ACTINOPODES
Les Actinopodes sont des Protozoaires marins ou d’eau douce caractérisés par l’existence de fins pseudopodes rayonnants auxquels peuvent s’ajouter des formations filamenteuses rigides: les axopodes . Ils possèdent également un squelette rayonnant, parfois géométriquement défini. Leur cytoplasme est constitué par deux couches plus ou moins distinctes: l’ectoplasme et l’endoplasme.
Ce sous-embranchement est subdivisé en trois classes: les Acanthaires, les Radiolaires, les Héliozoaires.
Les Acanthaires sont tous marins et possèdent des axopodes et un squelette non siliceux formé de spicules géométriquement disposés et toujours réunis au centre de la cellule.
Les Radiolaires sont tous marins, ne possèdent pas d’axopodes, mais sont pourvus d’une «capsule centrale» et d’un squelette siliceux.
Les Héliozoaires vivent pour la plupart dans les eaux douces. Ils possèdent des axopodes et sont souvent pourvus d’éléments squelettiques formés de spicules siliceux indépendants qui convergent vers le centre de la cellule sans y être soudés.
Il convient de noter que ce sous-embranchement des Actinopodes ainsi défini est de création relativement nouvelle (P. P. Grassé, 1953). Cette classification permet de réunir dans un même ensemble tous les Protistes dont le caractère commun est l’allure rayonnante de leurs pseudopodes; mais elle permet aussi de faire la distinction entre Acanthaires et «Radiolaires vrais» qui étaient autrefois confondus sous le nom de Radiolaires. Au contraire, les Héliozoaires ont toujours été nettement définis, bien que de nombreuses espèces classées dans ce groupe (pseudo-Héliozoaires) restent d’affinités très incertaines.
1. Étude cytologique des Acanthaires
Le squelette
Le squelette est fait de spicules rayonnants à partir du centre du corps. Leur nature chimique reste mal définie: sulfate de strontium ou célestine (Büchli, 1907, et Odum, 1951), silicate d’aluminium et de calcium (Sdreviakov, 1926). Les spicules sont toujours réunis au centre du corps selon des modalités assez variables suivant les espèces. Les formes les plus primitives en effet possèdent dix longs spicules diamétraux qui traversent l’animal de part en part, et se croisent au centre du Protiste; les formes les plus évoluées, au contraire, ont un squelette d’aspect identique, mais formé de vingt spicules radiaires qui convergent tous au centre où ils sont plus ou moins soudés entre eux.
Mais, quels que soient les espèces ou le mode d’union des spicules, les baguettes squelettiques de tous les Acanthaires sont géométriquement disposées selon une loi énoncée dès 1858 par J. Müller. Leurs extrémités distales sortent à l’extérieur du corps en des points strictement déterminés. Ces points de sortie sont disposés sur cinq cercles parallèles, que l’on pourrait tracer sur le corps supposé sphérique de l’Acanthaire. Par analogie avec ceux du globe terrestre, on les désigne comme un cercle équatorial, deux cercles tropicaux et deux cercles polaires, et l’on donne ces mêmes noms aux spicules correspondants. C’est ainsi qu’on répartit les vingt spicules radiaires en plusieurs groupes.
– un groupe de quatre spicules équatoriaux qui sont perpendiculaires entre eux dans un seul plan (formant le plan du cercle équatorial);
– deux groupes de quatre spicules tropicaux (soit huit spicules) qui alternent avec les quatre précédents, et sont inclinés de 300 par rapport au plan équatorial;
– deux groupes de quatre spicules polaires (soit huit spicules) superposés (en projection) aux quatre spicules équatoriaux, mais formant avec eux un angle de 600.
Formation des coques
Plus de la moitié des espèces d’Acanthaires conservent pendant toute leur vie ce squelette simple qui s’accroît sans changer de forme avec l’augmentation du volume du cytoplasme. Chez les autres espèces, au contraire, survient au cours de la croissance une complication du squelette, qui aboutit à la formation de coques de protection entourant plus ou moins complètement le corps; il apparaît sur les spicules, des apophyses qui grandissent et se ramifient, puis se soudent entre elles pour former finalement des plaques planes ou convexes. Parfois, l’accroissement des plaques s’arrête avant qu’elles se touchent, et la coque reste incomplète (ex. Phatnacantha icosapis ) mais, le plus souvent, leur accroissement se poursuit jusqu’à ce qu’elles s’accolent les unes aux autres pour former une coque complètement close (ex. Dorataspis gladiator , fig. 1).
Toutefois, même dans ce dernier cas, les plaques conservent leur individualité et sont séparées par des lignes de suture nettement visibles, et les spicules qui les traversent conservent la disposition géométrique définie par la loi de Müller.
Le corps protoplasmique
L’endoplasme a une apparence assez compacte et contient, outre le noyau, de nombreuses inclusions: vacuoles alimentaires, graisses, pigments, etc.
