envahissement [ ɑ̃vaismɑ̃ ] n. m.
1 ♦ Action d'envahir; son résultat. Envahissement d'un pays par une armée (⇒ invasion, occupation) . « La politique d'envahissement en effet suppose la cupidité aussi bien que l'ambition » (Fustel de Coulanges).
2 ♦ (1560) Fait d'envahir (2o ou 3o). ⇒ débordement, irruption, prolifération. Le chemin « s'était réduit, par l'envahissement de la mousse et des végétations parasites, à un étroit sentier blanc » (Gautier). Envahissement de la publicité.
3 ♦ Fig. Irruption excessive, totale, constituant une atteinte. ⇒ emprise. Lutter contre l'envahissement de l'ennui. Son caractère le garde « contre les envahissements de la fatuité » (Péguy).
⊗ CONTR. Libération. 1. Départ, fuite, 2. retrait.
● envahissement nom masculin Action d'envahir un lieu, de s'y répandre, de l'occuper entièrement : L'envahissement des plages par les touristes. Usurpation progressive, empiétement : Les envahissements du pouvoir. ● envahissement (synonymes) nom masculin Action d'envahir un lieu, de s'y répandre, de l'occuper entièrement
Synonymes :
- conquête
- invasion
Usurpation progressive, empiétement
Synonymes :
- débordement
- empiétement
envahissement
n. m. Action, fait d'envahir; état d'une région envahie.
— Fig. L'envahissement de nos villes par l'automobile.
⇒ENVAHISSEMENT, subst. masc.
A.— Action d'envahir (un lieu, une propriété) par force ou par fraude; son résultat.
1. [Avec l'idée d'occupation matérielle]
a) Action d'envahir (un lieu, un territoire) par force armée. (Quasi-)synon. assaut, conquête, invasion, occupation. Dans les guerres de conquête ou d'envahissement ou pour des prétentions bien ou mal fondées, il y a toujours injustice d'un côté (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 96). La fin du règne de Louis VII se passa à (...) défendre les provinces du Midi contre l'envahissement anglo-normand (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 62). Goiran, en verve de prophétie, prédit pour le XXIe siècle l'envahissement de l'Europe par les Jaunes, et l'avenir de la race blanche réduit au seul continent américain (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 926).
Rem. La docum. atteste envahition, subst. fém. Seigneur, Vierge Marie! s'écriait Françoise, ça ne leur suffit pas d'avoir conquéri la pauvre Belgique. Elle a assez souffert, celle-là, au moment de son envahition (PROUST, Temps retr., 1922, p. 842).
b) [L'agent désigne un groupe de pers. ayant la force du nombre] Action de forcer (une propriété) pour la saccager ou pour s'en rendre maître. Le major Bouroche, voulant éviter l'envahissement du jardin et de l'ambulance, avait eu la précaution de faire placer deux factionnaires à la porte (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 382). C'est l'envahissement de toute la maison, le vacarme le plus brutal, puis le silence des soldats exténués (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 296).
c) P. anal. [L'agent désigne un micro-organisme pathogène] Action d'envahir (l'organisme). L'envahissement des tissus par les microbes (CARREL, L'Homme, 1935, p. 312).
2. Vieilli. Usurpation (d'un bien). L'usure fédérale ou envahissement de moitié du territoire (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830, p. 81).
— P. anal., mod. Expansion abusive. Cependant l'instinct pousse le commerce à l'envahissement; c'est un lionceau qui grandit et essaie ses forces (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830 p. 16). Un envahissement (...) de zones, où, pour que la théorie accoutumée du commerce extérieur soit saine et sauve, devrait régner la concurrence est le fait de l'oligopole (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 58).
B.— P. ext. [Avec l'idée dominante de quantité] Action de se répandre dans ou sur (un lieu). (Quasi-)synon. assaut, débordement, déferlement, empiétement.
