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DORURE
DORURE

DORURE

Pratiquée déjà par les Égyptiens, la dorure sur bois est encore utilisée de nos jours dans l’ameublement ou l’encadrement, sur des essences indigènes comme le hêtre, le noyer, le tilleul. Elle consiste à couvrir le bois de feuilles d’or grâce à des préparations intermédiaires. Deux procédés sont possibles: la dorure à l’eau ou en détrempe, la dorure à l’huile ou à la mixtion. La beauté de la première, la plus solide, tient à la fois à la reparure, véritable sculpture exécutée dans l’apprêt, et à l’aspect contrasté de l’or, mat ou bruni. La seconde est susceptible de reparure mais présente un aspect uniforme. La dorure à l’eau, connue des Italiens au Moyen Âge, appliquée au mobilier de luxe en Europe à partir du XVIIe siècle, sert surtout maintenant dans la restauration. Jean-Félix Watin, auteur d’un Art du peintre, doreur, vernisseur , publié à Paris en 1772 et souvent réédité, distingue dans ce long travail dix-sept opérations. On commence par dégraisser le bois, à l’alcali par exemple, ce qui a notamment l’avantage de permettre à l’encollage de bien pénétrer. Les doreurs se servent d’une colle de nerfs de peau de lapin, se présentant en plaques qu’on fait fondre dans de l’eau et qu’on emploie à chaud. L’encollage, fait avec de la colle liquide teintée de blanc de Meudon (ou blanc d’Espagne), prépare le bois à recevoir l’apprêt. Capitale est l’application de celui-ci, mélange de colle et de blanc de Meudon qu’on pose en tapant avec une brosse et qui est destiné à isoler et égaliser la surface du bois: si elle est mal faite, la dorure s’écaille. Cinq ou six couches d’apprêt sont nécessaires, chacune d’elles devant sécher avant la pose de la suivante. On lisse la dernière couche de blanc avec une brosse trempée dans l’eau tiède ou, plus traditionnellement, humectée de salive, puis on ponce au papier abrasif très fin. Intervenant ensuite, la reparure constitue la partie créatrice du rôle du doreur: exécutée à l’aide de fers courbes, elle consiste à dégager la sculpture couverte par le blanc, à la compléter éventuellement et à décorer les fonds de motifs gravés. La surface dégraissée, on passe ensuite un encollage léger coloré en jaune qui cachera les fonds au cas où l’or n’atteindrait pas certains endroits profonds et qui sert aussi de mordant pour l’assiette. Celle-ci happe l’or et permet de lui donner au brunissage un aspect brillant. Elle a pour base une terre colorée, rouge en France, qu’on mélange à de la colle. On la couche avec un pinceau, à raison de deux ou trois épaisseurs sur les parties destinées à être brunies, et éventuellement d’une épaisseur sur les parties qui doivent rester mates. Par rapport aux opérations précédentes, la dorure proprement dite est relativement rapide. Les feuilles d’or, obtenues autrefois manuellement par les batteurs d’or et de nos jours par des procédés plus ou moins mécanisés, existent en différentes couleurs — citron, vert, rouge, selon l’alliage utilisé —, titrent 22 carats et se présentent sous forme de carrés de 0,1 à 0,8 micron d’épaisseur, et 80, 84 ou 93 millimètres de côté. On les vend en carnets. Le doreur, effeuillant le carnet sur un «coussin à dorer», mouille au pinceau avec de l’eau la surface à dorer, et pose la feuille d’or à l’aide d’une «palette», brosse large et plate. Les feuilles se chevauchent légèrement. Une fois la dorure sèche, on polit ou «brunit» avec une pierre d’agate les endroits qui doivent être brillants, en général les parties sculptées. Puis, dans une dernière opération, on «appuie» l’or à l’aide d’une colle diluée. Beaucoup plus rapide, la dorure à l’huile, déjà employée en Angleterre au XVIIe siècle, est pratiquée en France au XVIIIe. Le bois est garni soit d’un apprêt semblable à celui de la dorure à l’eau, que recouvre un vernis à la gomme laque, soit d’une poudre d’ocre jaune ou rouge mélangée à un vernis gras. Parfois, on couche ensuite une assiette. La mixtion, huile recuite qui se vend toute préparée, est appliquée parcimonieusement afin de bien sécher. Quand elle est sèche, on place les feuilles d’or directement avant de les couvrir de colle ou d’un vernis incolore. Ces deux procédés sont quelquefois malheureusement remplacés, par économie, par la dorure au bronze, faite au moyen d’une poudre de bronze broyée dans du vernis, de la colle ou de l’essence de térébenthine, qu’on applique au pinceau et qui s’oxyde par la suite.

