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TESSIN
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TESSI

Avec les vallées grisonnes du Poschiavino et de la Moësa, le canton du Tessin (en italien Ticino) constitue le versant méridional des Alpes suisses. Son territoire de 2 811 kilomètres carrés, habité en 1992 par 294 100 personnes, s’adosse, au nord, au massif cristallin du Saint-Gothard et s’enfonce en coin, vers le sud, jusqu’à l’orée de la plaine lombarde. L’axe transversal du Monte-Ceneri le partage en deux régions traditionnelles, qui correspondent à des milieux naturels fortement contrastés, le Sopra-Ceneri, dont les rivières convergent vers le lac Majeur (Verbano) et le Sotto-Ceneri, autour du lac de Lugano (Ceresio). La montagne tessinoise a été découpée dans les nappes de roches métamorphiques résistantes par les réseaux du Tessin et de son affluent le Brenno (val Blenio), de la Maggia et de la Verzasca. Ces vallées sont séparées par de longues crêtes monotones, d’altitude moyenne de 2 000 à 3 000 mètres. Accidentées de gradins, barrées de verrous, propices aux installations hydroélectriques, ces auges encaissées ont été façonnées par l’érosion glaciaire du Quaternaire. Ce même phénomène explique la topographie des lacs insubriens, anciens fjords, surcreusés en couloirs étroits et sinueux, au-dessous du niveau de la mer (lac Majeur: — 174 m; lac de Lugano: — 17 m).

Le climat et la végétation présentent, eux aussi, de fortes oppositions. Autour des lacs, la tonalité générale semble méditerranéenne, avec des températures moyennes élevées, dépassant 12 0C, des étés très chauds (20 0C en juillet), mais elle en diffère par l’abondance des pluies, tombant surtout au printemps et en automne, sous forme de violentes averses orageuses et atteignant un total de 1 500 à 2 000 millimètres. Fortement enneigée, la montagne a des conditions beaucoup plus rudes, avec des alpages, des forêts étagées de hêtres et de conifères et, surtout, sur les sols acides, des châtaigneraies. Mais l’homme a fortement dégradé cette couverture végétale, par un déboisement séculaire, une surcharge de bétail et des incendies. Dans le Sotto-Ceneri et dans les environs de Locarno, l’ensoleillement prolongé et l’humidité ont favorisé la croissance exubérante des espèces indigènes (lauriers, oliviers, figuiers) et des plantes importées (mimosas, magnolias, palmiers, plantes grasses) qui mettent dans le paysage une touche d’exotisme presque tropical.

Jusqu’au XVe siècle, le Tessin est soumis à l’influence italienne. De 1100 à 1353, la province est partagée entre les familles féodales rivales de Côme et de Milan puis, jusqu’en 1402, elle relève de l’autorité des Visconti. Un tournant décisif intervient après le premier tiers du XIVe siècle. Les cantons forestiers de la Suisse primitive, émancipés de l’Autriche, ont équipé la route du Gothard et entendent contrôler la route vers l’Italie, par la possession du versant méridional du col. La première phase d’expansion commence par une «descente» des gens d’Uri, dès 1331, suivie, entre 1407 et 1419, par la conquête du bassin supérieur du fleuve (Leventina), du val Verzasca et de la vallée de la Maggia. Aux XVe et XVIe siècles, l’œuvre des Waldstätten fut parachevée grâce à la coopération de l’ensemble de la Confédération: prise du val Bellinzona, de Locarno (1513) et du Sotto-Ceneri. La paix perpétuelle conclue avec la France (1516) amputa les Suisses d’une partie de leurs acquisitions (val d’Ossola), mais elle leur confirma la possession du Tessin, dans le tracé compliqué et artificiel de frontières difficiles à surveiller (enclave de Campione d’Italia), sous forme de bailliages communs à Uri, Schwytz et Nidwald ou de possessions indivises entre les confédérés (sauf Appenzell). Cette hégémonie suscita à la longue une revendication d’indépendance, qui se traduisit en 1755 par la révolte de la Leventina, durement réprimée. L’écho de la Révolution française puis, en 1796, la conquête de la Lombardie par Bonaparte surexcitèrent les patriotes qui renversèrent, en 1798, le régime des baillis. En 1803, l’acte de médiation fit du Tessin un canton à part entière dans la Confédération restaurée par Napoléon Ier. De 1803 à 1878, le canton eut trois chefs-lieux, alternant tous les six ans, Locarno, Lugano et Bellinzona, jusqu’à la fixation définitive de la capitale dans cette dernière ville. Tout en demeurant conscient de son italianité linguistique et culturelle, attentif aux destinées de la péninsule, dont il accueillit généreusement les proscrits politiques du Risorgimento et du fascisme, le Tessin a toujours manifesté sa volonté d’indépendance, dans l’attachement à la démocratie et au fédéralisme suisses.

