TIERS ORDRES
TIERS ORDRES
Forme d’agrégation de personnes du monde à un grand ordre religieux. Il faut en chercher l’origine, antérieurement à l’apparition des ordres mendiants, dans le genre de vie des «pénitents», hommes ou femmes, célibataires ou mariés, qui, par le port d’un habit spécial, une pratique régulière de la prière, une plus stricte observance en matière d’abstinence et de jeûnes, le renoncement aux fêtes mondaines, voire le refus de certaines professions (tel le métier des armes), adoptent la condition imposée par la discipline canonique aux pécheurs publics officiellement réconciliés.
Cet état pénitentiel volontaire, en marge du monde et cependant extérieur à la vie monastique, est très ancien dans l’Église et remonte peut-être au VIe siècle, sinon plus haut. On trouve, au XIIe siècle, quelques exemples de pénitents organisés en fraternités. Au XIIIe siècle, ces exemples sont plus nombreux; saint François et ses premiers disciples ne se nomment pas autrement que les pénitents d’Assise, avant de se constituer en ordre religieux proprement dit.
Directement insérés dans le tissu de la vie urbaine, frères mineurs et frères prêcheurs sont les guides spirituels tout indiqués de ceux et celles qui, dans le monde, choisissent individuellement l’état de pénitence, telles Élisabeth de Hongrie (1207-1231), sous une direction franciscaine, et Marguerite d’Ypres, sous une direction dominicaine. Mais des relations se nouent aussi entre les ordres et les fraternités, soit de manière spontanée, soit sous la pression des autorités ecclésiastiques, soucieuses d’encadrer ces forces laïques dont la ferveur évangélique demeure facilement vulnérable à certains ferments d’hérésie. C’est dans cette perspective que, dès 1221, le Saint-Siège approuvait une sorte de règle, en définissant les conditions de vie des «frères et sœurs de la pénitence vivant dans leurs propres demeures» et en établissant les principes de leur gouvernement, l’autorité des laïques responsables y étant soumise à un certain contrôle de «visiteurs» ecclésiastiques.
Un certain flottement se maintient assez longtemps dans ces relations de tutelle, jusqu’au moment où les ordres mendiants proposent des règles précises aux fraternités de pénitence qui veulent se mettre sous leur direction. Une Règle, rédigée en 1284 par le frère Caro pour Florence, est approuvée en 1289 par Nicolas IV pour tous les pénitents qui veulent porter l’habit de saint François. En 1285, le maître de l’ordre des Prêcheurs, Muño de Zamora, promulgue une législation analogue pour les frères et sœurs de la pénitence de saint Dominique. Ainsi les couleurs (gris, noir, blanc) de l’habit des mendiants sont-elles portées désormais par un certain nombre d’hommes, et surtout de femmes, qui pour autant ne vivent pas dans des cloîtres. S’ils sont célibataires, ils ne peuvent se marier; s’ils sont mariés, ils peuvent continuer d’user du mariage: on ne quitte cet état que pour entrer en religion. Pour distinguer ces pénitents des religieux et des religieuses proprement dits, on les appelle frères ou sœurs du troisième habit, ou — chez les Franciscains — de la troisième règle. De là on passera, chez les frères mineurs d’abord, à l’expression de «troisième ordre» ou tiers ordre.
L’expansion des tiers ordres a été assez considérable au Moyen Âge, au moins en certaines régions; elle a été illustrée par quelques grands noms: Angèle de Foligno (morte en 1309) pour le tiers ordre franciscain; Catherine de Sienne (morte en 1380), qui fait partie des mantellate dominicaines. Les ermites de saint Augustin, les carmes, les religieux d’autres ordres assurent également la direction de fraternités du même type.
À plusieurs reprises, il a suffi que les membres célibataires d’une fraternité se mettent à vivre ensemble pour constituer de nouveaux types de communautés, vite apparentées aux monastères proprement dits sans que pour autant y fût obligatoire, pour les femmes, la stricte discipline de la clôture. Ainsi ont pu se développer, notamment dans le nord de la France, dès la fin du XVe siècle, des communautés de «sœurs grises» qui s’adonnaient à l’assistance des malades. Après avoir pris au XVIe et au XVIIe siècle la forme de monastères ou couvents autonomes, les tiers ordres réguliers se présenteront au XIXe et au XXe siècle sous la forme de congrégations.
Quant aux tiers ordres dits désormais séculiers, ils ont connu à l’époque moderne d’assez nombreux développements, en continuant d’offrir à beaucoup de chrétiens un milieu de soutien et d’émulation. La plupart des grands ordres religieux ont aujourd’hui leur tiers ordre, même si d’autres mots sont employés pour désigner un tel mode d’appartenance. Toutes ces associations se ressentent, dans leurs moments de vitalité ou de déclin, des courants de renouveau et de contestation qui traversent l’Église catholique aussi bien que la société elle-même. C’est sous le nom général de «groupements de vie évangélique» que se désignent plus volontiers ces mouvements de laïques qui cherchent auprès des grands ordres plus une inspiration qu’une tutelle.
Depuis Paul VI, les tiers ordres ont acquis leur autonomie interne. Le Code de droit canonique de 1983 leur fait place dans le cadre des associations de fidèles.
Encyclopédie Universelle. 2012.