OSTRACODERMES
Le nom d’«Ostracoderme» fut introduit par le paléontologue américain Cope (1889) pour désigner un ensemble de Vertébrés primitifs fossiles possédant une cuirasse osseuse dermique. Il a été démontré, depuis lors, que ces animaux appartiennent en réalité à des groupes très divers, et ce terme ne recouvre donc plus aucune réalité phylogénétique et systématique. Il reste cependant utilisé dans de nombreux ouvrages de vulgarisation où il désigne globalement les Agnathes paléozoïques, c’est-à-dire les Hétérostracés, les Ostéostracés, les Anaspides, les Galéaspides, les Pituriaspides et les «Thélodontes».
Ostéostracés
Les Ostéostracés (fig. 1) sont caractérisés par un bouclier osseux (os cellulaire) en forme de fer à cheval, englobant toute la tête et la ceinture pectorale, et portant à sa surface des dépressions latérales et médiane de nature encore énigmatique (organes «sensoriels» ou «électriques»). L’endosquelette des Ostéostracés étant bien ossifié, il a été possible d’étudier en détail l’aspect des cavités qui logeaient les divers organes internes de la tête (encéphale, capsule otique, etc. fig. 2). Entre les orbites se trouve un orifice pinéal, en avant duquel s’ouvre un orifice en forme de trou de serrure: l’orifice naso-hypophysaire, dont la position dorsale est considérée comme le principal caractère permettant de rapprocher les Ostéostracés des Lamproies [cf. CYCLOSTOMES]. Pour cette raison, l’anatomie interne des Ostéostracés a été interprétée à la lumière de celle des Lamproies actuelles.
La face ventrale du bouclier des Ostéostracés est creusée par une vaste cavité qui logeait l’appareil branchial, et dans laquelle s’ouvraient les canaux qui livraient passage aux nerfs viscéro-moteurs. En identifiant ces canaux nerveux, Stensiö (1927) a tenté de déterminer le rang des arcs branchiaux qu’il supposait attachés au plafond de cette cavité branchiale. Il avait ainsi cru démontrer l’existence d’un arc prémandibulaire fonctionnel. Cette interprétation fut l’objet de vives controverses, mais il apparaît désormais qu’elle avait pour origine une erreur dans la détermination des canaux pour les nerfs branchiaux. Actuellement, on a la preuve que le canal attribué au nerf VII par Stensiö logeait en réalité le nerf IX (P. Janvier, 1981) et l’anatomie branchiale des Ostéostracés devient tout à fait comparable à celle des larves de Lamproies. En outre, la cavité attribuée jadis aux tubules pronéphrotiques logeait en réalité le cœur. Les Ostéostracés possédaient des nageoires paires bien développées et comparables, par leur position, aux pectorales des Gnathostomes. Leur nageoire caudale était épicerque (lobe chordal ascendant) comme celle des Gnathostomes: il existait primitivement deux dorsales.
Les Ostéostracés, connus du Silurien supérieur au Dévonien supérieur, sont déjà très diversifiés dès le Silurien.
Hétérostracés
Les Hétérostracés (fig. 3 a) ont la partie antérieure du corps couverte de plaques plus ou moins indépendantes et constituées d’os acellulaire (aspidine). Ils ne possèdent qu’un seul orifice branchial externe. Ils sont surtout connus au Silurien et au Dévonien. Les Hétérostracés n’ont pas d’endosquelette ossifié et l’on ne connaît que très mal leur anatomie interne. Ils possédaient un encéphale primitif, très étiré, et deux canaux semi-circulaires verticaux, mais ils étaient dépourvus de nageoires paires et ne possédaient ni dorsales, ni anale.
Anaspides
Les Anaspides (fig. 3 b) n’ont pas de bouclier dermique, mais de simples écailles constituées d’os acellulaire. Les écailles du tronc sont très allongées et ont une disposition en chevrons qui rappelle l’organisation de la musculature du tronc des Lamproies. Leur seule spécialisation semble être l’absence de nageoire dorsale antérieure, remplacée par une série de grosses écailles. Certains Anaspides possèdent des nageoires paires s’étendant de la région postbranchiale à la région anale. Enfin, il semble bien que les Anaspides, comme les Ostéostracés et les Lamproies (Petromyzontida), possèdent un orifice naso-hypophysaire dorsal. Leur nageoire caudale est hypocerque (lobe chordal descendant).
Les Anaspides sont connus du Silurien inférieur au Dévonien supérieur.