1. [En parlant d'une multitude hum., sans idée de force ou de fraude] Ces nefs immenses se sont trouvées trop étroites pour l'envahissement de la foule (MICHELET, Introd. Hist. univ., 1831, p. 423). C'est l'inoubliable envahissement des gares, l'exode (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1914-17, p. 106). La vie moderne avec l'industrie, les villes et l'envahissement cosmopolite (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 87) :
• 1. De tous les gargots, des bandes d'ouvriers sortaient; des gaillards barbus se poussaient d'une claque, jouaient comme des gamins, avec le tapage de leurs gros souliers ferrés, écorchant le pavé dans une glissade; d'autres, les deux mains au fond de leurs poches, fumaient d'un air réfléchi, les yeux au soleil, les paupières clignotantes. C'était un envahissement du trottoir, de la chaussée, des ruisseaux, un flot paresseux coulant des portes ouvertes, s'arrêtant au milieu des voitures...
ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 409.
2. [En parlant d'une multitude animale] C'est un envahissement d'êtres muets et quasi insoupçonnés : car les anguilles ne progressent que la nuit (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 64). Comment empêcher l'envahissement des blattes — ou cancrelats — ou cafards? (GIDE, Journal, 1938, p. 1296).
3. [En parlant d'une chose naturelle] Les envahissements de la mer sur les terres (Ac. 1835-1932). Sur cette plaine horizontale l'envahissement des eaux devait être rapide (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 210). Pour le sol, regarde l'envahissement de la matière végétale (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 191). On peut combattre efficacement l'envahissement par la vase des bassins et des chenaux (M. BENOIST, PETTIER, Transp. mar., 1961, p. 178).
— P. anal. Ils connaissaient la brièveté du crépuscule sous cette latitude déjà élevée, et combien se fait vite cet envahissement de la nuit (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 99). L'éphémère envahissement de la couleur, succédant à l'incolore domination du soleil (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 96). Une lampe dans l'envahissement de l'aurore (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 639).
♦ [Le corps étant considéré comme un lieu] C'était, à fleur de peau, mille chatouillements de graisse naissante, un lent envahissement de l'être entier (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 695). Ce venin amer dans la bouche, dont l'envahissement semblait donner aux joues la jaunisse quand il était en colère (PROUST, Prisonn., 1922, p. 221). Quand les massages ne suffisent plus à réprimer l'envahissement de la graisse (CARREL, L'Homme, 1935 p. 212).
C.— Au fig.
1. [L'objet envahi est la pers.]
a) [Au physique] Atteinte globale (du corps ou d'une partie du corps). La mort serait (...) une chose douce (...) assez semblable à la prise de possession, à l'envahissement d'un corps par les anesthésiques, la morphine, le chloral (GONCOURT, Journal, 1885, p. 445). L'envahissement progressif de la sclérose (NOCARD, LECLAINCHE, Mal. microb. animaux, 1896, p. 802). J'étais seul dans cette grande chambre, seul avec elle, assistant au solennel envahissement de la mort (GIDE, Si le grain, 1924, p. 611).
b) [Au moral] Emprise totale sur (les sentiments, les facultés de quelqu'un). Elle restait écrasée sous l'envahissement brutal des pensées de vengeance qui chassaient toute la bonté de sa vie (ZOLA, Th. Raquin, 1867, p. 180). Laure avait assisté à ce déclin d'un être, à cet envahissement de l'intelligence par le désordre et la mort (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 491) :
• 2. Et c'est vrai que cette sorte de courage vous a des apparences de péché. Elle n'est pas qu'une forme de la curiosité de la vie, comme le goût du sacrifice n'est qu'une forme de la prodigalité de la vie; elle est l'envahissement de tout l'être par la tentation d'un acte...
MONTHERLANT, Le Songe, 1922, p. 77.
2. [L'objet envahi est un domaine hum.] Empiètement. La paix de Westphalie ayant fixé les droits des différentes religions, elles ne craignent plus leurs envahissements mutuels (STAËL, Allemagne, t. 5, 1810, p. 63). L'envahissement de la philosophie profane dans la théologie (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. XVIII).
