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RHEINTAL
RHEINTAL

RHEINTAL

Le Rhin joue un rôle fondamental dans la géographie de la Suisse. Son cours helvétique, long de 375 kilomètres, draîne, avec ses affluents, un bassin de 36 424 kilomètres carrés, qui couvre plus des deux tiers de la superficie totale du pays. Le parcours alpestre du fleuve se répercute sur le volume des eaux et le rythme de leur écoulement jusqu’aux abords du Massif schisteux rhénan. La partie suisse, qui représente moins d’un quart de l’étendue totale du bassin, contribue encore, à l’embouchure, à la moitié du débit. Le tracé actuel résulte d’une série de captures qui se sont échelonnées du Tertiaire (Pliocène) à la fin de la dernière glaciation quaternaire (Würm). La partie helvétique comprend trois sections.

Le Rhin antérieur (Vorderrhein), de la source jusqu’à Coire, coule dans une gouttière rectiligne de 60 kilomètres, symétrique du Rhône valaisan. C’est un sillon tectonique, établi dans les formations métamorphiques des nappes alpines, recreusé en auge par les glaciers quaternaires. La vallée descend du Saint-Gothard (2 344 m) par une pente de 26 p. 1 000. L’amont, ou Tavetsch, est un domaine rude, forestier et pastoral. Il commence par une vallée ouverte, aux formes amples et adoucies dans le bassin de Disentis (Münster), qui devient ensuite dissymétrique. Le versant gauche, court et plus raide, s’oppose au versant droit, d’où descendent de plus grandes vallées affluentes. Puis, le paysage se brouille; des collines et des lacs occupent le fond de la vallée, d’où le Rhin disparaît, happé par une gorge. Un énorme éboulement, descendu du nord, celui de Flims, explique le désordre de la nature et l’absence d’hommes. Par compensation, ce secteur inquiétant débouche, au confluent avec le Rhin postérieur (Hinterrhein), sur une plaine alluviale d’où émergent seulement les sommets des bosses rocheuses noyées dans les alluvions: c’est l’antichambre de Coire et de la cluse du Rhin. Le fleuve dessine un coude, coupant les plis calcaires, et pénètre dans la molasse, jusqu’au lac de Constance.

Le passage à la deuxième partie du cours se fait par le palier du Rhin de Coire (Churer Rhein). La capitale des Grisons, plaque tournante des cols des Alpes orientales, occupe, au débouché de la vallée du Schanfigg, le cône de déjection de la Plessur. La pente s’adoucit à 4 puis à 1,75 p. 1 000. Le Rhin, qui a recueilli les eaux de la Plessur, de la Tamina, puis de l’Ill du Vorarlberg, coule au milieu d’un ample corridor verdoyant, large de 15 kilomètres, qui a nécessité, au XIXe siècle, de grands travaux d’endiguement, pour le mettre à l’abri des inondations. Il forme la frontière, avec le Liechtenstein, puis l’Autriche, et le canton de Saint-Gall n’en possède que la rive occidentale.

À 395 mètres d’altitude, le Rhin entre, par un vaste delta, dans le lac de Constance (Bodan, Bodensee), la plus vaste nappe d’Europe (537,5 km2). Il comporte deux cuvettes, dues à des fractures recreusées par les glaciers jusqu’à 144 mètres au-dessous du niveau de la mer, l’Obersee, ou «mer de Souabe» (475 km2) et l’Untersee (62 km2). Dans le lac, qui reçoit, au nord, des affuents non alpins (Argen, Schussen, Lach), dérobés au bassin du Danube, le fleuve, à l’instar du Rhône dans le lac Léman, s’épure et s’apaise. Le lac est un amortisseur qui emmagasine les crues, pour les restituer en hiver, et qui aplatit les oscillations (à l’entrée, le rapport minimum/maximum est de 78; à la sortie, de 11).

Le Bodan termine géographiquement, sinon hydrologiquement, le Rhin alpestre, qui a draîné un bassin de 11 000 kilomètres carrés. Jusqu’à Bâle, il entre désormais dans sa section jurassienne, la plus tourmentée. En aval de Schaffhouse, il scie une barre de calcaire, pour retrouver, après une chute célèbre haute de 24 mètres, le tracé d’un ancien chenal préglaciaire. Ce phénomène se reproduit, en moins grandiose, à plusieurs reprises. La pente reste forte (3,5 p. 1 000), le cours rapide dans un lit qui se rétrécit jusqu’à 25 mètres. Des seuils rocheux, les Laufen, affleurent, soit que les eaux entaillent des anticlinaux jurassiens, soit qu’elles mordent sur la retombée méridionale du massif cristallin de la Forêt-Noire (Kadelburg, Dogern, Laufenburg, Schwoerstadt, Rheinfelden). Le dernier de ces accidents est la double barre de calcaire et de grès d’Istein, à 6 kilomètres en aval de Bâle, apparue au début du XXe siècle à la suite du creusement d’un chenal (2 mètres de dénivellation sur 300 mètres).

Ces sites ont été équipés de plusieurs grands barrages. Dans ce court trajet, le Rhin reçoit un éventail d’affluents. Mais le plus abondant est l’Aar, rivière «nationale» de la Suisse. À son confluent, avec 552 mètres cubes par seconde, son module est supérieur à celui du Rhin. À Bâle, le Rhin est déjà un très gros fleuve (1 037 m3/s, soit plus que le Rhône en aval de Lyon), avec une forte abondance: 32 litres par seconde au kilomètre carré, contre 15 pour l’ensemble du bassin, et des étiages qui peuvent encore se multiplier par 15 en temps de crue. C’est là que, depuis l’entre-deux-guerres, s’est établi le terminus de la navigation fluviale, dans cette grande porte d’entrée de la Suisse dont le trafic portuaire se montait à 11,3 millions de tonnes en 1990 (dont 85 p. 100 à l’importation).

Encyclopédie Universelle. 2012.