laper [ lape ] v. tr. <conjug. : 1>
• XIIe; d'un rad. onomat. lap- évoquant un coup de langue
♦ Boire à coups de langue. Chat qui lape du lait. — Absolt Le chien lapait bruyamment.
● laper verbe transitif (onomatopée) En parlant d'un animal, boire en recueillant le liquide à coups de langue. ● laper (difficultés) verbe transitif (onomatopée) Orthographe Avec un seul p (contrairement à japper), de même que pour le dérivé lapement. ● laper (homonymes) verbe transitif (onomatopée) lapons lapon adjectif et nom
laper
v. tr. (Animaux) Boire en tirant le liquide à coups de langue. Laper du lait.
⇒LAPER, verbe trans.
A. — [Le suj. désigne un animal, en partic., un chien ou un chat] Boire en aspirant avec la langue. Le chien a lapé en un instant une jatte de lait (Ac. 1935). Le silence était si grand qu'on entendait dans la cuisine la minette laper le fond d'une écuelle (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 104) :
• 1. Que l'on imagine (...) un peuple de cigognes se laissant persuader par la prédication d'une horde de renards, que la moralité commande de se nourrir de brouet clair dans des assiettes plates, voici le peuple des cigognes (...) voué à la famine au grand profit des renards qui, du revers de la langue, laperont vite et sans peine les meilleures pitances.
GAULTIER, Bovarysme, 1902, p. 139.
— Emploi absolu. C'était l'abattoir. Sur le seuil, un grand chien lapait dans une mare de sang (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 289).
B. — [Le suj. désigne une pers.]
1. P. anal.
a) Boire en utilisant la langue pour aspirer de petites quantités de liquide. La joie de laper de l'eau en passant auprès de la fontaine des gens d'armes (BARRÈS, Cahiers, t. 1, 1896, p. 10). L'aïeul lapait à petits coups sa chartreuse jaune (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 47) :
• 2. On enleva les fourchettes et les cuillères, pour ne pas laisser une arme aux détenus. Decraemer devait manger sa bouillie de navet avec ses doigts et laper le liquide comme un chien. L'homme se dégrade et devient semblable à la bête, à vivre ainsi.
VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 280.
— Emploi absolu. Un court instant on n'entend plus qu'un bruit de bouches qui lapent, les têtes penchées sur les gamelles (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 84).
b) Fam. Boire avec avidité. Des gens soûls, debout, Dont les larges langues lappent, sans phrases, Les ales d'or et le whisky, couleur topaze (VERHAEREN, Ville tentac., 1895, p. 151) :
• 3. À part les contre-maîtres, qui plaçaient sous sur sous (...) tout le reste ne travaillait, les ouvrières que pour bâfrer des frites (...) les ouvriers que pour s'enfourner à tirelarigot, dès l'aube, des chopines de vin blanc et laper, dès l'après-midi, des litres de vin bleu.
HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 20.
— Emploi absolu. Le peintre attaquait vigoureusement l'assiette assortie, s'enfournait de la hure et des miches de pain et lappait sec (HUYSMANS, En mén., 1881, p. 24).
2. P. ext. Absorber de la nourriture à coups de langue répétés. La vieille originale prenait toute la journée, tantôt d'un graisseron, tantôt d'un fruit ou d'une crème de millet qu'elle étalait à la mode du pays sur le dos de sa main pour l'y laper (JAMMES, Mém., 1921, p. 165). Il tenait un épi dans sa main gauche, de la main droite il en cueillait les grains; il renversa la main, la porta à sa bouche, sortit sa langue et lapa avec un mouvement de la tête ces petits fuseaux dorés (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 135).
3. [Ds un cont. métaph.] Aussi, Madame de Nucingen laperait-elle toute la boue qu'il y a entre la rue Saint-Lazare et la rue de Grenelle pour entrer dans mon salon (BALZAC, Goriot, 1835, p. 93).