Le procédé tirant parti de la propriété qu’a le mercure de dissoudre l’or a été longtemps le seul utilisé pour dorer le bronze et l’argent. Actuellement, il est en principe interdit parce que les vapeurs de mercure sont toxiques et ne sert pratiquement plus que pour la restauration. La pièce est décapée, passée à la «gratte-brosse» métallique rotative pour que la surface soit impeccable, et séchée dans la sciure. Elle est ensuite blanchie, c’est-à-dire qu’on la couvre d’une couche de mercure à l’aide d’un balai à dorer à poils métalliques, en opérant sur les épaisseurs puis sur les surfaces, avant de poser l’amalgame d’or et de mercure préparé de la façon suivante. Des feuilles d’or vierge qui ont l’épaisseur d’une feuille de papier sont déchiquetées dans un creuset. Après avoir versé dessus du mercure liquide dans la proportion de 10 grammes pour 1 gramme d’or, on mélange les deux métaux sur le feu en tournant avec une tige, puis on les verse dans de l’eau. L’eau jetée, apparaît l’amalgame couleur argent qu’on étale sur la pièce avec le même balai, sur les épaisseurs puis sur les surfaces, en veillant à en mettre partout. La pièce passée à l’eau pour être dégraissée est chauffée à 1 000 0C pendant quelques minutes, à la fois sur un brasier de charbon de bois et sous l’action d’un chalumeau. L’or et le mercure ne s’associant pas d’une façon homogène, il faut travailler la pièce à plusieurs reprises quand elle est sur le feu, à l’aide d’une brosse, surtout pour l’argent, afin de dégager la ciselure pour qu’elle ne soit pas empâtée et d’éviter que certaines parties ne soient pas dorées. (Si l’on chauffe trop dans le cas de l’argent, celui-ci réapparaît.) Peu à peu, la pièce blanche devient brillante, le mercure s’évapore et l’or affleure sous la couleur blanche. L’aspect de la pièce dorée, mate et terreuse, est égalisé et avivé à la gratte-brosse. On polit ensuite à la sanguine (hématite) et on patine éventuellement. Les pièces dorées au mercure sont jaune-vert.

Dite aussi électrochimique au XIXe siècle, ou à la pile, la dorure électrolytique a été mise au point en même temps (1840) par les frères Elkington en Angleterre et par le comte Henri de Ruolz en France où elle a été industrialisée aussitôt par Charles Christofle. Lorsqu’on plonge deux électrodes dans un bain de sel métallique, l’électrode négative, ou cathode, reçoit un dépôt métallique continu et adhérent provenant de la décomposition du sel. Suivant la nature du métal employé, cette opération prend le nom de dorure, argenture, cuivrage, étamage, nickelage, ferrage. Dans le cas de la dorure, l’or dissous dans un mélange d’acides est en suspension dans le bain, l’anode est en platine. Les pièces à dorer en argent, bronze, laiton, décapées et polies puis bien dégraissées, qui vont servir de cathode, sont plongées dans le bain en étant accrochées à une sorte de grille qui, placée au-dessus de la cuve, conduit le courant et est animée d’un lent mouvement de va-et-vient, ce qui régularise le dépôt. L’or se dépose sur les pièces, qui, mates à la fin de l’opération, deviennent brillantes sous l’action de la gratte-brosse. Elles ont une couleur rosée différente de celle de la dorure au mercure. Pour se rapprocher de cette dernière, une méthode utilisée dans les travaux plus soignés consiste à tremper ensuite les pièces dans un bain de nitrate de mercure et à les passer au feu, puis à les polir comme les pièces dorées au mercure.

dorure [ dɔryr ] n. f.
XIIe; de dorer
1Couche d'or (généralt mince) appliquée sur certains objets. Dorure d'un cadre de tableau. Une dorure qui s'écaille. « Aucune dorure, aucun artifice n'arriverait à cet éclat inimitable de l'or épais et sans alliage » (Loti). Par ext. Ornement doré. Uniforme couvert de dorures.
Par anal. Cuis. Préparation à base de jaune d'œuf appliquée sur un mets pour qu'il dore pendant la cuisson.
2Techn. Action de recouvrir certains corps d'une couche d'or. dorage. Dorure sur bois, sur cuir, sur plâtre, sur métal. Ouvrier en dorure. doreur. Dorure à la feuille ou à l'or en feuille, à l'or moulu. Dorure galvanoplastique. Dorure aux fers (reliure).

