise l'idée (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 18).
) Conférer un caractère irréel à. Il semble que lorsque l'un d'eux [les membres de la famille] se lève, marche ou fait un geste, ses mouvements soient graves, lents, rares et comme spiritualisés par la distance, la lumière et le voile indécis des fenêtres (MAETERL., Théâtre, t. 2, Intérieur, 1918 [1894], p. 233).
) Domaine artist. (beaux-arts, litt., mus.). Décrire, peindre la réalité de manière à transfigurer le réel et à exprimer une idée, un idéal ou la vie intérieure. Synon. dématérialiser, idéaliser. Qui connaît Nemours sait que la nature y est aussi belle que l'art, dont la mission est de la spiritualiser: là, le paysage a des idées et fait penser (BALZAC, U. Mirouët, 1841, p. 4):
• [Le] phénomène de vaporisation chez Lamartine (...) a pour fin expresse de spiritualiser le monde ambiant. Un monde vaporisé est un monde dématérialisé. Quand l'opération a réussi, quand l'alchimie du poète a suffisamment éthéré les formes et marié les couleurs, plus rien ne s'oppose à l'identification de la réalité visible avec l'étendue infinie au creux de laquelle elle repose.
POULET, Métam. cercle, 1961, p. 187.
— [Le compl. désigne un mode d'expr. artist.] L'Italie a ses naturalistes dans l'école vénitienne, tandis qu'un Rubens, un Van Dyck, un Rembrandt, savent spiritualiser le réalisme flamand (BARLET, LEJAY, Art de demain, 1897, p. 113).
b) [Corresp. à spirituel I A 2; le compl. désigne un inanimé abstr.]
) [Corresp. à spirituel I A 2 a]
— Donner un sens, une signification, un but à quelque chose. Un lapsus peut être entièrement dépourvu de sens, n'être qu'un accident psychique ou n'avoir un sens qu'exceptionnellement, sans qu'on puisse refuser au poète le droit de le spiritualiser en lui attachant un sens, afin de le faire servir aux intentions qu'il poursuit (FREUD, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p. 46).
— Donner des buts élevés en recherchant les satisfactions de l'esprit. Spiritualiser son existence (DAVAU-COHEN 1972). Nous [les femmes divorcées] avons besoin d'être aidées pour nous faire respecter et estimer comme nos sœurs les veuves. La spiritualité du veuvage? Mais apprenez-nous à spiritualiser notre état. Donnez-nous des livres, des revues (C. ROLIN, La Femme devant le divorce, Tournai, Casterman, 1968, p. 225).
) [Corresp. à spirituel I A 2 b] Élever au-dessus des sens; situer au niveau de l'âme, de l'esprit. Gautier s'adressa à des instincts pour les spiritualiser, en tout cas, pour les parer, les entraîner plus haut (BARRÈS, Maîtres, 1923, p. 285).
— P. ext. Donner un caractère noble, élevé. Les hommes doivent, pour ainsi dire, s'aimer à travers Dieu qui spiritualise leur amour, et n'en laisse que l'immortelle essence, en lui servant de passage (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 90). La passion, à ses yeux à elle, sanctifiait tout, même les pires égarements, spiritualisait tout, même les plus ardentes voluptés (BOURGET, Crime am., 1886, p. 22).
2. [Corresp. à spirituel II]
a) [Le compl. désigne une pers., un élément du corps, un aspect de la personnalité hum.]
) [Le compl. désigne une pers. physique ou morale] Faire vivre quelqu'un de la vie spirituelle; rendre mystique, religieux. Chez les peuples modernes spiritualisés par le christianisme, nourris de dogmes plus développés, de vérités plus fécondes, les croyances ont été aussi plus que jamais le fonds de la vie humaine et de la vie sociale, le lien des hommes et le lien des nations (LAMENNAIS, Religion, t. 2, 1826, p. 194). [M. de La Mennais] s'est mis, dès le premier jour, à vouloir ressusciter moralement et spiritualiser de nouveau ce grand corps [la société] (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 1, 1834, p. 235).
— Empl. pronom. Devenir mystique, religieux; vivre de la vie spirituelle. Tous ces êtres, Apôtres et Saintes Femmes (...) s'élancent (...) hors de leur condition naturelle pour rejoindre l'Esprit-Saint qui plane lumineusement. Nous les voyons devant nous qui se spiritualisent (BARRÈS, Greco, 1911, p. 135).
— Part. passé en empl. adj. [En parlant d'une pers.] Qui est mystique, religieux; qui a une vie spirituelle. On crut (...) devoir choisir, pour exercer le magnétisme, des hommes éprouvés, spiritualisés à ce point qu'il pussent magnétiser par la grâce divine, par la force de la foi et la volonté (NAUDON, Fr.-maçonn., 1963, p. 115).
) [Le compl. désigne un élément du corps, en partic. une expression du visage] Conférer un caractère spirituel, une élévation morale à. Cette beauté souveraine des douleurs de la vingtième année qui pâlissent et spiritualisent le visage sans le déformer (BOURGET, Irrépar., 1884, p. 74).
) [Le compl. désigne un aspect de la personnalité hum.] Donner un caractère spirituel, religieux à. Quel abject matérialisme dans la Religion [dans les nations païennes]! Quelle aversion pour les doctrines qui tendent à élever l'homme et à spiritualiser sa pensée! (LAMENNAIS, Indifférence, t. 1, 1817-23, p. 11). Une âme spiritualisée par la souffrance (MAUCLAIR, De Watteau à Wistler, 1905, p. 192).
b) En partic. [Le compl. désigne un écrit] Doter d'un sens spirituel, religieux. Il ne s'agissait de rien moins que de spiritualiser la littérature française. Nous voulions récrire à l'usage de nos contemporains, un nouveau Génie du Christianisme (MAURIAC, Écrits intimes, Renc. Barrès, 1945, p. 96).
