dépourvu, ue [ depurvy ] adj.
• desporveu 1190; de dé- et pourvu; dépourvoir (vx), 1530
1 ♦ DÉPOURVU DE : qui n'a pas de. ⇒ sans. Fleur dépourvue de corolle. Dépourvu d'ornement. ⇒ 1. nu. Dépourvu de qualités. ⇒ dénué. Une personne non dépourvue de charme. Elle n'est pas dépourvue de talent. Dépourvu d'argent, de ressources, ou absolt dépourvu, démuni. Acte dépourvu de méchanceté. ⇒ exempt, pur. — ÊTRE DÉPOURVU DE...⇒ manquer (de). Ceux qui ont des diplômes et ceux qui en sont dépourvus. Absolt, vx Être dépourvu, dans le besoin. La cigale « Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue » (La Fontaine).
2 ♦ Loc. adv. (1559) AU DÉPOURVU. Vx Dans un moment où l'on manque des ressources nécessaires. — Mod. Prendre qqn au dépourvu, sans qu'il soit préparé, averti (cf. À l'improviste, de court). Sa repartie m'a prise au dépourvu. « Il me fera peut-être, au dépourvu, des questions scabreuses » (Rousseau).
⊗ CONTR. Doté, muni, nanti.
● dépourvu nom masculin Prendre, saisir quelqu'un au dépourvu, le mettre dans l'embarras à un moment où il n'est pas prêt à répondre à une demande ; à l'improviste. ● dépourvu (expressions) nom masculin Prendre, saisir quelqu'un au dépourvu, le mettre dans l'embarras à un moment où il n'est pas prêt à répondre à une demande ; à l'improviste.
dépourvu, ue
adj.
d1./d Qui a perdu ce dont il était pourvu; qui manque du nécessaire. "La cigale se trouva fort dépourvue" (La Fontaine).
|| Dépourvu de: dénué, privé de. Un jardin dépourvu de fleurs. être dépourvu de bon sens. Ant. doté, muni, pourvu.
d2./d Loc. adv. Au dépourvu: à l'improviste, sans préparation. Il m'a pris au dépourvu.
⇒DÉPOURVU, UE, part. passé, adj. et subst.
I.— Part. passé de dépourvoir.
II.— Emploi adj.
A.— Domaine concr. et domaine intellectuel
1. [Constr. avec de] Qui n'a pas, ne possède pas (un attribut possible, une caractéristique). Plantes dépourvues de chlorophylle; corsage dépourvu de dentelles. (Quasi-) synon. sans; anton. pourvu (de). Terrains vagues, souvent dépourvus de palissades (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 67). Liaisons (...) dépourvues de lendemains (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 200) :
• 1. Les façades occidentales des églises romanes étaient originairement dépourvues de tours.
A. LENOIR, L'Archit. monastique, 1956, p. 61.
SYNT. Fleurs dépourvues de corolle; cheminée dépourvue d'ornements; talons dépourvus d'éperons; paysage, région, îlot dépourvu de pierres, d'ombrage, de végétation; une espèce humaine dépourvue d'histoire.
— Spéc. [En parlant d'obj. de fabrication hum.] Qui n'est pas équipé (de). Appartement dépourvu du chauffage central; maisons dépourvues d'électricité, de provisions, de réserves, de caves. Anton. équipé (de), doté (de). Même dépourvues de prétention artistique, les maisons les plus ordinaires (...) durent contribuer à une physionomie d'ensemble (HOURTICQ, Hist. Art, Fr., 1914, p. 385).
— P. ext. Qui manque (d'une possession normale, des attributs habituels...). Adulte dépourvu de ressources; personne dépourvue de dents; ouvrier dépourvu d'outils. Le plus grand nombre des hommes en est dépourvu [d'imagination] (DELACROIX, Journal, 1857, p. 44). La crête la plus haute, la plus dépourvue de chemins (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 270) :
• 2. — Mon vieux Templerot! s'exclamait cet homme disert, soudain dépourvu de mots.
— Sacré Jacques! répondait le curé...
H. BAZIN, Vipère au poing, 1948, p. 149.
SYNT. Pays dépourvu de marine de guerre; monde disloqué et dépourvu d'orientation; êtres dépourvus de la beauté physique, privés de ressources et dépourvus de domicile.
2. Emploi abs. [En parlant d'une pers., de la vie, etc.] Démuni, sans ressources. Une vie toute dépourvue; adolescents dépourvus et sans avenir; le plus dépourvu des hommes; pauvre et dépourvu. Anton. nanti. Deux sœurs (...) fort dépourvues (...) [et non] mariées (A. FRANCE, Génie lat., 1909, p. 40) :
• 3. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l'étaient nos concitoyens, et c'est ainsi qu'il faut comprendre ses hésitations...
CAMUS, La Peste, 1947, p. 49.
