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ABRASIFS
ABRASIFS

Les abrasifs sont des matériaux naturels ou synthétiques, plus ou moins durs, utilisés pour usiner, aiguiser, polir ou nettoyer des matériaux plus tendres qu’eux. Les meules, les pierres à affûter, les «papiers de verre» et «toiles émeri» ainsi que les produits à récurer d’usage domestique en sont des exemples courants.

La haute précision et le fini de nombreux outils s’obtiennent uniquement grâce à leur emploi. Les abrasifs ont été utilisés dès la plus haute antiquité puisque l’homme aiguisait ses outils et ses armes. Plus tard, les meules taillées dans des blocs de pierre dure (par exemple quartz aggloméré par des sédiments naturels) ont fait l’objet d’un commerce régulier entre provinces, durant de nombreux siècles. Ce n’est que depuis un peu plus d’un siècle qu’on fabrique des meules à base d’abrasif incorporé à un liant artificiel: gomme laque et caoutchouc, puis liant magnésien (1870), enfin liant vitrifié (1890). De même, les abrasifs appliqués (papiers et toiles) ont grandement profité des progrès accomplis dans le domaine des colles, naturelles puis synthétiques. Pour satisfaire les multiples besoins de l’industrie du XXe siècle, il a été nécessaire d’élaborer des abrasifs artificiels comme le carbure de silicium (1897), l’alumine (1901), le diamant naturel ou artificiel, le carbure de bore qui constituent la base essentielle de la fabrication des produits abrasifs agglomérés. L’outil abrasif est maintenant devenu un outil universel, et son emploi s’étend aux industries les plus diverses.

Abrasifs naturels

Le diamant est le plus dur de tous les abrasifs. La poudre obtenue par broyage de petits diamants imparfaits est agglomérée et utilisée pour l’aiguisage et le polissage, notamment pour affûter des outils au carbure, difficiles à usiner par tout autre procédé en raison de leur très grande dureté.

Le corindon naturel, dont la dureté vient immédiatement après celle du diamant, est une forme cristalline de l’alumine Al23. Cependant, son prix reste élevé en raison des difficultés d’exploitation (en Afrique du Sud essentiellement).

L’émeri, mélange de corindon et de magnétite (oxyde de fer noir, FeO, Fe23), est extrait depuis des siècles à Cap Émeri dans l’île de Naxos (Cyclades) et a été employé pour la fabrication des meules, pierres, papiers et toiles émeri. Ce fut l’abrasif industriel standard pendant de nombreuses années. Actuellement, on utilise plutôt des abrasifs synthétiques comme le carbure de silicium (carborundum) et les corindons synthétiques.

D’autres matériaux naturels comme le grenat (silicate de fer ou d’aluminium) ou comme des roches volcaniques dures sont employés pour fabriquer des «abrasifs appliqués» (toiles et papiers abrasifs). Le quartz, minéral le plus courant, est également utilisé pour la fabrication des «papiers de verre», ainsi que pour les opérations de sablage (décapage au jet de sable) de pièces métalliques.

Le grès est encore utilisé pour faire des meules ou des pierres à affûter. La pierre ponce, d’origine volcanique, sert à la fabrication de poudres à récurer. Pour le polissage, on utilise encore des abrasifs tendres comme le «tripoli», la diatomite.

Le tableau donne la dureté de quelques-uns des matériaux évoqués:

Abrasifs synthétiques

Les diamants synthétiques remplacent de plus en plus le diamant naturel et sont devenus largement compétitifs.

Par ordre de dureté décroissante, on trouvera:

– Le carbure de bore B4C dont la dureté vient juste après celle du diamant, et qui est utilisé pour travailler des matériaux très durs comme le carbure de tungstène (outils de coupe).

– Le carbure de silicium SiC qui est obtenu par chauffage au four électrique, à haute température, d’un mélange de coke et de sable siliceux; il est utilisé pour la fabrication des meules pour matériaux durs comme la fonte, le carbure de tungstène.

– Le corindon artificiel A123, moins dur mais plus résistant que le carbure de silicium, et qui sert notamment à fabriquer des meules pour aciers ordinaires ou alliés.

– Les oxydes d’aluminium synthétiques Al23 de divers degrés de calcination donc de diverses duretés, qui sont destinés au polissage de nombreux matériaux (tous métaux, matières plastiques, etc.), aussi bien pour donner un effet de «brossage» ou de satinage fin, que pour l’avivage final donnant un brillant parfait.

– Certains abrasifs artificiels à base de ferro-alliages qui sont utilisés pour des opérations de sablage au jet d’air comprimé sur pièces métalliques. Divers sous-produits de l’élaboration des métaux peuvent également être employés pour le sablage (scories de toute sorte).

Techniques industrielles

L’outil abrasif permet seul d’obtenir de grandes précisions à des prix de revient industriels, de réaliser le fini exigé des pièces mécaniques. Il permet l’affûtage correct des outils et certaines opérations d’usinage en complétant l’action des autres outils (usinage de l’acier au manganèse, au carbure de tungstène, etc.).