— RELIG., vx. Convertir le sens littéral d'un passage en sens spirituel, allégorique. Anton. littéraliser. Spiritualiser un texte de l'Écriture. Il y a des théologiens qui ont spiritualisé toutes les histoires de la Bible (Ac. 1835, 1878).
3. [Le compl. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Transformer spirituellement à la suite d'un processus plus ou moins long. Dans les procédés de l'art on retrouvera sous une forme atténuée, raffinés et en quelque sorte spiritualisés, les procédés par lesquels on obtient ordinairement l'état d'hypnose (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 24). Annihiler tous les conflits produits par l'antagonisme de la matière et de l'esprit, de l'idée et de la forme, du concret et de l'abstrait, et fondre toutes les apparences en une expression unique qui devait être pareille à l'or spiritualisé (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 63).
— Empl. pronom. réfl. Aussi finit-on logiquement par faire de l'esprit un produit de la vie qui se spiritualise en elle et devient idée (J. VUILLEMIN, Être et trav., 1949, p. 10).
Prononc. et Orth.:[], (il) spiritualise [-li:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Déb. XVIe s. « conférer un caractère spirituel, dégager de la matière » (Viol. des hist. rom., p. 265 ds GDF. Compl.); b) 1690 « interpréter (un passage) au sens spirituel, mystique » (FUR.); c) 1690 « ouvrir l'esprit, former le jugement de quelqu'un » (ibid.); 2. 1676 chim. (CHARAS, Pharmacopée royale, p. 64). Dér. sav. de spirituel; suff. -iser. Fréq. abs. littér.:117.
DÉR. Spiritualisation, subst. fém., littér. Action de spiritualiser; fait d'être spiritualisé. a) [Corresp. à supra A] Chim., vx. Synon. de distillation. La spiritualisation se fait par la distillation (Ac. 1798-1878). b) [Corresp. à supra B] ) [Corresp. à supra B 1] Fait de dégager (une réalité) de ses liens avec la matière et les sens; ouverture à la vie de l'esprit. Spiritualisation, par le miracle de la danse, de la matière libérée de sa pesanteur. Mais, si la même arabesque est frustrée de son accent spirituel — de cet accent de l'âme qui précède l'action et ses effets, — elle n'est plus qu'une pauvre attitude de marionnette compassée, qu'un souffle ferait choir! (LIFAR, Traité chorégr., 1952, p. 156). Domaine artist. (beaux-arts, litt., mus.). Transfiguration du réel au profit de l'idée. Synon. idéalisation; anton. matérialisation. Plus qu'en aucun art est saisissante dans la peinture (...) cette opération de l'esprit qui s'appelle la spiritualisation des aspects (MAUCLAIR, De Watteau à Wistler, 1905, p. 148). Absorption de la forme par le fond, intimité, concentration, « spiritualisation », pour tout dire d'un mot, tels sont les traits dominants du style des derniers quatuors [de Beethoven] (MARLIAVE, Quat. Beethoven, 1925, p. XV). [Corresp. à supra B 1 b ] Élévation au-dessus des sens; caractère noble, élevé de quelque chose. Synon. sublimation. Nul doute qu'un entraînement quotidien de ce genre [la danse] ne donne au corps qui s'y soumet, sveltesse, grâce et décision. Spiritualisation du désir. Mais c'est du désir tout de même. Du désir de l'on ne sait quoi (GIDE, Journal, 1941, p. 90). ) [Corresp. à supra B 2] État mystique, religieux de quelqu'un; vie spirituelle. Cette inaptitude relative de l'homme d'Occident à la spiritualisation absolue (DU BOS, Journal, 1925, p. 294). En partic. [À propos d'un écrit] Conversion du sens littéral en sens spirituel, allégorique. Anton. littéralité. La spiritualisation de la Bible. La spiritualisation d'un récit biblique (Lar. Lang. fr.). —[]. Att. ds Ac. 1718-1878. —1res attest. a) 1676 chim. (CHARAS, Pharmacopée royale, p. 64), b) 1845 (BESCH.): Spiritualisation:Action de convertir le sens littéraire d'un passage en un sens spirituel allégorique, c) 1876 « fait de dégager de la matière » (FROMENTIN, Maîtres autrefois, p. 386); de spiritualiser, suff. -(at)ion. —Fréq. abs. littér.: 12.
BBG. — GORCY (G.). Cf. bbg. spiritualité.
spiritualiser [spiʀitɥalize] v. tr.
ÉTYM. 1521, p. p.; dér. de spirituel.
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1 Littér. Conférer un caractère spirituel (I., 3.), d'élévation morale; dégager des choses sensibles, de la matière.
1 Elles (quelques âmes vives) cherchaient peut-être à corporiser leurs rêveries, ce qui est aussi difficile que de spiritualiser ses sensations.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Dessous de cartes… », p. 206.
2 (…) les traits mêmes de son visage, que ne spiritualise aucune flamme intérieure, sont mornes et comme durcis.
Gide, la Symphonie pastorale, II, 10 mai.
♦ (1690). Relig. Interpréter au sens spirituel, mystique.
3 (XVIIe). Vx. Ouvrir l'esprit à (qqn); former le jugement de (qqn).
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CONTR. Matérialiser.
DÉR. Spiritualisation.
Encyclopédie Universelle. 2012.