3. En partic.
a) Importance exagérée, abusive d'une chose. L'envahissement de la finance, qui n'est autre chose que l'égoïsme solidifié (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 393). À défaut du bas peuple, il reste assez de bouches françaises pour que l'envahissement de l'argot ne puisse, de longtemps, être considéré comme un danger (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 119). En 1857 (...), Renan parle déjà de « l'envahissement du monde par l'immoralité, le charlatanisme et le léger » (GIDE, Journal, 1948, p. 321).
b) Atteinte morale. La folle manie d'administrer tout, de centraliser tout, qui, de nos jours, s'est emparée de certains gouvernements, est, de leur part, un envahissement des seules vraies libertés des peuples, et peut-être, à la longue, la plus dure des tyrannies (LAMENNAIS, Religion, 1825, p. 69). Un murmure étouffé de commérage et de complot, où il ne saisissait que des mots épars, des ordres donnés, des mesures prises, un envahissement de sa libre personnalité (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 99).
c) Atteinte de (l'intimité.) (Quasi-)synon. intrusion, invasion. Les envahissements de la familiarité française (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 293). Ces deux ou trois journées d'envahissement du domicile par les « fournisseurs spéciaux » (LARBAUD, Journal, 1935, p. 348).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694 puis 1798-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 envaissement « attaque » (JORDAN FANTOSME, Chroniques, 659 ds GDF. Compl.); 2. 1560 envahissement « action d'envahir » (ds FEW t. 4, p. 786b); 1694 (Ac.). Dér. du rad. du part. prés. de envahir; suff. -(e)ment1. Fréq. abs. littér. :XIXe s. : a) 343, b) 460; XXe s. : a) 381, b) 233. Bbg. GOHIN 1903, p. 313. — MATORÉ (G.). Proust linguiste. In :[Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 1, p. 290.
envahissement [ɑ̃vaismɑ̃] n. m.
ÉTYM. V. 1180, envaissement, repris au XVIIIe; de envahir.
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1 Action d'envahir; résultat de cette action. || L'envahissement d'une province par une armée (⇒ Descente, invasion). || L'envahissement du pays a été suivi par son occupation. || Napoléon avait des projets d'envahissement de l'Angleterre. || Préparatifs d'envahissement.
1 La politique d'envahissement en effet suppose la cupidité aussi bien que l'ambition.
Fustel de Coulanges, Questions contemporaines, p. 64.
2 (1560). Fait d'envahir (I., 2. et 3.). ⇒ Débordement, irruption. || L'envahissement du cinéma, de la salle de théâtre, du stade par la foule. || L'envahissement d'un verger par les mauvaises herbes.
2 (…) s'il était possible de déterminer le temps où ces glaces ont commencé de s'établir sur le point du pôle, et ensuite le temps de la progression successive de leur envahissement jusqu'à deux cents lieues (…)
Buffon, Époques de la nature, t. IX, in Œ., VI.
3 Le chemin qui menait de la route à l'habitation s'était réduit, par l'envahissement de la mousse et des végétations parasites, à un étroit sentier blanc semblable à un galon terni sur un manteau râpé.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, t. I, p. 2.
4 L'envahissement des vaisseaux lymphatiques peut également être réalisé par des maladies internes de nature différente : tuberculeuse, syphilitique, cancéreuse, etc.
P. Vallery-Radot, Notre corps…, p. 59.
3 Fig. Intrusion excessive, totale, constituant une atteinte. ⇒ Invasion. || Lutter contre l'envahissement de l'ennui. — Les envahissements du pouvoir. ⇒ Empiétement.
5 Il sentait un envahissement de lui-même encore inconnu, et il s'y abandonnait avec son irréflexion d'enfant.
Loti, Matelot, XXXIV, p. 134.
6 (…) son caractère aussi le garde (…) contre les envahissements de la fatuité (…)
Ch. Péguy, la République…, p. 115.
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CONTR. Libération. — Départ, fuite, retrait.
Encyclopédie Universelle. 2012.