REM. Lapée, subst. fém. a) Quantité de liquide que l'on peut aspirer en un seul mouvement de langue. Il déposa dans la vasque de la fontaine son éponge qui se dégorgea, but une nouvelle lapée de vin (HUYSMANS, Marthe, 1876, p. 134). b) Rare. Mouvement de langue semblable à celui que font les animaux qui lapent. Liant ses bras autour du cou d'André, elle le baisa à petites lappées (HUYSMANS, En mén., 1881, p. 228).
Prononc. et Orth. : [lape], (il) lape [lap]. Att. ds Ac. dep. 1694. Vx selon ROB. : lapper. Docum. : lappent (VERHAEREN, loc. cit.), lappait (HUYSMANS, En mén., 1881, p. 24), lappées (ID., ibid., p. 228), lappement dér. (GONCOURT, loc. cit.). Étymol. et Hist. Ca 1180 « (d'un animal) boire à petits coups de langue » (M. DE FRANCE, Fables, 58, 9 ds T.-L. : L'ewe comença a laper); ca 1200 « (d'une personne) boire avidement » (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke, P. Rasch, 3349 : Et le vin boire, engloutir et laper). Issu d'une onomat. lap- traduisant le lapement; l'hyp. d'un empr. aux lang. germ. (cf. all. lappen « laper », m. néerl. lapen « lécher en faisant du bruit », VERDAM, ags. lapian « laper », angl. to lap « id. ») n'est pas nécessaire, le mot existant également dans diverses lang. romanes (cf. génois lappa « boire », andalou lapo « gorgée », v. FEW t. 5, p. 175a). Fréq. abs. littér. : 58.
DÉR. Lapement, subst. masc. a) Action de laper. ) [En parlant d'un animal] V. laper A. La cuisine, où l'on entend comme le lappement d'animal (GONCOURT, Journal, 1870, p. 584). ) [En parlant d'une pers.] V. laper B. Je retrouve au salon de vieilles Anglaises du corps diplomatique, de mûres et fades créatures, à exclamations bêtes, à monosyllabes inintelligents à travers le lappement d'une tasse de thé et la déglutition d'un sandwich (GONCOURT, Journal, 1872, p. 917). b) P. méton. Bruit analogue à celui que font les animaux qui lapent. Les légers bruits autour de nous : un bruit d'eau vive sur les galets, le lapement insensible et le minuscule gargouillis dans les creux de roche de la marée montante, donnaient à l'écoulement du temps, par leurs longs intervalles suspendus et leurs soudaines reprises, une incertitude flottante coupée de rapides sommeils (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 130). — []. Att. ds Ac. 1935. — 1re attest. 1611 (COTGR.); de laper, suff. -(e)ment1.
laper [lape] v. tr.
ÉTYM. V. 1165; d'un rad. onomatopéique lap- exprimant le lapement, et bien attesté dans diverses langues germaniques et romanes.
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1 (En parlant d'un animal). Boire à petits coups de langue. || Chat qui lape du lait. || Chiens qui lapent leur écuellée de soupe (→ Chenil, cit. 2). — REM. On écrit aussi lapper (orthographe ancienne).
1 Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La cigogne au long bec n'en peut attraper miette;
Et le drôle (le renard) eut lapé le tout en un moment.
La Fontaine, Fables, I, 18.
2 (…) madame Vauquer descendit au moment où son chat venait de renverser d'un coup de patte l'assiette qui couvrait un bol de lait, et le lapait en toute hâte.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 879.
3 Elle lappait l'eau tiédie, dans la cuvette de zinc que je rinçais pour elle.
Colette, la Paix chez les bêtes, « Lola ».
♦ (Emploi absolu). || Chien qui lape bruyamment.
2 Fam. (En parlant d'une personne). Boire avec avidité.
4 Elle pompa le lait, puis elle appuya ses lèvres sur le verre pour me faire baisser la main et elle but en lappant avec un petit bout de langue pointu comme une aiguille.
J. Giono, Jean le Bleu, VII, p. 201.
♦ Par ext. Prendre (une nourriture solide) à petits coups de langue. || Laper des grains (cit. 1).
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DÉR. Lapement, lapeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.