PALERME
PALERME
Tour à tour colonie phénicienne, comptoir carthaginois, municipe romain, avant-poste de la reconquête byzantine, Palerme n’est longtemps, en Sicile, qu’une cité de second plan, après Syracuse et Lilybée. Choisie en 948 comme résidence du nouvel émir, elle doit à la conquête arabe son rang de capitale de l’île. Elle le conservera sous les rois normands et sous Frédéric II, avant de devenir, après l’intermède angevin et aragonais, le principal centre politique et la résidence préférée, puis unique, des vice-rois envoyés d’Espagne ou de Naples. Simple préfecture après 1860, elle retrouve en partie sa place, en 1946, comme chef-lieu de la province de Palerme.
Au cœur d’une plaine côtière riche en eaux et ceinturée de montagnes jadis boisées, la Conca d’Oro, Palerme a imposé sa marque à ce proche espace urbain où elle étale aujourd’hui ses faubourgs; plaine longtemps vide et marécageuse, hors du grand parc, mi-jardin, mi-réserve de chasse qui entourait la ville à l’époque normande. Sur les hauteurs, quelques noyaux de peuplement furent jusqu’au XVIe siècle les seuls satellites d’une ville sans banlieue: Monreale, le Saint-Denis des rois normands, les abbayes de San Martino delle Scale, de Baida (bénédictines) et d’Altofonte (cistercienne). Dans la plaine, quelques rares églises extra-muros: San Giovanni dei Lebbrosi, Santa Maria di Gesù. La grande expansion urbaine a eu lieu du XVIe au XVIIIe siècle: la plaine se peuple alors, des Colli à Bagheria, de villas aristocratiques qui accompagnent sa mise en valeur pour les besoins de la ville (vigne, puis agrumes).
On a souvent exagéré l’influence des occupations — et des civilisations — successives sur le visage actuel de la ville. On le lit, bien sûr, sur tel monument isolé: ainsi à la cathédrale dont le chantier se poursuit pendant trois siècles après sa reconversion de mosquée en église. Les très rares vestiges conservés de l’époque arabe, à Saint-Jean des Ermites ou au palais des Émirs, apparaissent réenglobés dans des édifices normands. Et ceux-là mêmes, en dehors de quelques ensembles homogènes (chapelle Palatine, Martorana), ont souvent subi le même sort (le Palais royal) ou ne constituent plus que des éléments isolés: ainsi la Zisa, la Cuba et la Cubula, seuls vestiges du grand parc royal. En fait, à l’exception de quelques édifices des années 1300-1450 (le Steri ou le palais Sclafani), la ville a pris son visage actuel à l’époque des vice-rois espagnols et napolitains (1450-1800), avec la prodigieuse croissance démographique du XVIe siècle, qui quadruple sa population (de 25 000 à 100 000 hab.).
Ce primat de la Renaissance et du baroque — un baroque qui se prolonge tard au XVIIIe siècle — se lit sans effort dans l’architecture, qu’il s’agisse d’une simple façade plaquée sur un monument antérieur (la Martorana) ou, bien plus souvent, d’une construction nouvelle. De cette époque datent, pour la grande majorité, les églises et les palais, les fontaines et les portes triomphales, tous ces monuments qui donnent encore à la ville, malgré la diversité des styles, les remaniements postérieurs à l’Unité et la dégradation récente du centre historique, une indiscutable cohésion architectonique. Cohésion qu’accentue encore le remodelage volontaire de l’espace urbain à l’époque moderne. À l’intérieur des nouvelles murailles (milieu du XVIe s.) qui vont limiter pendant deux cent cinquante ans son expansion, une croisée de rues, scandées de places, écartèle la ville et superpose à la division médiévale en quartiers un ordre géométrique. L’axe de la vieille ville, l’ancien Cassaro, est prolongé jusqu’à la mer en deux étapes (1565-1580), de la porta Nuova à la porta Felice. Et, autour de 1600, la coupure orthogonale de la via Maqueda, à l’image des Strade Nuove des villes italiennes, donne à la ville sa seconde série de façades solennelles, et le centre qui lui manquait: les Quattro Canti . Modèle que répétera, hors les murs, le XIXe siècle, avec les Quattro Canti di Campagna , avant la grande expansion contemporaine, qui suit les axes longitudinaux sud-est - nord-est.
Derrière le décor, on retrouve pourtant la vie populaire des vieux marchés (Ballaro, Capo, Vucciria); les anciens quartiers ont résisté, avec leur réseau de rues étroites et de places. Le noyau traditionnel du Cassaro, presqu’île entre deux torrents, autrefois ceint de murs, groupe les deux apports, médiéval et moderne: d’un côté le palais royal, constamment remanié, la cathédrale et l’archevêché, les églises normandes de la Martorana et San Cataldo; de l’autre les palais de la via Toledo, la porta Nuova, les places Bologni et Pretoria, les Quattro Canti , et les grandes églises de la Contre-Réforme (Théatins).
De part et d’autre, les deux faubourgs de l’Albergaria et de Seralcadi, jadis séparés du Cassaro par les torrents du Kemonia et du Papireto, toujours plus pauvres, ont le plus souffert des destructions récentes: peu de palais, moins d’églises, de rares ensembles monumentaux. La Casa Professa et le Carmine dans l’un, le Monte di Pietà, San Agostino et la place des Beati Paoli dans l’autre.
Sur le site de l’ancienne citadelle arabe, la Kalsa, déjà riche de monuments médiévaux (la Magione, le Steri , San Francesco d’Assisi), a servi de champ d’expansion à la Renaissance: d’où les grands palais (Aiutamichristo, Abbatelli), le grand axe de la via Alloro, les églises de la Catena ou de Santa Maria di Porto Salvo. Il en est de même pour la Loggia, derrière le vieux port (Cala ), quartier des colonies étrangères et de leurs églises (Catalans, Gênois), de rues marchandes (via Bandiera et Vucciria), et de plus rares églises de style Renaissance ou baroque (San Domenico, Santa Maria la Nuova).
Palerme
(en ital. Palermo) ch.-l. de la région Sicile et d'une des prov. siciliennes. Port sur la côte N.-O. (mer Tyrrhénienne); 714 250 hab. Industr. diverses.
— Archevêché. Université. Cathédrale (XIIe, XVe et XVIIIe s.). Nombr. églises de style byzantin. Palais royal, avec chapelle palatine du XIIe s.; église et palais baroques. Musées.
— Cité phénicienne (Panormos), la ville devint romaine en 254 av. J.-C. Les Arabes l'enlevèrent (831) aux Byzantins. En 1072, les Normands prirent la v. et achevèrent en 1091 la conquête de l'île.
Encyclopédie Universelle. 2012.