ONDELETTES
ONDELETTES
Le développement des télécommunications rend de plus en plus nécessaires des méthodes rapides et économiques de compression de l’information: le même canal téléphonique doit véhiculer de plus en plus de signaux, qui seront reconstitués avec des exigences de qualité toujours croissantes; la télévision haute définition peut bénéficier d’une technologie analogue. La nécessité de disposer d’algorithmes de compression se présente également en traitement du signal. Analyser, c’est pouvoir dégager l’information essentielle contenue dans un signal, par exemple les structures caractéristiques; cela permet ensuite de comprimer, c’est-à-dire de reconstruire le signal en ne gardant que l’information essentielle et en éliminant l’information accessoire.
Une technique fondamentale pour l’analyse et la compression consiste à représenter le signal comme une superposition par addition de quelques fonctions de base. Dès 1747, d’Alembert montra que l’équation d’une corde vibrante se simplifie considérablement si l’on écrit les vibrations comme superposition de sinusoïdes de différentes amplitudes et dont les fréquences sont toutes multiples d’une fréquence fondamentale. Cette méthode de décomposition fut généralisée en 1807 par Joseph Fourier et s’applique à l’étude de nombreux problèmes physiques (propagation de la chaleur, propagation des ondes, etc.). Malgré son immense succès dans des domaines très divers, cette technique a plusieurs défauts, le plus évident étant son manque de localisation. En effet, l’analyse de Fourier permet de connaître les différentes fréquences excitées dans un signal, c’est-à-dire son spectre, mais ne permet pas de savoir à quels instants ces fréquences ont été émises: elle donne une information spectrale globale et non locale, car les fonctions d’analyse utilisées sont des sinusoïdes qui oscillent indéfiniment sans s’amortir. Cette perte de localité n’est pas un handicap pour analyser et comprimer des signaux dont la structure n’évolue pas ou peu (signaux statistiquement stationnaires), mais devient en revanche un problème pour l’étude des phénomènes non stationnaires. Une façon d’éviter ce handicap est de localiser les sinusoïdes en les multipliant par des fonctions bien localisées. On obtient ainsi l’analyse de Fourier à fenêtre glissante, ou analyse temps-fréquence, car on décompose le signal sur des fonctions ayant cette double localisation à la fois temporelle et fréquentielle. Des versions adaptatives de ces bases de fonctions ont été introduites au début des années 1990. On se donne la latitude de choisir la taille de la fenêtre avec laquelle on multiplie les sinusoïdes, celle-ci pouvant varier suivant l’endroit où l’on se trouve dans le signal de façon à s’adapter au mieux au rythme des variations de celui-ci. On construit ainsi une base « adaptée » au signal, c’est-à-dire une base qui permet de décomposer ce dernier avec un nombre minimal de coefficients significatifs (non négligeables) et permet donc d’obtenir des taux de compression importants, variables selon le type de signal.
Les ondelettes constituent un système de fonctions un peu différent: l’analyse réalisée n’est plus du type temps-fréquence mais temps-échelle. Pour cela, on part d’une fonction bien localisée en temps et constituée seulement de quelques oscillations. On décompose ensuite le signal sur les fonctions obtenues par une translation et une dilatation effectuées à partir de l’ondelette de base. De telles décompositions sont particulièrement adaptées à l’étude de phénomènes où plusieurs échelles entrent en jeu et interagissent. À titre d’exemples, citons les fonctions de type fractal, qui possèdent une autosimilarité exacte ou statistique lorsqu’on les analyse à différentes échelles; citons l’étude de la turbulence (qui met en jeu des interactions entre un grand nombre d’échelles), ou encore la répartition des galaxies dans l’Univers (pour laquelle on cherche à dégager une hiérarchie de structures). On dispose aujourd’hui d’algorithmes numériques extrêmement performants qui permettent de passer d’un signal à sa décomposition en ondelettes et réciproquement. Une extension des ondelettes est la technique de décomposition en paquets d’ondelettes qui, de façon analogue à ce que nous venons de dire pour l’analyse de Fourier à fenêtre adaptative, permet d’obtenir la base adaptée au signal, base dans laquelle on peut obtenir des taux de compression importants.
En mathématiques également, les ondelettes sont de plus en plus utiles; citons la décomposition d’opérateurs différentiels ou intégraux, la simulation de processus aléatoires ou l’analyse numérique des équations aux dérivées partielles issues de la physique. En effet, les fonctions qui sont construites dans ces théories et les opérateurs qui les transforment ont, ici encore, la propriété de se représenter de façon très économique dans des bases d’ondelettes; de plus, on peut lire facilement leurs propriétés mathématiques au vu de l’intensité des coefficients de cette décomposition. En conclusion, ondelettes, paquets d’ondelettes ou décomposition de Fourier à fenêtre adaptative sont utilisés, comme nous venons de le voir, dans de nombreux domaines d’application, car ils fournissent de nouveaux outils d’analyse, à la fois plus riches et plus souples que ceux dont on disposait jusqu’alors. Ils permettent, en particulier, d’accéder à la structure fréquentielle locale, d’étudier les interactions entre phénomènes mettant en jeu différentes échelles et de comprimer de façon efficace des signaux présentant des variations brusques ou ayant des comportements multi-échelles.
On pourra consulter: M. FARGE, «Wavelet Transforms and their applications to turbulence », in Annual Review of Fluid Mechanics , vol. XXIV, pp. 395-457, 1992 / C. GASOUET et P. WITOMSKI, Analyse de Fourier et applications: filtrage, calcul numérique, ondelettes , Masson, Paris, 1990 / Y. MEYER, Ondelettes et opérateurs , t. I, Hermann, Paris, 1990 / S. JAFFARD, Y. MEYER & O. RIOUL, «L’Analyse par ondelettes», in Pour la science , sept. 1987.
Encyclopédie Universelle. 2012.