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BIENS NATIONAUX
BIENS NATIONAUX

BIENS NATIONAUX

Les propriétés de l’Église et des contre-révolutionnaires qui ont été saisies, nationalisées et vendues lors de la Révolution française forment les biens nationaux. La nature et l’importance de ces biens sont variables comme le sont les motifs de l’opération. En témoigne la série des lois et décrets qui régissent les biens nationaux. Une littérature abondante s’est attachée à éclairer cette question: en émergent l’ouvrage classique de Marcel Marion, La Vente des biens nationaux pendant la Révolution (1908), et les publications de la commission d’histoire économique de la Révolution, auxquels il faut ajouter un grand nombre de travaux régionaux, depuis Les Paysans du Nord pendant la Révolution française de Georges Lefebvre (1924) aux Paysans de l’Ouest de Paul Bois (1960). On distingue dans tous les cas ce qu’on appelle les biens nationaux de première origine, provenant du patrimoine de l’Église depuis 1789, et les biens nationaux de deuxième origine, confisqués sur les émigrés et les condamnés politiques depuis 1792.

À la veille de la Révolution française, l’Église possède un patrimoine foncier étendu et souvent mal entretenu; on l’estime suivant les régions à une moyenne oscillant de un dixième à un cinquième du territoire. Dès le 2 novembre 1789, la Constituante, placée devant une situation financière difficile, décrète que les biens du clergé sont à la disposition de la nation; celle-ci, en contrepartie, prend à sa charge les frais du culte, l’entretien de ses ministres et l’assistance aux pauvres. Cette mesure de sécularisation n’est d’ailleurs pas nouvelle. Une conception traditionnelle mettait à la disposition du roi le patrimoine ecclésiastique dans les périodes critiques. De plus, les économistes critiquent l’existence des trop grandes propriétés et leur mauvaise gestion.

Après la décision de principe de la Constituante, il reste à passer à l’application, c’est-à-dire à la vente des biens confisqués. La quantité est si importante qu’on n’ose pas les mettre en bloc sur le marché. On procède graduellement. Ainsi un décret du 19 décembre 1789 en met en vente une partie jusqu’à concurrence d’une somme de 400 millions: il s’agit en effet de garantir une première émission d’assignats destinés à rembourser des dettes publiques exigibles. Dès le début, la question des biens nationaux est donc liée au sort des assignats. Des décrets de mars, d’avril et enfin de mai 1790 fixent les règles qui doivent présider aux aliénations: division des biens et droits immobiliers en quatre classes, avec estimation variant de quinze à vingt-deux fois le revenu ou par expertise, octroi de délais de paiement et faculté de diviser les lots. L’Assemblée décide enfin, par décrets de juin et juillet 1790, la mise en vente de la totalité des biens.

Les biens nationaux de deuxième origine sont plus difficiles à évaluer. Les biens des émigrés ou des condamnés sont en majorité des propriétés de nobles, leur confiscation est une mesure qui a peu de précédents, et dont les motifs sont autant passionnels que financiers. C’est seulement le 9 février 1792 que l’Assemblée législative réussit à faire passer un décret confiant les biens des émigrés à la nation; le 27 juillet suivant, la vente des immeubles comme des meubles est décidée. Mais à cette date deux conceptions s’affrontent. Pour les modérés, soutenus par les économistes, il s’agit de diviser les grandes propriétés sans aboutir à un morcellement excessif, préjudiciable à une bonne exploitation, et d’obtenir rapidement des rentrées d’argent permettant de soutenir ou de résorber les émissions d’assignats. Les révolutionnaires désirent, au contraire, opérer une meilleure répartition du sol entre tous les habitants, avec l’octroi de longs délais de paiement. Il en résulte une série de mesures contradictoires: en novembre 1790, on réduit les facilités de paiement et la division des exploitations; en septembre 1792, on crée de petits lots et on autorise le paiement par rentes; en juin 1793, on prélève avant tout un arpent pour chaque chef de famille dépourvu. Un décret de prairial an III (31 mai 1795) relance la liquidation: il supprime les ventes aux enchères et donne naissance à des spéculations effrénées. Le Directoire, en face d’une situation catastrophique, fait voter la loi du 28 ventôse an IV (18 mars 1796): les assignats sont supprimés et remplacés par des mandats territoriaux emportant hypothèques sur les biens nationaux. Les ventes se font alors par masses importantes, sans enchères, en prenant comme base les baux de 1790. Devant ce gaspillage du domaine à des prix très bas, les enchères sont rétablies dès les mois suivants. Le Concordat en 1801, la remise en 1814 des biens non vendus aux anciens émigrés, enfin, la loi du 27 avril 1825, dite du milliard des émigrés, parce qu’elle donnait un milliard d’indemnités aux émigrés, viennent consolider toutes les aliénations. Le résultat de ces mesures est certainement un vaste transfert de propriété. Mais il est difficile de préciser quels en sont, et dans quelle mesure, les bénéficiaires. On ne peut nier qu’en certaines régions l’extension d’une petite propriété paysanne en fut facilitée. Mais il semble que souvent ce furent seulement les catégories aisées de la paysannerie ou même de la bourgeoisie des villes qui en profitèrent.

Biens nationaux ensemble de biens, collectifs ou privés, appropriés par l'État pendant la période révolutionnaire.

Encyclopédie Universelle. 2012.