dorure nom féminin Mince couche d'or, ou d'une matière imitant l'or, revêtant un objet, une surface. Action de procéder à ce revêtement. (Utilisée pour la protection de pièces contre l'oxydation ou l'attaque de produits corrosifs, la dorure se fait par métallisation sous vide ou par voie électrolytique.) Péjoratif et vieux. Objet, ornement doré et clinquant : Un officier couvert de dorures. Reliure Art de décorer les reliures de livres avec des motifs exécutés, en principe, à l'or fin. ● dorure (expressions) nom féminin Dorure électrolytique, procédé consistant à provoquer, par passage de courant, une électrodéposition d'or sur un métal (ou sur un matériau spécialement préparé) immergé dans un électrolyte. (Depuis le XIXe s.) Dorure à la feuille, procédé consistant à appliquer de minces feuilles d'or sur des matériaux divers dûment préparés. (Dès l'Antiquité.) Dorure au mercure, procédé, réservé aux métaux, consistant à poser sur l'objet un amalgame d'or et de mercure, puis, par chauffage, à volatiliser le mercure et fixer l'or. (Dès l'Antiquité.) Dorure à la poudre, procédé consistant à étendre sur un matériau une substance contenant de la poudre d'or. Dorure au trempé, procédé consistant à immerger certains métaux dans une solution appropriée de façon à provoquer, au moyen d'une réaction chimique, un dépôt d'or. (XIXe s.) Dorure au balancier, procédé employé pour la réalisation en série de reliures en peau ou en toile (cartonnage romantique). Dorure à la plaque, procédé de décoration utilisant une plaque gravée, pour des motifs de grande surface. Dorure sur tranches, opération consistant à recouvrir d'or ou de couleurs les tranches d'un livre relié.

dorure
n. f.
d1./d Action, art de dorer. Dorure sur cuir, sur bois.
d2./d Couche d'or. La dorure s'est écaillée.
d3./d Ce qui est doré. Les dorures du plafond.
d4./d CUIS Action de dorer au jaune d'oeuf; son résultat.

⇒DORURE, subst. fém.
A.— TECHNOL. et usuel
1. Pellicule d'or recouvrant un objet, une surface. La dorure d'un cadre, d'un livre, d'un bijou. La bibliothèque avec les cuirs fauves et les dorures des vieux livres (ARÈNE, J. Figues, 1870, p. 42). Est-ce qu'en deux ans les miroirs s'étaient ternis? La dorure des cadres italiens s'était-elle écaillée? (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 230) :
1. La rampe était une merveille de fer forgé, dont la vieille dorure faisait courir une lueur discrète le long des marches de marbre rouge.
MAUPASSANT, Bel-Ami, 1885, p. 331.
2. P. méton.
a) Technique par laquelle on recouvre un objet d'une pellicule d'or. Dorure à froid, au mercure, au trempé; dorure galvanique. La dorure à l'huile (...) résulte de l'application des feuilles d'or sur une couche de mixtion (ROBINOT, Vérif., métré et prat. trav. bât., 1930, p. 29).
b) Objet ou ornement doré servant à la décoration. Son carrosse est peint comme un clavecin, plus rehaussé de dorures qu'une chapelle miraculeuse péruvienne (MORAND, Londres, 1933, p. 251). Je pensais que sous ces broderies, sous ces diamants, sous ces galons et ces dorures, il y avait des muscles comme tous les muscles (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 227) :
2. Je n'en vis d'abord que des dorures. Des fils d'or, des feuillages d'or dont les uns étaient des reflets sur des galbes de meubles et les autres les rameaux de grands cadres à portraits...
GIONO, Un Roi sans divertissement, 1947, p. 164.
Rem. Dans cet emploi, dorure est gén. employé au plur. et comporte souvent une connotation péjorative.
Pop. Bijou. Mme Michon avait sorti toutes ses dorures (BRUANT, Dict. fr.-arg., 1901, p. 58).
Spéc., CUIS. Préparation d'œufs battus appliquée avant cuisson sur des pâtes et d'autres plats que l'on veut dorer. La dorure se met sur les pâtes à l'aide d'un pinceau de soie ou de plume (MONT. 1967).
P. anal. [Dans le domaine artistique] Ornement très apparent. Une musique discrètement descriptive, très ornementée, cernée de dorures rutilantes (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 3, col. 1) :
3. ... Chambry, a publié, chez Garnier, une traduction des bucoliques grecs, Théocrite en tête, qui est une merveille et restitue, dans notre langage, les finesses, perspectives et dorures de l'original.
L. DAUDET, Les Universaux, 1935, p. 155.
B.— Caractère de ce qui a une couleur, un éclat doré. Comment dire ces noirs si fermes et si fins [des toiles de Fortuny], ces délices de satin pâles, la dorure basanée des visages (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 165). Des nuées d'éphémères dansaient dans la dorure du couchant (GIDE, Journal, 1939, p. 407) :
4. Un souffle de vent passa et fendit le rideau de fumée, et dans la déchirure la tragique bastille, soudainement démasquée, se dressa visible tout entière (...) avec la magnifique dorure de l'incendie...
HUGO, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 188.
C.— P. anal. et au fig., emplois littér. Apparence de richesse d'une situation aisée. Oh! que Versailles était superbe (...) Là, tout homme avait sa dorure. Tout du maître suivait la loi (HUGO, Voix intér., 1837, p. 214). Non pas le monde, avec ses tentations vulgaires et, au bout du compte, la même pauvreté recouverte d'un peu de dorure, mais la noblesse dans ce qu'elle a de plus pur (GIONO, Angelo, 1958, p. 201) :
5. ... sans doute, sous cette superficie brillante et cette dorure de carrousel [du règne de Louis XIV], il y a bien assez de vices pour déborder de nouveau en une autre régence, surtout quand le bigotisme d'une fin de règne les aura fait fermenter.
SAINTE-BEUVE, Portraits de femmes, 1844, p. 9.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1167 doreüre (GAUTIER D'ARRAS, Ille et Galeron, éd. A. G. Cowper, ms. P, 13); 1176 doreüre d'or (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 973); 2. ca 1393 pâtiss. (Le Ménagier de Paris, II, 92 ds T.-L.); 3. av. 1571 bagues et dorures (Yver, p. 612 ds LITTRÉ); 4. 1771 « art, action de dorer » (Trév.). Dér. du rad. de dorer; suff. -ure. Fréq. abs. littér. :260. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 313, b) 690; XXe s. : a) 353, b) 255. Bbg. LEW. 1960, p. 92.

