éveillé, ée [ eveje ] adj.
• avoillez XIIIe; de éveiller
1 ♦ Qui ne dort pas. « Cet affreux tourment-là me tint éveillé jusqu'au matin » (A. Daudet).
♢ Par ext. Que l'on a sans dormir. Un rêve, un songe éveillé.
2 ♦ Plein de vie, de vivacité. Un enfant éveillé. ⇒ déluré; dégourdi, espiègle, gai, malicieux, vif. « C'était un garçon bruyant, blême, leste, éveillé » (Hugo). Éveillé à qqch. : ouvert à qqch. Par ext. Un esprit éveillé. ⇒ ouvert, vif. Avoir l'œil, le regard éveillé. « Un joli groom à l'œil éveillé et mutin » (Ponson du Terrail). Avoir l'air éveillé. ⇒ futé, intelligent; fripon, mutin. Un minois, un visage éveillé.
⊗ CONTR. Endormi, somnolent. Abruti, indolent, lourd, 1. mou, pesant, sot.
éveillé, ée
adj.
d1./d Qui ne dort pas. Rester éveillé.
|| Un rêve éveillé, fait sans dormir.
d2./d Plein de vivacité. Esprit éveillé.
⇒ÉVEILLÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.— Part. passé de éveiller.
II.— Emploi adj.
A.— Qui ne dort pas. Cette fois l'illusion ou plutôt la réalité dépassait tout ce que Valentine avait éprouvé jusque-là; elle commença à se croire bien éveillée et bien vivante (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 557). Il fut bien forcé de s'avouer qu'il ne rêvait pas, qu'il était, au contraire, très éveillé, et que rien n'était plus réel que tout ce qui lui advenait avec la rapidité d'un coup de foudre (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 270). J'ai une invitation ce soir, j'aurais besoin d'être éveillé, dispos, gai : et (...) je sens mes paupières tomber, mes genoux las, je bâille et voudrais m'aller coucher (AMIEL, Journal, 1866, p. 121).
B.— P. ext. Que l'on a, que l'on vit en état d'éveil. Songe éveillé. La vie d'un homme organisé poétiquement se divise en deux séries de sensations (...) l'une qui résulte des illusions de la vie éveillée, l'autre qui se forme des illusions du sommeil (NODIER, Smarra, 1821, p. 12). D'ailleurs, à côté de ces souvenirs normalement endormis, il en est d'éveillés et d'agissants (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 120) :
• 1. Je pris en dégoût les cérémonies, j'adorai les foules; j'en ai vu de toute sorte mais je n'ai retrouvé cette nudité, cette présence sans recul de chacun à tous, ce rêve éveillé, cette conscience obscure du danger d'être homme qu'en 1940, dans le stalag XII D
SARTRE, Mots, 1964, p. 99.
C.— Plein de vie, de vivacité. (Quasi-)synon. alerte.
1. [En parlant d'une pers.] C'était un garçon bruyant, blême, leste, éveillé, goguenard, à l'air vivace et maladif (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 709). Un jeune homme pauvre, très éveillé et de jolie figure (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1906, p. 304) :
• 2. Confortablement installée dans mon rôle d'aînée, je ne me targuais d'aucune autre supériorité que celle que me donnait mon âge; je jugeais Poupette très éveillée pour le sien; je la tenais pour ce qu'elle était : une semblable un peu plus jeune que moi...
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 45.
— [En parlant d'un ensemble de pers.] :
• 3. Son métier, en l'obligeant à parler plusieurs heures par jour devant un auditoire très éveillé, le maintenait dans un entraînement qui a pris fin d'un coup.
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 109.
— Avoir l'air, la mine éveillé(e). Mme Ligneul avait l'air éveillé et pourtant naïf (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 71). V. dessalé, ée ex.
— Éveillé à. Ouvert à :
• 4. ... la grande fille, éveillée peu à peu à la raison, n'osait encore intervenir dans ces conversations entre son père et mademoiselle Mazeline...
ZOLA, Romanc. natur., Vérité, 1902, p. 11.
2. En partic.
a) [En parlant des facultés, de traits de caractère d'une pers.] En éveil. Être d'une intelligence éveillée. [La nuit] c'est là que, seule et éveillée, la pensée plane à l'aise entre la terre et le ciel (FLAUB., Corresp., 1846, p. 361). Un grand nombre de ces êtres donnaient l'impression d'avoir un esprit éveillé, et comme intelligent (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 837) :
• 5. Il était sur ce point facile à influencer, et sa méfiance naturelle, qui était grande et toujours éveillée, ne désarmait qu'à l'endroit des sinistres sornettes dont les uns avec conviction, les autres pour se jouer de lui, l'entretenaient.
VALÉRY, Variété II, 1929, p. 219.
b) [En parlant du corps, d'une partie du corps, du regard] Qui donne l'impression d'être plein de vivacité. Un regard, un visage éveillé. Un joli groom à l'œil éveillé et mutin, au visage rose et frais (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 394). C'était une frêle petite bretonne, au visage éveillé et un peu garçonnier, sous des cheveux coupés très court (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 260) :
• 6. Il était à demi couché, le front sur ses bras pliés; je l'aime toujours mieux, quand il cache son visage. Non qu'il soit laid, mais au-dessus du corps précis, éveillé, expressif, les traits du visage somnolent un peu.
COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 30.
3. P. ext. Actif. En dehors des volailles et produits laitiers, dont les arrivages ont été faibles, le marché était fort éveillé (L'Œuvre, 15 juill. 1941) :
• 7. Est-ce qu'on n'arriverait pas à pourvoir à la défense (...) sans considérer la mort des exécutants comme un prix fait pour le résultat? Je conçois quelquefois une défensive éveillée, clairvoyante, industrielle en quelque sorte, et qui userait froidement la fureur offensive.
ALAIN, Propos, 1935, p. 1256.
Rem. On rencontre ds la docum. l'emploi subst. fém. éveillée. Éveil. Que d'illusions alors, que de croyances! Quel joyeux ramage dans les feuilles, sur sa tête; en elle, quelle éveillée de sensations tendres et nouvelles! (A. DAUDET, N. Roumestan, 1881, p. 287). La turbulente éveillée d'un pensionnat (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., 7, p. 171). « Je me suis endormi (...) À l'ombre sous un thym, Mais à mon éveillée (...) Le thym était fleuri » (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 280),
Encyclopédie Universelle. 2012.