DÉVIATIONNISME
DÉVIATIONNISME
Lors de la critique par Kautsky de la théorie de Bernstein était apparu le concept d’opportunisme, qui allait être largement élucidé par Lénine. Celui de déviationnisme fut introduit un peu plus tard, lorsque la théorie du centralisme démocratique dans les partis communistes se trouva infléchie par Staline (1930 env.). Pour qu’il y ait déviationnisme, il faut, en effet, qu’une ligne orthodoxe ait été définie de telle façon que l’on ne puisse s’en écarter. Or les étapes conduisant à cette définition sont complexes.
Au point de départ apparaissent, d’une part, la relation entre la praxis et la théorie — seule une praxis juste permet de définir une théorie juste, seule une théorie juste permet d’établir une praxis juste —, d’autre part, la primauté du prolétariat non seulement comme classe révolutionnaire mais aussi comme créateur de la praxis juste. On en conclura qu’il ne peut y avoir une théorie juste qui serait autre chose que la théorisation de la praxis du prolétariat. Lukács, dans Histoire et conscience de classe (Geschichte und Klassenbewusstsein , 1923), a démontré en effet que la dialectique marxiste est révolutionnaire parce que la théorie n’est possible que lorsque la classe aliénée devient en même temps sujet et objet de la connaissance et de l’action et parce que le matérialisme dialectique ne peut avoir de sens que comme expression de la condition prolétarienne.
Mais de là surgit le problème difficile de l’exacte adéquation du parti à la classe prolétarienne. Si l’on peut démontrer cette adéquation, il s’ensuit que c’est dans la praxis du parti que s’exprime la praxis du prolétariat et, par conséquent, que c’est à l’intérieur du parti que joue la dialectique de la théorie et de la praxis. Le parti ayant seul la possibilité d’avoir une praxis juste, il est seul à pouvoir théoriser correctement. Mais, dès lors que cette théorie est formulée, tous ceux qui s’en écartent ou la contestent sont dans l’erreur, puisqu’ils ne peuvent pas théoriser à partir de la praxis du prolétariat.
Il est possible enfin de prendre le problème à un niveau inférieur (ou subséquent). On doit, en effet, tirer de la théorie, en ce qui concerne l’action politique, une «ligne générale» dont ceux qui s’en écartent sont dits déviationnistes. Mais cette ligne générale, prétendue seule correcte, a été, en fait, établie beaucoup plus par le pouvoir de l’U.R.S.S. (à partir de 1933) que par les partis communistes. Ceux-ci se trouvant ainsi «satellisés», c’est finalement par rapport à la ligne générale de la politique soviétique qu’on se voit taxer de déviationnisme, à la manière dont on pouvait être déclaré schismatique par l’Église médiévale.
Paradoxe de la dialectique: durant la révolution culturelle, l’utilisation du concept de déviationnisme est retourné par les dirigeants du Parti communiste et de l’État chinois contre le Parti communiste de l’U.R.S.S. (et contre les dirigeants chinois en rupture avec la ligne officielle). L’inversion de l’usage met ainsi profondément en cause la validité du concept lui-même.
déviationnisme [ devjasjɔnism ] n. m.
• 1952; de déviation
♦ Attitude qui s'écarte de la doctrine, chez les membres d'un parti politique.
⊗ CONTR. Orthodoxie.
● déviationnisme nom masculin Attitude qui consiste à s'éloigner de l'orthodoxie ou de la ligne politique de l'État, d'un parti ou d'une organisation.
déviationnisme
n. m. Fait de s'écarter de la stricte conformité à une doctrine, à la ligne d'un parti.
déviationnisme [devjɑsjɔnism] n. m.
ÉTYM. 1952; de déviation.
❖
♦ Attitude qui s'écarte de la doctrine, chez les membres d'un parti politique. || Déviationnisme de droite, de gauche.
0 Marx, Engels, le matérialisme dialectique, le parti bolchevik, la haine de Trotski et des possibles déviationnismes, le déterminisme patriotique, etc., tout cela entrait en lui par bataillons serrés.
J. Dutourd, Au bon beurre, p. 243.
❖
CONTR. Orthodoxie.
Encyclopédie Universelle. 2012.