L’économie tessinoise a souffert longtemps et souffre encore d’une série de handicaps. L’isolement territorial est le problème majeur. Pendant des siècles, le Tessin ne fut relié au reste de la Suisse que pendant la belle saison. Une communication permanente ne fut établie qu’avec la construction du tunnel ferroviaire du Gothard (1872-1881), aujourd’hui Saint-Gothard, complété depuis 1980 par une galerie routière. Les sols totalement improductifs couvrent plus du quart de la surface et, sauf dans les fonds de vallées et à la lisière des plaines méridionales, la fertilité est médiocre. La torrentialité, l’érosion, la raideur des pentes, le morcellement des exploitations diminuent le rendement de l’agriculture de montagne. Les ressources du sous-sol sont inexistantes. L’économie de subsistance fut longtemps la règle, avec pour corollaire l’émigration, saisonnière ou définitive. Dès le Moyen Âge, les Tessinois se répandirent en Italie, en Suisse et en Europe centrale, pour exercer surtout les métiers du bâtiment (tailleurs de pierres, maçons, peintres et décorateurs, architectes). Dans la seconde moitié du XIXe siècle, ils ont fondé aux États-Unis (Californie) et en Argentine des colonies prospères. La crise générale de la montagne traditionnelle a été particulièrement sensible dans ce contexte naturel fragile. La population s’est concentrée dans les grandes vallées et sur les rives des lacs. L’agriculture n’occupe plus qu’une faible part des actifs et la vie pastorale est en régression. Dans le Sotto-Ceneri et le Mendrisiotto, les mûriers à soie sont abandonnés; il reste, dans un paysage agraire déjà italien de coltura promiscua , un peu de vigne, des légumes, du tabac, du maïs, des vergers et des fleurs. L’industrie n’est pas non plus dans une situation brillante. En revanche, elle dispose d’une houille blanche abondante (barrages de Ritom, Biasca, Piottino), en bonne partie exportée outre-Gothard. Avec le bâtiment, les principales activités, qui utilisent un gros effectif de travailleurs frontaliers italiens, sont l’électrochimie, dans la Leventina (Bodio), la construction métallique, l’horlogerie, les ateliers des Chemins de fer fédéraux de Bellinzona, l’alimentation, le textile et la confection. Le canton prend sa revanche dans le secteur tertiaire. Les communications, le commerce et surtout le tourisme fournissent les ressources de base.

Le tourisme des rives lacustres débute au début du XIXe siècle et demeure très traditionnel dans ses structures. Le séjour d’été, à forte clientèle internationale, délaisse presque totalement la montagne, pour se concentrer à Locarno et ses annexes, dans le Sotto-Ceneri, autour de Lugano et de ses satellites. La proximité de l’Italie et l’attraction milanaise, le mouvement quotidien des frontaliers sont compensés par les relations séculaires avec la Suisse allemande. La douceur du climat attire au Tessin un grand nombre de résidents, alémaniques ou allemands. Le remarquable accroissement démographique global, qui dissimule le déclin catastrophique de la montagne, est essentiellement le fait de cette immigration. Il a stimulé l’essor des villes: Lugano (30 000 hab. en 1991), Bellinzona (18 000 hab. en 1991), Locarno (15 300 hab. en 1991).

Tessin
(en ital. Ticino) cant. de Suisse, sur le versant S. des Alpes, à la frontière italienne; 2 811 km²; 277 200 hab.; ch.-l. Bellinzona. La pop., de langue italienne, est groupée dans les vallées alpines et autour des lacs de Lugano et Majeur (tourisme), au climat doux et humide. L'hydroélectricité a favorisé l'industrie.
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Tessin
(le) (en ital. Ticino) riv. de Suisse et d'Italie (248 km), affl. du Pô (r. g.); né dans les Alpes, il traverse le lac Majeur et arrose Pavie.

Encyclopédie Universelle. 2012.