humer [ 'yme ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ Vx ou littér. Avaler (un liquide) en l'aspirant. « Je humais à peine quelques gouttes d'eau et de citron » (Chateaubriand). ⇒ 1. boire. — Par anal. Humer l'air, le vent. ⇒ aspirer. « humer l'air salubre et frais du matin » (Rousseau). ⇒ inspirer, respirer.
2 ♦ (1575) Cour. Aspirer par le nez pour sentir (une odeur généralement agréable). « Il ouvrait les narines pour mieux humer le parfum » (Flaubert). Par ext. Humer un plat. ⇒ flairer.
humer
v. tr. Aspirer profondément pour sentir. Humer le parfum d'un méchoui.
⇒HUMER, verbe trans.
A. — Vieilli. Avaler (un liquide) en l'aspirant. Humer un bouillon; humer un œuf (Ac.); humer un vin, une liqueur; humer à longs traits, à petites gorgées. L'abbé n'avait plus faim, et il humait seulement avec lenteur le savoureux bouillon des choux, laissant le pain au fond de son assiette (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 87). Le repas fini, Octave allumait sa petite pipe et nous devisions en humant une tasse de café (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 182) :
• 1. ... en emportant un petit gobelet qu'il avait préalablement rempli d'un véridique whisky d'Irlande. Il se renfonça dans son fauteuil et huma lentement ce suc fermenté d'avoine et d'orge; un fumet prononcé de créosote lui empuantit la bouche.
HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 64.
B. — Inspirer par le nez un corps (généralement) à l'état gazeux. Humer l'air, humer le brouillard (Ac.); humer les embruns. Denise éventre la croûte, et une buée épicée de viande cuite vient jusqu'à André qui la hume : — Fameux, ça, dit-il... (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 181). Un grand bélier, seul, gravit le sentier jusqu'au col, où il s'arrête, pour humer le vent (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 333) :
• 2. ... sa poitrine huma l'air de la mer avec cette dilatation que Beethoven a si bien marquée dans Fidelio, quand ses prisonniers respirent enfin « cet air qui vivifie ».
PROUST, Sodome, 1922, p. 817.
— En partic. Humer une prise, du tabac. Aspirer par le nez une prise, du tabac. Le vieux curé sourit en humant sa prise (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 184). À cet endroit de son récit, mon bon maître, levant le nez pour humer une prise de tabac, vit mon trouble (A. FRANCE, Rôtisserie, 1893, p. 183).
C. — Sentir (une odeur) en aspirant par le nez. Humer l'arôme d'un vin :
• 3. Près d'une gargote, dans l'île Saint-Louis, il resta longtemps à humer l'odeur des graisses et des sauces.
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 387.
♦ P. méton. du compl. Et lui renversant la tête à deux mains sur ses genoux, elle le humait, le respirait, dans les yeux, dans les cheveux, partout, comme un bouquet (A. DAUDET, Sapho, 1884, p. 29). À peine le départ est-il donné, c'est fini. Maxence hume l'espace endormi, toute la profondeur éventée le pénètre, son esprit s'ouvre immensément devant la nuit (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 184).
— [Avec un compl. introd. par dans] Les caïmans (...) Guettent (...) Le jaguar qui descend au fleuve pour y boire Et qui hume dans l'air leurs effluves musqués (LECONTE DE LISLE, Poèmes trag., 1886, p. 103). Elle le flairait (...) ainsi qu'une chienne hume dans le vent l'odeur lointaine du gibier (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 248).
— Au part. passé. L'incomparable liqueur centenaire, versée avec respect, longuement chauffée dans la main et respirée, humée, bue de la narine en silence, avant de l'élever jusqu'aux lèvres... (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 99).
— Emploi abs. Le sanglier solitaire hume vers les fermes (GIONO, Colline, 1929, p. 10). Mon Dieu! c'est vrai qu'il a humé, flairé, reniflé plus que personne, possédé sa jeunesse par les narines (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1394).
Rem. L'emploi de ce verbe présuppose que l'odeur est généralement agréable à celui qui hume.
— Au fig.
♦ Sentir (quelque chose) comme si on (le) humait. Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle, Humait avidement ce chant vif et guerrier (BAUDEL., Fl. du Mal, 1861, p. 158). Humant par le mince intervalle entre la robe et la peau la douce chaleur de son corps (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Mlle Fifi, 1881, p. 162).
♦ Sentir confusément (quelque chose). Synon. flairer, pressentir. Humer le danger, le succès. J'aurais marché indéfiniment, je humais dans l'air toutes sortes d'incitations à rester dehors, toutes sortes d'espoirs à chercher dans le lointain (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 209). À s'imaginer que les hommes humaient déjà le règne des camps de concentration (ARNOUX, Double chance, 1958, p. 157).
D. — Rare. Exhaler. Comme un parfum de pain humant l'odeur de cire, (...) Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire, Tendent leurs oremus risibles et têtus (RIMBAUD, Poés., 1871, p. 98).