B.— [Avec un jugement de valeur; en parlant du comportement, des sentiments ou de l'activité hum.] Privé, dénué (d'un élément utile, agréable...). Phrases, paroles dépourvues de sens; livre dépourvu d'intérêt; séjour dépourvu de charmes. Cette génération finira mal. Elle est entièrement dépourvue d'enthousiasme (MÉRIMÉE, Lettre inconnue, 1870, p. 143). La plus jolie servante du monde était dépourvue d'attraits (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 214) :
• 4. ... les marionnettes ne se mouvaient que péniblement, avec des gestes ébauchés, dépourvus de netteté et de coupant...
ARNOUX, Zulma l'infidèle, 1960, p. 245.
SYNT. Personne dépourvue d'amour-propre, de bonhomie, de cordialité, de dignité, de toute délicatesse, d'humanité, de scrupules; âme dépourvue d'ambition, de charité, de douceur, d'espérance, d'idéal, d'indulgence, de moralité, de tendresse; adulte dépourvu d'expérience, d'instruction, d'intelligence, de principes, de sagesse; jugement, rapprochement, raisonnement dépourvu de fondement, de justesse, de logique, de nuances; désignation, expression dépourvue d'intérêt scientifique, de signification; réponse dépourvue d'aménité.
— [Constr. négative] N'être pas dépourvu de... Posséder (tel caractère). Esprit non dépourvu de finesse, de sens critique pratique ou moral, d'intérêt. Un jeune rabbin, qui n'était dépourvu ni d'ingéniosité, ni d'orgueil, ni d'un certain talent littéraire (THARAUD, Pte hist. Juifs, 1928, p. 119). Les grands n'étaient pas toujours dépourvus d'âme et le peuple avait beaucoup d'esprit (CHARDONNE, Bonh. Barbezieux, 1938, p. 12) :
• 5. ... il [Sully Prudhomme] se mêlait difficilement, et resta toujours isolé, bien qu'ayant collaboré aux divers Parnasses dont le premier contient son chef-d'œuvre peut-être, les Écuries d'Augias, où le poète si correct prouva magistralement qu'il n'était dépourvu ni de chaleur ni de couleur.
VERLAINE, Œuvres complètes, t. 4, Les Mémoires d'un veuf, 1886, p. 265.
SYNT. Personne non dépourvue d'agréments, d'attentions, d'attraits, de brillant, de charmes, de curiosité, de désirs, de desseins, d'imagination, de mémoire, de motifs, de qualités, de raison, de séduction, de sensibilité, de talents, de valeur.
III.— Emploi subst. Au dépourvu, loc. adv.
A.— Vx. [Avec des verbes d'état être, se trouver...] À un moment où l'on manque du nécessaire. (Quasi-)synon. à court ou de court. Le ménage Bélisaire se trouvait lui aussi tout à fait au dépourvu par suite de ses frais de noces et d'installation (A. DAUDET, Jack, t. 2, 1876, p. 336) :
• 6. Me voilà en face d'un avenir qui n'offre rien de solide, et presque au dépourvu dans le présent, car la maladie de mon ermite, la perte de mon temps, les remèdes (...) ont fort entamé ma réserve...
SAND, Monsieur Sylvestre, 1866, p. 127.
B.— Mod. [Avec les verbes d'état, les verbes prendre, saisir, et des verbes désignant un phénomène] Sans que l'on soit en mesure de réagir, de résoudre la difficulté, etc. Prendre, saisir qqn au dépourvu. Surprendre. Prendre la prudence de qqn au dépourvu; cette visite, cette proposition le prend au dépourvu. (Quasi-)synon. à l'improviste, inopinément. L'argent dont il pouvait avoir besoin pour ce voyage qui le prenait au dépourvu (BALZAC, Béatrix, 1839-45, p. 107). Labarthe (...) objecta qu'il fallait pourtant prévoir, combiner, ne pas se laisser prendre au dépourvu par les circonstances (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 177) :
• 7. Je le voyais venir depuis un bon moment, mais j'étais quand même prise au dépourvu.
— Je vous le propose : c'est oui ou c'est non?
BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 72.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. dépourveu, -uë; ds Ac. 1740, s.v. dépourvû, -ûe (l'accent circonflexe marquant la disparition de -eu); ds Ac. 1762-1878 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. [1155 despurveüement « à l'improviste » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 9173)]; fin XIIe s. desporveüt adj. [improvisus] (Job, 366, 28 ds T.-L.); 2e moitié XIIIe s. a coup desproveü (BOÈCE, De Consol., ms. Berne 365, f° 12 v° ds GDF.); ca 1450 a despourveü (Le Mistère du Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 7985); 1559 au desporveü (AMYOT, Vies, Aristide ds GDF.); av. 1558 despourvoir « dégarnir du nécessaire » (SAINT GELAIS, 52 ds LITTRÉ). Dér. de pourvu (cf. pourvoir); préf. dé- [cf. 1262 desporvëu part. passé « volé, dépouillé » (J. LE MARCHAND, Miracles de N. D. de Chartres, 70 ds T.-L.)]; dépourvoir refait tardivement sur dépourvu. Fréq. abs. littér. :988. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 355, b) 881; XXe s. : a) 1 159, b) 1 876.
Encyclopédie Universelle. 2012.