Galéaspides
Les Galéaspides (fig. 3 d) présentent une ressemblance superficielle avec les Ostéostracés, due à leur bouclier fortement ossifié, et creusé d’une cavité branchiale ventrale, mais cette ressemblance s’arrête là. Les Galéaspides ne possèdent ni nageoires paires, ni orifice naso-hypophysaire dorsal. Ils possèdent en revanche un large orifice dorsal et médian, d’abord interprété comme une bouche dorsale, puis comme un orifice naso-hypophysaire, et qui est en réalité un orifice inhalant, communiquant ventralement avec la cavité branchiale. Leur exosquelette est constitué de petites unités semblables à des écailles de «Thélodontes», mais soudées les unes aux autres.
Les Galéaspides présentent une variété de formes au moins égale à celle des Ostéostracés. Ils ne sont connus qu’au Dévonien inférieur et en Chine uniquement.
Pituriaspides
Les Pituriaspides, découverts en 1991, ne sont connus que par quelques spécimens du Dévonien inférieur d’Australie. Leur bouclier céphalique, pourvu d’un long rostre, ressemble à celui des Ostéostracés mais ne possède pas d’orifice naso-hypophysaire. Ils avaient des nageoires paires.
«Thélodontes»
Les «Thélodontes» (fig. 3 e) sont un ensemble de Vertébrés primitifs dont l’exosquelette est constitué uniquement de petites écailles comparables à celles des requins actuels. La plupart des «Thélodontes» sont des Agnathes, mais il n’est pas exclu que ce soit au sein de ce groupe que s’enracinent les Gnathostomes ainsi que la plupart des groupes d’Agnathes cités plus haut. Les «Thélodontes» ont une nageoire caudale hypocerque, comme les Anaspides (et les Lamproies). Ils sont connus depuis l’Ordovicien supérieur jusqu’au Dévonien supérieur.
Phylogénie: relations avec les Cyclostomes et les Gnathostomes
On regroupe classiquement les Ostéostracés, les Anaspides et les Lamproies en un taxon monophylétique, les Céphalaspidomorphes, caractérisé par la position dorsale de l’orifice naso-hypophysaire, sans communication avec la cavité branchiale (fig. 4). Ce regroupement est toutefois infirmé par cinq caractères connus uniquement chez les Ostéostracés et les Gnathostomes. La question est actuellement de savoir si ces caractères sont apparus indépendamment dans les deux groupes, ou s’ils témoignent de relations étroites entre eux. Les Céphalaspidomorphes constituent le groupe d’«Agnathes» le plus étroitement apparenté aux Gnathostomes, avec lesquels ils partagent de nombreux caractères évolués, dont les nageoires paires, les yeux perfectionnés, ainsi que de nombreux caractères physiologiques décelables uniquement chez les formes actuelles (Lamproies).
Les Galéaspides sont vraisemblablement le groupe frère (les plus proches parents) de l’ensemble Céphalaspidomorphes + Gnathostomes (Myoptèrygiens) avec lequel il partage la présence d’os périchondral (probablement perdu chez les Lamproies). Les Hétérostracés sont certainement le groupe frère de tout cet ensemble avec lequel ils partagent la présence d’au moins deux canaux semi-circulaires verticaux et d’un système de canaux sensoriels. Enfin, les plus primitifs de tous les Vertébrés ou, du moins, des Craniates sont les Myxinoïdes actuels [cf. CYCLOSTOMES].
ostracodermes [ɔstʀakɔdɛʀm] n. m. pl.
ÉTYM. 1793, adj., « couvert d'écailles »; du grec ostrakodermos « à la peau en écaille », de ostrakon « coquille » (→ Ostraco-), et dermos (→ Derme).
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♦ Paléont. Poissons fossiles du dévonien et du silurien (cyclostomes), recouverts, à l'avant du corps, de plaques osseuses soudées. || Les ostracodermes sont les plus anciens vertébrés connus. || On suppose que les cyclostomes dérivent phylétiquement des ostracodermes. || Les Ostéostracés étaient des ostracodermes. — Au sing. || Un ostracoderme.
0 C'est vers le milieu de l'ère primaire, au Silurien et au Dévonien, qu'apparaissent les premiers vertébrés, les poissons Ostracodermes, encore dépourvus de mâchoires, qui livrent sous sa forme la plus ancienne et la plus schématique le plan d'organisation des vertébrés.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. I, p. 44.
Encyclopédie Universelle. 2012.