écrasé, ée [ ekraze ] adj.
• 1690; de écraser
♦ Très aplati, court et ramassé. Un nez écrasé. ⇒ épaté; camard. « Nos porches ignobles et écrasés que nous appelons des portiques » (Chateaubriand). — Loc. fam. La rubrique des chiens écrasés : les faits divers sans intérêt, dans un journal. Ellipt Journaliste qui fait les chiens écrasés.
● écrasé nom masculin Défaut se produisant au calandrage du papier, visible sous forme de zones plus translucides, de trous, ou encore de plombé.
⇒ÉCRASÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst.
I.— Part. passé de écraser.
II.— Emploi adj.
A.— Broyé sous l'effet d'un choc violent.
1. [En parlant d'une substance]
♦ Fraise écrasée. Couleur rose violacée :
• 1. [Renoir] s'amuse à assembler le rose turc, la fraise écrasée, le citron, le vert acide; il les noue et les dénoue, en longs filaments, en écheveaux mariés et dissociés.
MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme, 1904, pp. 112-113.
— PEAUSS. Maroquin écrasé. Un truité ressemblant au chagrin écrasé des étuis de galuchat de nos grand' mères (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, 1881, p. 212).
2. [En parlant d'une pers., d'un animal] Qui a été blessé ou tué par une voiture qui l'a renversé. Il est mort écrasé.
— Fam. La rubrique des chiens écrasés et, p. ell., les chiens écrasés. La rubrique des faits divers dans un journal. J'ai débuté [dans le journalisme] aux chiens écrasés, aux interviews de stars en graine (ARNOUX, Paris, 1939, p. 40).
B.— Aplati, déformé comme sous l'effet d'un choc.
1. [En parlant de la face, d'une partie du visage] Nez écrasé. L'orpheline avait le teint jaune et le masque écrasé des filles qu'on oublie sous les portes (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 142) :
• 2. ... de larges pommettes saillantes; un nez très peu important, parfois même aplati ou en pied de marmite; un menton écrasé lui aussi et tout en largeur; chez les hommes, une moustache menue.
ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1932, p. 278.
2. [En parlant d'une forme, des proportions d'un ensemble] Dôme, voûte écrasé(e); un panier de forme écrasée. Toutes deux (...) se haussaient curieusement examinant chaque chose, le plafond bas, (...) les colonnes écrasées, reliées par des pleins cintres (ZOLA, Page amour, 1878, p. 916). Autant cette place du Saint-Sépulcre, constamment ouvert à tous, est étroite, écrasée et sombre, autant il y a d'espace, de vide et de silence, là-bas, autour de la mosquée bleue (LOTI, Jérusalem, 1895, p. 208) :
• 3. ... je baisais la pierre froide où s'était accoudée Vanessa, je revenais par les rues noires de la banlieue, entre les silhouettes basses des maisons blanches écrasées près de leurs ifs et de leurs cyprès dressés...
GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 58.
♦ Taille écrasée. ,,Taille trop courte et engoncée`` (Ac. 1835-1932).
— TYPOGR. Lettre écrasée. Égyptiennes écrasées (CARABELLI, [Lang. typogr.]).
3. [En parlant d'une sonorité] Sa voix était rauque, écrasée (GENEVOIX, Mains vides, 1928, p. 157). On entendait un appel, une plainte écrasée, on sentait une douleur véritable (CHARDONNE, Dest. sent., I, 1934, p. 251). Certains trompettes remuent même leur instrument d'un geste sec pour obtenir une sorte de vibrato écrasé (PANASSIÉ, Jazz hot, 1934, p. 80).
C.— Au fig.
1. [En parlant d'une pers., de ce qui lui est propre]
a) [Physiquement] Rendu pesant, lourd (par la fatigue). Jean Bussant, se penchant vers la route, vit ceci : Trois hommes qui avancent à la file, d'une allure écrasée, mécanique, affreusement lasse (ESTAUNIÉ, Sil. camp., 1925, p. 89). Dans le lit voisin, au lourd acajou enrobé de rideaux, M. Méridier dormait du sommeil écrasé des nerveux (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 202) :
• 4. « Vous n'imaginez pas, dit le Marquis [à Angelo], la séduction que peuvent exercer sur cette femme, sur moi-même et sur toute la maison, la boue ou la poussière des routes et cet air écrasé que les grands voyageurs conservent dans le pliement de leur échine jusque dans le repos complet. »
GIONO, Angelo, 1958, p. 211.
b) Moralement ou intellectuellement abattu. Tout ce qui s'amassait en lui [Pierre] de colères impuissantes, de rancunes écrasées (...) lui montant à la tête, l'étourdit comme un coup de sang (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p. 400). Ce n'était plus la détresse de la veille, écrasée et sans espérance, l'accablement de l'irrémédiable (BOURGET, Drame, 1921, p. 288) :
• 5. Si j'avais (à Dieu ne plaise!) vingt ans de moins, je serais sans doute assez fou pour essayer de prouver que cela n'était pas le repos, que vous appeliez repos la révolte silencieuse d'une pauvre petite âme écrasée.
BERNANOS, Dialogues d'ombres, 1928, p. 43.
2. [En parlant d'un groupe de pers., d'une communauté hum.] Oui, je l'affirme! La France, blessée, écrasée, humiliée, a repris sa marche en avant (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 596) :
• 6. L'ouvrier, qui n'était plus la bête de somme écrasée, méprisée, redevenait une conscience, une intelligence, désormais libre et glorieux...
ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 221.
III.— Emploi subst.
A.— Subst. masc. et fém.
1. Personne blessée ou morte pour avoir été renversée par une automobile :
• 7. À Sherman Square, impressionné par un monument commémoratif aux écrasés de New-York, (821 morts dans les huit premiers mois de 1929), je ne traverse plus la chaussée qu'avec précaution.
MORAND, New-York, 1930, p. 252.
2. Personne abattue, accablée physiquement ou moralement. M. Montalivet a de moins que tous les autres le grand ridicule de jouer l'écrasé d'affaires (STENDHAL, Journal, 1809-11, p. 194). C'était comme une rumeur infinie de toutes les voix dolentes des écrasés de tous les âges (BLOY, Désesp., 1886, p. 140).
B.— Emploi subst. masc., avec valeur de neutre, dans le domaine artistique. Aspect écrasé. Rien de gris, d'encroûté comme disent ces Messieurs; rien de cet écrasé de la pierre qui plaît tant à voir (SAINTE-BEUVE, Corresp., t. 1, 1818-69, p. 152). Son fondu [de Vermeer] n'est pas le fondu sentimental de Hooch, lié à l'apparence et à la profondeur; mais souvent une sorte d'« écrasé » qui semble répondre à une autre partie du tableau (MALRAUX, Voix sil., 1951, p. 474).
C.— Emploi subst. fém. Effondrement survenant au-dessus d'une ancienne fouille non boisée ou non remplie. Ce phénomène a reçu des noms divers, tels que ceux d'éboulement, effondrement, tombée, écrasée, foudroyage (HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Exploitation mines, 1905, p. 40).
Encyclopédie Universelle. 2012.