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haro

haro [ 'aro ] interj. et n. m. inv.
XIIe; de hare harasser
Anc. dr. Cri d'appel à l'aide, poussé par la victime d'un flagrant délit, rendant obligatoire l'intervention des auditeurs. Spécialt Clameur de haro, Haro : formule qui donnait à chacun le droit d'arrêter le coupable. — Loc. CRIER HARO SUR le baudet (La Fontaine), qqn, qqch. :dénoncer à l'indignation de tous. « crier haro sur la bêtise contemporaine » (Baudelaire).

haro
n. m. Loc. Crier haro sur (qqn): se dresser avec indignation contre (qqn).
|| Crier haro sur le baudet: appeler l'indignation générale sur qqn ou qqch.

⇒HARO, interj. et subst. masc.
I. — Interjection
A. — Vx, DR. COUTUMIER NORM. [En discours dir. ou rapporté]; cri poussé par la victime d'un flagrant délit pour attirer l'attention, et qui rend obligatoire l'intervention de ceux qui l'entendent pour faire cesser le délit et arrêter le coupable. Faire haro sur quelqu'un (Ac.). On accourait de toutes parts. Comme jadis les jetait en avant le vieux cri de « Haro! », maintenant cette poursuite mortelle avait galvanisé les paysans (LA VARENDE, Pays d'Ouche, 1934, p. 160).
Loc. Clameur de haro. Clameur poussée par quelqu'un pour attirer l'attention sur le coupable d'un forfait. Les arrestations silencieuses étaient le contraire de la clameur de haro, et indiquaient qu'il convenait de se taire jusqu'à ce que certaines obscurités fussent éclaircies (HUGO, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 176). Et dites-moi si, à le voir ainsi, on aimerait l'attaquer de face, au grand jour, devant tout le monde, et si on aurait le toupet de résister à la clameur de haro? (GIONO, Noé, 1947, p. 128).
Au fig. Manifestation bruyante d'hostilité contre quelqu'un. Il se fit une clameur de haro sur l'orgueil du négociant; son affectation à ne voir personne (...) fut alors remarquée et attribuée à un mépris dont se vengea le Havre en mettant en question cette soudaine fortune (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 241).
B. — Littéraire
1. [En discours dir. ou rapporté]; s'emploie à l'adresse de qqn (de qqc.) pour le désigner à la réprobation générale. La sensibilité (...) perçoit seule les qualités (...). Donc, haro sur l'intelligence! (L. DAUDET, Dev. douleur, 1931, p. 220). Il y a une phrase intéressante sur l'Amérique, disant que si ce pays avait déclaré la guerre à l'Allemagne, même en janvier 1940, cela aurait créé « de sérieuses difficultés », mais puisque la chose ne s'était pas produite, en avant! et haro sur la France! (GREEN, Journal, 1940, p. 46) :
... il avale un dernier petit verre, et il flanque ses sous à la figure du bistroquet, et c'est lui qui se fout par terre, nom de Dieu!... Il n'y a pas de justice... « Mort aux vaches! Mort aux bourgeois!... Taïaut! sus! haro!... Pille!... pille!... à nous les poules de luxe et les stars des capitalistes! (...) »
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 195.
2. Emplois délocutifs
Crier haro (sur qqn ou qqc.). Désigner quelqu'un (quelque chose) à la réprobation générale en le faisant passer pour coupable. Anton. louer, acclamer. Dès qu'il eut parlé, tout le monde cria haro sur lui (Ac.). Sur la question prohibitive, ils ont eux-mêmes commencé l'attaque; ils ont crié haro sur le monopole (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 2, 1846, p. 2). Elle ne pouvait plus rentrer à Herlem. On criait haro! Elle supportait le poids de toutes les fautes des autres (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 450).
Crier haro sur le baudet. [P. allus. à LA FONTAINE, Fables, VII, 1 : À ces mots, on cria haro sur le baudet]
Haro sur le baudet. [S'emploie pour attirer l'attention sur quelqu'un qu'on veut rendre responsable d'une faute, alors qu'il est innocent] Par terre tout est insurgé; par mer les Anglais me guettent; si je réussis, qui m'en saura gré? si j'échoue, haro sur le baudet (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1806, p. 713).
II. — Subst. masc. Expression ou manifestation d'indignation, de réprobation (envers quelqu'un/quelque chose qu'on désigne comme responsable). Affronter le haro. Un haro général s'élève contre lui : Il a, le malheureux, mangé l'herbe d'autrui! (PONSARD, Honn. et argent, 1853, I, 3, p. 19). Ce haro sur l'universel a été poussé dans une heureuse formule dont on croit pouvoir dire qu'elle serait homologuée par maint écrivain moderne (BENDA, Fr. byz., 1945, p. 68).
Prononc. et Orth. : [] init. asp. ,,Clameur de haro, et non d'haro`` (FÉR. 1768). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 haro! interj. exprimant la détresse, l'appel au secours (M. DE FRANCE, Fables, éd. K. Warnke, XV, 33); 2. 1529 crier haro sur « soulever l'indignation contre quelqu'un » (MAROT, Epîtres, Aux dames de Paris ds QUEM. DDL t. 7). Dér. en -o de hare, « cri par lequel les sergents marquent le moment où la foire se termine, ou la mise en vente de telle ou telle denrée » (1204, Cart. de Pontigny ds GDF.); « cri pour exciter les chiens » (1377, GACE DE LA BUIGNE, Roman des Deduis, éd. A. Blomqvist, 8583), lequel est issu de l'a. b. frq. hara « ici, de ce côté » (cf. a. h. all. hera « id. », m. néerl. hare « id. », all. her « id. »). Fréq. abs. littér. : 29. Bbg. ESPE (H.). Die Interjektionen im altfranzösischen. Berlin, 1908, pp. 41-42. - FOULET (L.). Sur F. Villon, notes et discussions. Romania. 1944, t. 68, pp. 43-151. - LEVY (R.). Contribution à la lexicogr. fr... Syracuse, 1960, 659 p. - SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 2.

