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BURGOS
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À Burgos, on sent battre le cœur de la Vieille-Castille. N’est-ce pas ici qu’apparaît pour la première fois la claire conscience d’une politique commune à l’ensemble de la péninsule Ibérique? La ville fut une des résidences de la cour de Castille lorsque celle-ci était encore nomade; mais, dès la fin du Moyen Âge, le rôle économique l’emporte nettement sur la fonction politique.

Après avoir été une simple étape du camino francés (section espagnole de la route du pèlerinage à Compostelle), Burgos en arrive à dominer l’axe commercial Ségovie-Bilbao par Medina del Campo, c’est-à-dire la route d’exportation de la laine, principale ressource de la Castille. À la fin du XVe siècle, les marchands de Burgos, après avoir établi un monopole de fait sur le commerce de cette matière première, règnent sur la Vieille-Castille et entretiennent des agents dans les principales places commerciales de l’Europe occidentale: Nantes et Rouen, Anvers et Bruges. Ils s’installent à Séville pour profiter des relations nouées avec l’Amérique, et la quête de la fortune les conduit jusqu’aux Canaries, au Cap-Vert et en Guinée. Dès le XVIe siècle, cependant, la bourgeoisie de Burgos, jusque-là la plus prospère d’Espagne, connaît le déclin. Elle en porte en partie la responsabilité. Sensible aux agréments de la vie, cultivée et douée de sens artistique, elle se laisse séduire par le genre de vie seigneurial. Mais, elle est aussi victime de conditions nouvelles et particulièrement défavorables. La révolte des Pays-Bas et la guerre contre les Hollandais et les Anglais accumulent les ruines. Les progrès de la centralisation en Espagne s’effectuent au bénéfice de Séville et de Madrid. De grandes faillites se produisent en 1568. Après 1570, les principales familles de financiers se retirent définitivement des affaires.

Ce bref résumé historique explique que Burgos soit avant tout une cité gothique. C’est la seule ville d’Espagne où l’on puisse suivre l’évolution de ce style architectural à travers toutes les étapes de son développement. Il apparaît, dès la première moitié du XIIIe siècle, dans le monastère des moniales cisterciennes de Las Huelgas, fondation du roi Alphonse VIII (1158-1214) effectuée à la demande de sa femme Éléonore d’Angleterre. Il s’agit d’une maison illustre, véritable modèle, ayant exercé son autorité sur toutes les autres fondations féminines de Cîteaux en Castille. Le gothique d’ascendance franco-bourguignonne de l’église dut s’accommoder du voisinage de constructions typiquement musulmanes. Le monastère royal fut en effet doté de bâtiments du plus pur style hispano-mauresque. La partie essentielle en est une salle carrée en brique, couverte d’une coupole à nervures entrelacées et parée d’éléments décoratifs relevant de l’art almohade contemporain. Néanmoins, le grand chantier gothique fut celui de la cathédrale. Le mérite en revient à l’évêque Maurice, qui avait vu des réalisations du nouveau grand art d’Occident. N’était-il pas allé chercher en Allemagne la princesse Béatrice de Souabe, promise à son souverain, le roi Ferdinand? Au retour, il passa par Paris. Lorsqu’il bénit le mariage royal dans sa cathédrale romane, le 30 novembre 1219, il prit conscience de tout ce que celle-ci avait de démodé. Il lui substitua un pur produit d’importation, dont la première pierre fut posée le 22 juin 1221. Le plan du monument reproduit assez bien celui de la cathédrale de Coutances. Quant à son élévation, elle imite certaines particularités de celle de Bourges, sans en retenir la structure originale. Comme en France, l’architecture s’accompagne d’une sculpture abondante et de qualité. Sans risque d’erreur, on peut imaginer que le premier grand sculpteur venait d’Amiens. Très vite, cependant, l’atelier prit des racines locales. Il prospéra et dota Burgos d’une véritable école de sculpture gothique, la seule qu’ait possédée la Péninsule. La cathédrale de Burgos s’impose à tous les visiteurs de la ville moins par sa structure du XIIIe siècle que par des remaniements ultérieurs. Ceux-ci sont l’œuvre d’une famille d’architectes allemands, les Cologne, qui furent les maîtres de l’œuvre durant trois générations, de 1431 à 1543. Jean, Simon et François ont élevé les tours de la façade, conçu les plans de la tour- lanterne à la croisée du transept et ajouté une série de chapelles remarquables, comme celle du Connétable, au chevet. Avec eux s’implanta à Burgos le gothique tardif. Cette ultime tonalité du style triompha avec un sculpteur génial, lui aussi nordique, Gil de Siloé. Il est l’auteur du magnifique ensemble de sculptures de la chartreuse de Miraflores, exécuté, entre 1486 et 1499, à la demande d’Isabelle la Catholique. Ce décor comprend le tombeau en albâtre des parents de la reine, Jean II de Castille et Isabelle de Portugal, et celui de son frère Alonso, ainsi que le vaste retable en bois doré du maître-autel.

Burgos sut encore prendre dignement le tournant de la Renaissance, grâce au fils de Gil de Siloé, Diego, un des plus grands artistes d’Espagne. Il avait fait son apprentissage en Italie. On lui doit, dans la cathédrale, un majestueux escalier aux doubles volées symétriques, La Escalera dorada (1519-1523). Il travailla dans la chapelle du Connétable avec un autre étranger de talent, le Langrois Philippe Biguerny (ou Vigarny), qui entreprit également la décoration de la grande clôture du chœur.

Les problèmes de sauvegarde et de restauration de la cathédrale sont très préoccupants et un plan d’intervention d’urgence a été signé en 1994: instabilité des deux flèches hautes de 25 mètres, nécessaire remise en état des bas-reliefs de l’abside, de la façade rongée par la maladie de la pierre, des vitraux datant du XVIe siècle, ainsi que du cloître. L’État et la région se sont entendus pour la restauration de l’édifice, que l’U.N.E.S.C.O. menace de retirer de la liste du Patrimoine culturel mondial.

Burgos
v. d'Espagne; 163 500 hab.; cap. de la communauté auton. de Castille-Léon; ch.-l. de la prov. de Burgos. Métallurgie.
Le gouv. de Franco y siégea pendant la guerre civile (de 1936 à 1939).
Cath. goth. Ste-Marie (XIIIe-XVe s.); abb. cistercienne; chartreuse de Miraflores; maison du Cid.

Encyclopédie Universelle. 2012.