REM. 1. Humage, subst. masc., méd. Aspiration de vapeurs ou de gaz à des fins thérapeutiques. Salle de humage; pratiquer le humage. Dans les salles d'inhalations humides, le corps tout entier se trouve plongé dans une atmosphère délétère, désoxygénée : mieux vaut donc le humage, et le humage intermittent (Annales de la Société d'hydrologie médicale de Paris, Paris, F. Alcan, 1889, p. 308). 2. Humant, -ante, adj. a) Qui hume (supra A 1). P. métaph. La route des Indes serait une pauvre piste de caravanes si elle n'était sillonnée par des avions, des autos et des paquebots. Tout cela dévore de tous ses carburateurs humants et aspirants des tonnes d'essences [sic] ou de mazout, de gaz-oil, de pétrole lampant (MORAND, Route Indes, 1936, p. 248). b) Qui aspire. Il effleura de son index le long nez bulbeux de Robert, ce nez tout palpitant, tout humant (LA VARENDE, Roi d'Écosse, 1941, p. 96). 3. Humement, subst. masc., hapax. Action de faire pénétrer dans sa bouche un liquide en l'aspirant. Le repas commença dans une sorte de silence que n'interrompaient que les humements provoqués par le potage (JAMMES, Robinsons, 1925, p. 152). 4. Humeux, -euse, adj. Qui hume (supra A). Je lui confiai que je comprenais bien les Eugènes car il y en avait un dans ma vie. Les relations entre Eugènes et femmes humeuses sont ordinairement difficiles, déclara-t-il, car elles veulent tout dévorer et « l'Eugène résiste » (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 324). 5. Humoter, verbe trans., hapax. Aspirer un liquide à petits traits; humer (supra A). Parmi les types présents se trouvait à droite (...) un bonhomme presque vieux (...) suçotant un cigare d'un sou en humotant une chope à dix centimes (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mes pris., 1893, p. 370).
Prononc. et Orth. : [yme] init. asp., (il) hume [ym]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Av. 1105 judéo-fr. humer « boire en aspirant, gober, avaler » (Gl. de Raschi, 585 ds T.-L.); ca 1150 (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 7587); 2. 1366 « flairer (en parlant d'un animal) » des groins omer (Mir. de N.-D., éd. G. Paris et U. Robert, XXIV, 1136); 1611 « faire une aspiration, aspirer l'air » (COTGR.); 1644 « aspirer avec délice » (SCARRON, Typhon, I, 8 ds RICHARDSON, s.v. : les dieux Humoient sans songer à malice L'exhalaison d'un sacrifice). Dér. de l'onomat. hum- exprimant une aspiration d'air. Fréq. abs. littér. : 417. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 337, b) 832; XXe s. : a) 620, b) 662.
humer ['yme] v. tr.
ÉTYM. Fin XIe, en judéo-franç.; d'un rad. onomat. hum- exprimant l'aspiration. P. Guiraud suggère une parenté avec le lat. humere « être humide ».
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1 Vx ou littér. Avaler (un liquide) en l'aspirant. ⇒ Absorber, avaler. || Humer un œuf, un bouillon, du vin. || Humer à longs traits. ⇒ Boire. — ☑ Loc. Humer le pot (le piot) : boire du vin.
1 Je humais à peine quelques gouttes d'eau et de citron, et, quand le mauvais temps nous força de relâcher à Guernesey, on crut que j'allais expirer (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 67.
2 Je fume un cigare à Tarascon en humant un café.
Apollinaire, Ombre de mon amour, X.
♦ Par métaphore. (→ Gourde, cit. 3).
3 Superbe, elle humait voluptueusement
Le vin de son triomphe (…)
Baudelaire, les Épaves, III.
♦ Par anal. || Humer l'air, le vent. ⇒ Aspirer; → Épanouir, cit. 10; grille, cit. 14. || Humer avec délices l'air frais du matin. ⇒ Respirer. || Humer le brouillard, l'embrun (cit. 2), une gorgée (cit. 5) d'air.
4 Je ne manquais point à mon lever, lorsqu'il faisait beau, de courir sur la terrasse humer l'air salubre et frais du matin, et planer des yeux sur l'horizon de ce beau lac, dont les rives et les montagnes qui le bordent enchantaient ma vue.
Rousseau, les Confessions, XII.
5 Elle se penchait des deux mains par le vasistas, en humant la brise (…)
Flaubert, Mme Bovary, III, V.
2 (1575). Cour. Aspirer par le nez pour sentir. || Humer une odeur, un parfum (→ Embaumer, cit. 6; flotter, cit. 5; gourmandise, cit. 8; hareng, cit. 3). || Humer les effluves (cit. 4), le fumet (cit. 2). — Par ext. || Humer un plat, l'odeur d'un plat. ⇒ Flairer.
6 Il ouvrait les narines pour mieux humer le parfum s'exhalant de sa personne.
Flaubert, Salammbô, II, p. 221.
7 Et il humait dans son souvenir, en ouvrant les narines, le pétillement à odeur de roses d'un vieux champagne de mil huit cent quatre-vingt-neuf que Léa gardait pour lui seul (…)
Colette, Chéri, p. 109.
8 Lorsqu'il (le chien) apercevait un tas de crottin au milieu de la chaussée, il devait se défendre contre l'envie d'aller le humer de tout près.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VIII, p. 80.
8.1 (…) elle hume avec délices sur son bras nu sa propre odeur, celle pour toujours de ce printemps, de ce bonheur, l'odeur fraîche et fade de sa peau d'enfant, de la manche de sa robe en coton neuf…
N. Sarraute, le Planétarium, p. 67.
♦ Spécialt. || Humer une prise de tabac.
8.2 Quelle joie, le lendemain en se réveillant ! Bouvard fuma une pipe, et Pécuchet huma une prise, qu'ils déclarèrent la meilleure de leur existence. Puis ils se mirent à la croisée, pour voir le paysage.
Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Folio, p. 74.
9 (…) mon bon maître, levant le nez pour humer une prise de tabac (…)
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, Œ., t. VIII, p. 146.
3 (1644). Fig. Littér. ⇒ Respirer. || Humer l'encens de la gloire.
10 Il est difficile, pour un auteur à qui l'on cite quelques vers de ses poésies et quelques lignes de sa prose, si loin du boulevard des Italiens, de ne pas se rengorger un peu en humant cet encens, le plus délicat de tous aux narines d'un écrivain.
Th. Gautier, Voyage en Russie, XIX, p. 320.
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DÉR. Humage, humant.
Encyclopédie Universelle. 2012.