dorure [dɔʀyʀ] n. f.
ÉTYM. V. 1167, doreure; de dorer.
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I
1 Couche d'or (généralement mince) ou d'une substance ayant l'apparence de l'or, appliquée à un objet ( Doré). || La dorure d'un plafond, d'un tableau (→ Chromo, cit. 1). || Dorure sur tranches. || Une fausse dorure. → Or, cit. 26.
1 (…) aucune dorure, aucun artifice n'arriverait à cet éclat inimitable de l'or épais et sans alliage, que les siècles n'ont pas su ternir.
Loti, l'Inde (sans les Anglais), VI, IX, p. 433.
Reliure. || Une dorure usée. || Ramender une dorure.
2 Ornement ou ensemble d'ornements dorés. || Uniforme couvert de dorures.
2 (…) c'est sous l'habit rustique d'un laboureur, et non sous la dorure d'un courtisan qu'on trouvera la force, et la vigueur du corps.
Rousseau, Discours sur les sciences et les arts, I.
3 Préparation liquide servant à dorer la pâte. || La dorure d'un pâté, d'un gâteau.
4 Fig. Éclat, apparence brillante et trompeuse. || La dorure de son style.
3 Alors, presque malgré lui, il répand sur les noires visions la dorure de son éloquence. Il apaise la catastrophe future dans le bercement d'une musique.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, IV, XXIII, p. 256.
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II (1771). Action de dorer. Dorage. Techn. Action de recouvrir certains corps d'une couche d'or. || Dorure sur bois, sur cuir, sur plâtre, sur métal. || Dorure de la porcelaine. || Ouvrier en dorure. Doreur.Dorure du cuivre, du bronze, du laiton, de l'argent. || Préparer la surface d'un corps pour la dorure. Réchampir. || Dorure à la feuille ou à l'or en feuille, à l'or moulu. || Dorure au mercure, à la pâte. || Dorure par immersion, au trempé ou en détrempe ( Jaunissage). || Dorure au bouchon ou au pouce. || Dorure au vernis ( Mordant), à l'huile, au feu, à chaud, au froid. || Dorure où l'on utilise la batture. || Dorure galvanique, galvanoplastique, électrochimique. || Protection d'une dorure par matage. || Dorure mate, cuivrée. || Dorure à l'or vert ou rouge.
Reliure. || Dorure aux fers.

Encyclopédie Universelle. 2012.