L’ectoplasme est plus clair que l’endoplasme et ne contient que peu d’inclusions; mais c’est là qu’on trouve des Zooxanthelles associées (Péridiniens ou Cryptomonadines). La séparation entre les deux couches est peu marquée chez les Acanthaires les plus primitifs; chez les espèces évoluées, au contraire, il existe une «capsule centrale» qui ne délimite pas ectoplasme et endoplasme comme on l’a cru longtemps. La capsule centrale de ces Acanthaires est en réalité une différenciation ectoplasmique (Schewiakov, 1926) qui n’a rien de commun avec la capsule centrale des Radiolaires.
Vers l’extérieur, l’ectoplasme émet divers prolongements: les pseudopodes réticulés, les pseudopodes flagelliformes, les axopodes, Ces derniers sont simples, jamais ramifiés, et possèdent à l’intérieur un filament axile, plus résistant, qui n’empêche pas la rétraction complète de l’axopode à l’intérieur du corps plasmatique (fig. 2).
La couche gélatineuse ou gelée tout à fait périphérique, non incluse dans l’ectoplasme, reste homogène et hyaline chez les espèces les plus primitives. Chez les espèces évoluées, au contraire, la gelée se différencie en une ou deux pellicules gélatineuses, contenant des myonèmes contractiles qui constituent un appareil hydrostatique très perfectionné unique chez les Actinopodes. Ces myonèmes, qui s’insèrent à l’extrémité du spicule (fig. 3), tirent, par leur contraction, la couche gélatineuse vers l’extérieur, et accroissent le volume de l’Acanthaire, ce qui diminue sa densité. Le relâchement du myonème produit l’effet inverse.
2. Biologie des Acanthaires
Mouvements
Les Acanthaires sont essentiellement pélagiques: leur mobilité dans la mer se manifeste principalement par des mouvements natatoires de progression, et par des mouvements verticaux d’ascension et de plongée. Mais, lorsqu’ils se posent accidentellement sur le fond de la mer ou sur un substratum quelconque, ils peuvent se déplacer par reptation grâce à leurs pseudopodes. Il faut noter que des mouvements natatoires francs n’ont été observés avec certitude que chez les espèces pourvues de pseudopodes flagelliformes, battant l’eau comme des fouets. Au contraire, les mouvements verticaux d’ascension et de plongée, fréquents chez les Acanthaires, sont dus exclusivement à leur appareil hydrostatique.
Nutrition
Les Acanthaires se nourrissent en capturant des petits organismes de nature végétale, comme diverses algues microscopiques (Chlorophycées, Cyanophycées, Diatomées), ou de nature animale (Ciliés, stades larvaires de Copépodes). C’est dans l’ectoplasme que se fait la digestion.
Reproduction et développement
La reproduction asexuée, possible chez les espèces primitives, reste rare, et c’est la reproduction sexuée qui semble de règle chez les Acanthaires, mais elle reste mal connue. La reproduction se fait par des isogamètes flagellés. Chez certaines espèces de la Méditerranée, la formation des gamètes a lieu en hiver ou au printemps, à une profondeur comprise entre 100 et 500 m. D’autres espèces se reproduisent deux fois par an, en hiver et en été, et, dans ce cas, la gamétogenèse se produit en surface. Le noyau se divise plusieurs fois de suite, tandis que les enclaves alimentaires et les Zooxanthelles sont éliminées, que les pseudopodes se rétractent, et que les myonèmes sont rejetés. Puis, le corps plasmatique se découpe en sporoblastes arrondis contenant chacun six à huit noyaux. Les sporoblastes, après avoir effectué des mouvements que l’on a appelés la «danse de sporoblastes», donnent finalement naissance aux gamètes biflagellés, qui copulent entre eux pour former le zygote. Ce dernier tombe probablement au fond de la mer, de telle sorte que les premiers stades de son développement restent inconnus. Les stades les plus jeunes ont été pêchés à une profondeur de 300 à 400 m, et on a pu suivre leur croissance, le développement du squelette, la différenciation de la couche gélatineuse et des myonèmes.
3. Systématique des Actinopodes
Classe des Acanthaires
Plusieurs classifications ont été proposées par Haeckel (1887), Popofski (1906), Mielck (1908), toutes basées sur les seuls caractères du squelette. La classification de Schewiakov (1926), qui tient compte également des caractères cytologiques et des stades évolutifs, est de loin la plus rationnelle. Cet auteur divise la classe en quatre ordres correspondant aux principales modalités de l’union centrale des spicules. Les espèces les plus primitives, comme les Acanthochiasma (Holacanthaires, fig. 4) ont dix spicules diamétraux, se croisant simplement au centre. Ils ne possèdent pas de capsule centrale. La couche gélatineuse est homogène et ne contient pas de myonèmes.
Les autres espèces ont vingt spicules radiaires réunis au centre. Les Acantholithium (Symphiacanthaires, fig. 4) ne possèdent pas de capsule centrale, mais la couche gélatineuse contient des myonèmes.
Enfin, chez les espèces les plus évoluées (Arthracanthaires), les parties basales des vingt spicules radiaires sont très étroitement réunies en un corps central; le corps plasmatique possède une capsule centrale; les
myonèmes sont très nombreux. Les spicules de ces espèces sont souvent pourvus d’apophyses formant une coque plus ou moins grillagée ou cuirassée, ex. Phractopelta tessaraspis (fig. 4).