haro ['aʀo] interj. et n. m.
ÉTYM. XIIIe; harou, v. 1180; de hare.
1 (V. 1180). Dr. anc. Cri d'appel à l'aide, poussé par la victime d'un flagrant délit, et qui rendait obligatoires l'intervention des auditeurs et l'arrestation du coupable.Clameur de haro, haro, formule juridique qui donnait à chacun « le droit de s'ériger en officier de justice, d'arrêter le coupable (…) de contraindre les voisins à prêter main-forte » (Glasson, in Grande encyclopédie). → Arrestation, cit. 2.
1 La clameur de haro (…) donnait (à la victime de violences) le moyen d'arrêter par lui-même les entreprises injustes dirigées contre ses biens (…) en cas de simple trouble, une fois le haro lancé, l'auteur du trouble devait immédiatement s'arrêter (…) Toutefois, dès que le haro avait été clamé, le défendeur avait comme le demandeur le droit d'exiger qu'on allât tout de suite devant la justice (…)
E. Glasson, in Grande encycl. (Berthelot), art. Haro.
tableau Principales interjections.
2 Loc. (1529, in D. D. L.). Crier haro sur qqn, dénoncer à l'indignation de tous, s'élever violemment contre. || « On cria (cit. 18) haro sur le baudet » (La Fontaine; parfois repris; → ci-dessous cit. 3.1).Fig. || Crier haro sur qqch., le condamner, le flétrir publiquement.
2 Dans la plus grande fureur des décrets et de la persécution, les Genevois s'étaient particulièrement signalés en criant haro de toute leur force (…)
Rousseau, les Confessions, XII.
3 (…) il est bon de hausser la voix et de crier haro sur la bêtise contemporaine (…)
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1859, I.
3.1 Alors pourquoi quand nous, tout à l'heure… quand nous nous sommes permis… mais permis quoi ?… vraiment rien, moins que rien… pas même la largeur de notre langue… pourquoi aussitôt haro sur les baudets ?…
N. Sarraute, Vous les entendez ?, p. 75.
N. B. La « largeur de la langue » est aussi une allusion à la fable de La Fontaine.
3 N. m. (V. 1360). Rare. || Le haro, un haro : cri public d'indignation. Tollé.
4 Ces mots, à peine dits, causèrent un haro
Qui du prochain couvent ébranla le carreau.
A. de Musset, Premières poésies, Don Paëz, II.

Encyclopédie Universelle. 2012.