La forme la plus courante des outils abrasifs est la meule. Ensuite, l’emploi de toiles ou papiers abrasifs permet d’obtenir, si nécessaire, un meilleur état de surface. Dans certains cas, lorsqu’on désire une finition plus poussée, un avivage est effectué à l’aide de pâtes fluides ou dures à bases d’oxydes d’aluminium synthétiques (alumine Al23).

Dans le cas de la meule («abrasifs agglomérés») et des toiles et papiers abrasifs («abrasifs appliqués»), les grains abrasifs répartis sur la surface travaillent à la façon d’un outil de coupe, par enlèvement de matière. On conçoit que cet enlèvement de matière dépendra de divers paramètres: dureté de l’abrasif, grosseur du grain, forme du grain, capacité de régénération des arêtes vives, nature du liant maintenant les grains abrasifs. Comme chacun de ces paramètres peut présenter de cinq à vingt variétés, on voit que, pour une meule de dimensions déterminées, on peut avoir cent mille combinaisons toutes mathématiquement différentes. C’est dire combien il est difficile dans chaque cas d’utilisation de trouver à coup sûr la formule de la meule qui assurera le meilleur rendement; c’est dire à quel point rechercher la meilleure meule est, pour le spécialiste, à la fois une technique et un art.

Les grains abrasifs, répartis sur la surface de travail de la meule, coupent par leur dureté et par la vitesse périphérique ou par la vitesse de défilement de la bande abrasive, chaque grain constituant alors un outil élémentaire. La meule coupe d’autant mieux qu’elle tourne plus vite, mais sa vitesse maximale est imposée par des conditions de sécurité. Aussi, dans tout problème de meulage, considère-t-on la vitesse d’une meule comme une donnée constante: c’est la vitesse périphérique maximale compatible avec la sécurité, soit 33 m/s pour les meules vitrifiées les plus courantes de 25 à 30 m/s pour les meules vitrifiées tendres. En travaillant, les grains abrasifs s’émoussent et se fragmentent. S’ils s’émoussent progressivement et s’échappent, libérés par l’agglomérant après usure complète, on dit que la meule est de spécification convenable. Si, au contraire, une fois émoussés, ils sont retenus par l’agglomérant, la meule est dite trop dure; s’ils sont libérés avant d’avoir accompli tout le travail dont ils sont capables, la meule est dite trop tendre.

On fabrique des corps abrasifs par incorporation d’une poudre abrasive plus ou moins fine à une résine synthétique, le mélange étant moulé pour obtenir la forme géométrique désirée. Des pièces métalliques à ébavurer ou à polir sont mélangées à ces abrasifs agglomérés, dans des vibrateurs.

Dans le cas du polissage «au tonneau», on mélange les pièces à ébavurer ou à polir, avec des déchets de cuir ou de petits morceaux de bois ou de la sciure, puis on ajoute un peu de poudre de polissage (alumine Al23 notamment) dans un petit récipient ou «tonneau». La rotation lente s’effectue durant un temps déterminé pouvant atteindre une vingtaine d’heures.

Opérations d’usinage à la meule

Il existe des meules de toutes tailles, depuis la meule du dentiste qui pèse une fraction de gramme jusqu’aux meules de papeteries employées pour le défibrage du bois, qui atteignent plusieurs tonnes. Les meules servent à enlever de la matière pour réaliser un profil déterminé, ou pour éliminer des surépaisseurs, comme dans les opérations de travail du verre. Elles servent aussi à effectuer un travail de précision, ainsi dans les travaux de rectification aboutissant à la réalisation de pièces mécaniques à tolérances serrées. Ces tolérances s’appliquent aux dimensions principales (diamètre, épaisseur) ou à des dimensions particulières (rayon de courbure, congé, etc.). Les meules sont utilisées, enfin, pour la rectification fine aboutissant à des états de surface diversement qualifiés, allant jusqu’au poli «miroir», pour le rodage des surfaces et pour les travaux de polissage que l’on exécute avec des meules souples ou des bandes abrasives.

Les trois fonctions énumérées ci-dessus peuvent se succéder dans certaines opérations où il s’agit à la fois d’enlever de la matière, de réaliser de la précision et d’obtenir un fini: c’est le cas, par exemple, dans la fabrication des billes pour roulements.

Quelques procédés d’usinage nouveaux sont entrés en concurrence avec la meule dans des domaines très limités: usinage par étincelage, par électro-érosion, par ultrasons. Il n’en reste pas moins qu’à notre époque de technologie mécanique très poussée la meule, associée aux nouveaux procédés de la métallurgie, demeure l’instrument irremplaçable de la finition et de la haute précision et voit s’étendre en permanence son champ d’application.

Encyclopédie Universelle. 2012.