Classe des Radiolaires
Ce sont des Actinopodes marins, planctoniques, qui vivent le plus souvent à l’état isolé, mais peuvent aussi constituer des colonies. Chez quelques espèces, le squelette est externe, formé de corps étrangers (coques de diatomées, spicules d’éponges, etc.), agglomérés à la périphérie du cytoplasme; mais chez la grande majorité des espèces, ce squelette est interne, formé de silice pure et amorphe. Il peut être discontinu, et constitué de spicules séparés, de forme plus ou moins complexe, mais le plus souvent, il est continu, la silice se déposant dans les mailles du réseau ectoplasmique. Certains Radiolaires sont pourvus de magnifiques squelettes géométriques extrêmement complexes, formés de plusieurs coques concentriques, qui en font les plus beaux et les plus surprenants représentants du plancton marin (fig. 5).
Le corps plasmatique est formé d’un ectoplasme et d’un endoplasme bien distincts, séparés de façon constante par une capsule centrale entourée d’une membrane généralement simple (parfois double), qui est de nature protéique, voisine de la chitine.
Cette capsule centrale, de forme variable, sphérique ou ovoïde, plus ou moins aplatie, est percée de nombreux pores fins sur toute sa surface, ou de quelques orifices particuliers nettement localisés, qui peuvent se limiter à une seule plaque, ou à trois plaques percées de pores.
La capsule contient l’endoplasme et le noyau; en dehors se trouvent l’ectoplasme et la gelée. Cette dernière, qui peut être très épaisse, est toujours homogène et sans aucune différenciation. Les Radiolaires sont donc dépourvus de tout appareil hydrostatique, mais leur flottaison au milieu des autres éléments du plancton est assurée par leur squelette souvent orné, à la périphérie,
d’excroissances ou de cornes radiaires, réalisant le type échinoïdal, qui est une des formes les plus parfaites pour assurer la suspension d’un corps dans un milieu liquide. Le grand développement de la couche gélatineuse remplie de vacuoles à poids spécifique inférieur à celui du milieu ambiant, les nombreuses gouttelettes d’huile contenues dans l’endoplasme, la formation et l’éclatement de vacuoles non pulsatiles, qui apparaissent dans l’ectoplasme suppléent à l’absence d’appareil hydrostatique, et permettent aux Radiolaires d’effectuer des mouvements d’ascension et de plongée dans le milieu marin.
La reproduction se fait par division (pleuromitose), mais il existe une reproduction sexuée fort mal connue. La classification est basée sur le mode de perforation de la capsule centrale. L’ordre le plus primitif: Spumellaria , groupe les espèces à capsule centrale sphérique, régulièrement perforée sur toute sa surface. L’ordre des Nassellaria contient les espèces dont la capsule centrale est percée d’un seul groupe de pores, tandis que l’ordre des Phaeodaria correspond à celles qui possèdent trois orifices distincts.
Classe des Héliozoaires
Ce sont des Actinopodes d’eau douce (bien que quelques espèces soient marines), dont le corps est sphérique (ex. Actinosphaerium , fig. 6), ou pédonculé et ovoïde (ex. Actinolophus , fig. 6). Certaines espèces dépourvues de squelette propre agglomèrent à la surface de leur corps plasmatique divers corps de provenance étrangère, tels que des grains de sable ou des coques de diatomées. Mais la plupart des espèces possèdent un véritable squelette constitué de spicules siliceux isolés jamais agencés en coque, non réunis au centre, mais noyés le plus souvent dans la couche mucilagineuse périphérique. La présence d’axopodes est tout à fait constante chez les Héliozoaires. Le cytoplasme se divise en ectoplasme et en endoplasme, et le centre du Protiste est bien souvent occupé par une formation particulière propre aux Héliozoaires, appelée le corps central, que certains auteurs considèrent comme un véritable centrosome. Enfin, les espèces d’eau douce sont pourvues d’une vacuole pulsatile.
Les Héliozoaires sont capables d’enkystement; mais on doit distinguer chez eux trois sortes de kystes: les kystes de protection qui se forment lorsque les conditions extérieures sont défavorables; les kystes digestifs, qui surviennent en cas de nutrition particulièrement abondante; les kystes de reproduction (ou kystes durables), caractérisés par une membrane périphérique épaisse, à l’intérieur desquels se produit la reproduction sexuée, qui est une autogamie chez Actinophrys , seule espèce avec Actinosphaerium dont la reproduction ait été étudiée.
actinopodes
n. m. pl. ZOOL Embranchement de protozoaires émettant de fins pseudopodes rayonnants. Les radiolaires sont des actinopodes.
— Sing. Un actinopode.
actinopodes [aktinɔpɔd] n. m. pl.
ÉTYM. Mil. XXe; de actino-, et -pode.
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♦ Zool. Sous-embranchement de protozoaires caractérisé par l'allure rayonnante de leur système pseudopodial, et divisé en trois classes : acanthaires, radiolaires et héliozoaires. — Au sing. || Un actinopode.
Encyclopédie Universelle. 2012.