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RADICAUX LIBRES
RADICAUX LIBRES

Dans la plupart des molécules organiques, les atomes voisins sont liés les uns aux autres par des liaisons covalentes, c’est-à-dire fondées sur l’appariement naturel des électrons de vecteur magnétique ou «spin» opposé. Lors d’une irradiation, de l’exposition à une source d’énergie lumineuse ou thermique d’intensité suffisante, ou de réactions chimiques d’oxydoréduction, le couple électronique peut être rompu. La molécule ou l’atome se trouve de ce fait porter un ou plusieurs électrons «célibataires» sur son orbitale externe et est désigné sous le terme de «radical libre». La tendance naturelle des électrons non appariés à interagir avec les électrons de molécules ou d’atomes voisins, pour reformer des liaisons chimiques covalentes, confère aux radicaux libres une très grande instabilité, une extrême réactivité et la capacité de déclencher la néoformation et la propagation en chaîne d’autres espèces radicalaires. C’est ce processus de transfert et de propagation des radicaux libres que l’on désigne parfois sous le terme évocateur de «cascade radicalaire», et qui, au sein de la matière vivante, peut aboutir à la destruction partielle ou complète des structures cellulaires et tissulaires avoisinantes.

Les radicaux libres dérivés de l’oxygène moléculaire

La molécule d’oxygène est à l’état fondamental un biradical puisqu’elle comporte deux électrons célibataires et de spins parallèles sur son orbitale externe. Cette configuration lui confère une très grande stabilité et prévient l’addition directe d’une paire d’électrons (de spins nécessairement opposés), car celle-ci impliquerait une inversion de spin d’un des électrons avant sa liaison. En revanche, et sous réserve d’un apport d’énergie suffisant, la molécule d’oxygène peut aisément acquérir un électron supplémentaire par appariement avec l’un de ses électrons célibataires. Cette réduction monovalente de l’oxygène aboutit à la génération d’une espèce radicalaire simple, l’anion superxoyde (O.-2). Celle-ci peut, en présence d’ions hydrogène H+, céder son électron libre à une autre molécule d’O.-2 et donner ainsi naissance au peroxyde d’hydrogène (ou eau oxygénée, H22). Cette réaction, appelée dismutation, peut se réaliser de façon spontanée mais, dans les organismes vivants, elle se produit essentiellement sous l’influence de la catalyse enzymatique de la superoxyde dismutase.

Le peroxyde d’hydrogène ne possède pas d’électrons célibataires et n’est donc pas à proprement parler un radical libre, mais en présence de fer il peut se décomposer et donner naissance à un radical hydroxyle OH. doué d’une extrême réactivité et toxique envers la plupart des structures organiques. OH. et H22 peuvent à leur tour se combiner et donner naissance à l’oxygène singulet 12. Enfin la molécule d’oxygène native peut elle-même réagir avec des radicaux libres et générer des radicaux peroxyles ROO., espèces hautement toxiques et capables d’initier toute une cascade de réactions radicalaires à partir d’autres structures organiques. C’est cet ensemble de dérivés réduits de l’oxygène O.-2, H22, OH., 12, ROO. que l’on regroupe sous le terme générique de radicaux oxygénés libres.

Rôle physiopathologique des radicaux oxygénés libres

On conçoit difficilement que l’oxygène moléculaire, cet élément indispensable à la vie en aérobiose, puisse exercer un effet nocif. Tel est pourtant le cas et l’image de Janus aux deux visages a parfois été choisie pour illustrer ce double rôle bénéfique ou délétère de la molécule d’oxygène.

Dans les conditions physiologiques , la réduction de l’oxygène moléculaire en H2O, consécutive à son utilisation par le métabolisme cellulaire et plus particulièrement par la chaîne mitochondriale, résulte de l’addition séquentielle de quatre électrons et aboutit donc inévitablement à la formation de radicaux oxygénés libres (fig. 1).

Pour préserver sa survie, l’organisme doit donc disposer de moyens lui permettant de neutraliser ces molécules douées d’une extrême toxicité. Ces agents antioxydants, baptisés parfois «pièges à radicaux oxygénés libres», comprennent d’une part des enzymes présentes dans la plupart des cellules telles que la superoxyde dismutase SOD qui accélère la dismutation de l’anion superoxyde en peroxyde d’hydrogène, la catalase et le système glutathion-peroxydase qui sont capables de neutraliser H22; et, d’autre part, diverses molécules plasmatiques comme la céruloplasmine , la taurine , ou la vitamine E .

Il existe donc un équilibre critique entre l’oxygène moléculaire indispensable à la vie en aérobiose et la formation inévitable de radicaux oxygénés libres au cours de son utilisation par le métabolisme cellulaire, que l’organisme doit s’efforcer de maintenir pour conserver son intégrité. De même, l’acquisition de ces moyens de détoxification est une des contraintes de l’évolution de l’organisme anaérobie vers la vie en aérobiose.

Dans certaines conditions pathologiques , telles que l’irradiation gamma, l’exposition aux rayonnements ultraviolets, ou à l’oxygène normobare, cet équilibre peut être rompu et les effets toxiques des radicaux oxygénés libres peuvent alors se manifester. Ils ont pour site privilégié des constituants cellulaires essentiels tels que les phospholipides des membranes, l’acide désoxyribonucléique ou ADN, et certaines liaisons chimiques des protéines. Les altérations moléculaires qu’ils sont capables de provoquer au sein des cellules et de la plupart des structures tissulaires expliquent leur contribution majeure dans la genèse et le développement des réactions inflammatoires, des lésions de l’ischémie et des phénomènes de cancérisation. Enfin leur participation dans le processus naturel du vieillissement est aujourd’hui considérée comme très vraisemblable.

Mais les radicaux libres dérivés de l’oxygène peuvent également être bénéfiques pour l’hôte. En effet ces molécules sont produites par les cellules phagocytaires (polynucléaires, et monocytes-macrophages) lors de leur activation métabolique respiratoire par des substances particulaires ou solubles. Les radicaux libres ainsi engendrés participent activement à la destruction des agents infectieux (bactéries et parasites) par ces cellules (fig. 2).

Ce rôle majeur des radicaux oxygénés libres dans la résistance de l’hôte envers des agents pathogènes est illustré par une maladie héréditaire, la granulomatose chronique . Cette maladie est liée à un déficit génétique en NADPH oxydase, le complexe enzymatique, qui dans les membranes endoplasmiques des cellules phagocytaires est à l’origine de leur capacité d’activation métabolique oxydative. Or, la plupart des enfants qui sont porteurs de ce déficit enzymatique sont incapables, dès la naissance, de se défendre contre la plupart des bactéries et meurent d’infections multiples et récidivantes dans les premières années de la vie.

Encyclopédie Universelle. 2012.