ajourer [ aʒure ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1895; de ajouré
♦ Percer, orner de jours. Ajourer un napperon.
● ajourer verbe transitif (de à et jour) Ménager, dans un ouvrage d'architecture, une pièce de lingerie, etc., des parties évidées de caractère ornemental.
ajourer
v. tr. Percer, orner de jours. Ajourer une nappe.
⇒AJOURER, verbe trans.
B.-A. et TECHNIQUES
A.— [Le suj. désigne une pers., l'obj. désigne une matière ou un obj. fait de cette matière] Percer d'ouvertures laissant passer la lumière :
• 1. Nous entrions, ma mère et moi, dans le baptistère, foulant tous deux les mosaïques de marbre et de verre du pavage, ayant devant nous les larges arcades dont le temps a légèrement infléchi les surfaces évasées et roses, ce qui donne à l'église, là où il a respecté la fraîcheur de ce coloris, l'air d'être construite dans une matière douce et malléable comme la cire de géantes alvéoles; là au contraire où il a racorni la matière et où les artistes l'ont ajourée et rehaussée d'or, d'être la précieuse reliure, en quelque cuir de Cordoue, du colossal Évangile de Venise.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, La Fugitive, 1922, p. 646.
• 2. L'ornementation [des tables] en est extrêmement fastueuse. Les ceintures sont enrichies de tabliers qui évoquent une pièce d'orfèvrerie coulée au jet et refouillée par une fine ciselure; le bois semble être travaillé comme une matière malléable que l'on peut repercer et ajourer au défi de toute solidité.
J. VIAUX, Le Meuble en France, 1962, p. 80.
— [Sans sujet-agent exprimé] :
• 3. ... les versoirs peuvent être aussi à claire-voie, leur surface étant ajourée de « lumières ».
T. BALLU, Machines agricoles, 1933.
B.— [Le suj. est un inanimé]
1. Constituer les éléments d'un ajour :
• 4. ... la haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir; au-dessous d'elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s'il venait de traverser une verrière; leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d'un air distrait son étincelant bouquet d'étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l'église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s'épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, 1913, p. 137.
2. Laisser passer le jour à travers une surface ou un volume évidé :
• 5. Dans ce territoire réservé du satanisme, elle [l'église] émergeait, délicate et petite, frileusement emmitouflée dans les guenilles des cabarets et des taudis; et, de loin, elle dressait encore, au-dessus des toits, son clocher frêle, pareil à une aiguille piquée la pointe en bas et ajourant en l'air son chas au travers duquel on apercevait, surplombant une sorte d'enclume, une minuscule cloche.
J.-K. HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, pp. 55-56.
Rem. ,,Sur le modèle de mur : emmurer, on a fait tour : entourer et jour : ajourer (dans « un travail ajouré »); ces dérivés, relativement récents, nous apparaissent comme des créations. Mais si je remarque qu'à une époque antérieure on possédait entorner et ajorner, construits sur Torn et Jorn, devrai-je changer d'opinion et déclarer que entourer et ajourer sont des modifications de ces mots plus anciens?`` (F. DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, 1916, pp. 225-226).
Stylistique — Le mot, un peu mystérieux, a pu prêter à un emploi pronom. littér. au sens de « se découvrir comme à travers une ouverture » (?) :
6. Car mon âme a toujours, dans le noir de ses rues,
Quelque procession au plain-chant grandissant :
Voix s'ajourant dans moi, comme filigranées,
Enfants de chœur aux voix douces, aux frêles voix,
Ciselures des beaux dimanches d'autrefois,
Or frais qui s'éternise aux chasubles fanées!
G. RODENBACH, Le Règne du silence, 1891, p. 141.
Prononc. — 1. Forme phon. :[], j'ajoure []. 2. Dér. et composés : ajour, ajourage. Cf. jour.
Étymol. ET HIST.
I.— Adj. ajouré a) 1644 cont. hérald. « où l'on a ménagé des jours, des ouvertures » (VULSON, Sc. héroïque ds DG); 1701 hérald. (FUR. : Ajouré [...] Qui se dit des pièces qui sont percées, et à jour On le dit d'un chef crenelé dont les creneaux sont remplis d'une autre couleur que le champ. On le dit aussi des jours d'une tour et d'une maison, quand ils sont d'un autre émail; mais il se dit particulièrement de l'ouverture du chef, soit qu'elle soit ronde, quarrée ou en croissant, pourveu qu'elle touche le bout de l'écu); b) fin XVIIIe s. archit. ajouré « éclairé » (Restif de La Bretonne ds S. MERCIER, Néol. ou Vocab. de mots nouv., 1801 : Une chatière Ajourée par deux carreaux de papier huilé, me servait de fenêtre).
II.— Verbe, ajourer, 1891 fig., emploi poét., supra ex. 6.
Composé de la prép. à et de jour; suff. -é, dés. -er.
STAT. — Fréq. abs. litt. :3.
BBG. — BÉL. 1957. — BOISS.8. — GRANDM. 1852. — PRÉV. 1755. — SOÉ-DUP. 1906. — Chauss. 1969.
ajourer [aʒuʀe] v. tr.
ÉTYM. Fin XIXe (1891, Rodenbach, au pron. et fig.; 1895, Huysmans); de ajouré.
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♦ Percer d'ouvertures, de jours (un ouvrage d'architecture, un linge, etc.) de caractère ornemental. || Ajourer un napperon. — (Sujet n. de chose). Constituer un ensemble ajouré :
1 (…) leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d'un air distrait son étincelant bouquet d'étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l'église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail…
Proust, Du côté de chez Swann, Pl. t. I, p. 138.
♦ V. pron. Littér.
2 Est-ce pour toi pour moi que je pense l'amour
Mon semblable tes yeux sont sources de lumière
Tu t'ajoures tu t'ensoleilles
Éluard, Fresque, III, Pl., t. I, p. 1205.
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DÉR. Ajour, ajourage.
Encyclopédie Universelle. 2012.