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bourrelle

⇒BOURREAU2, BOURRELLE, subst.
I.— Bourreau, subst. masc.
A.— Exécuteur des arrêts de justice chargé d'appliquer la torture ou d'infliger la peine de mort. Synon. exécuteur des hautes-œuvres.
Spéc. ,,En France, il désigne aujourd'hui celui qui est chargé de décapiter les condamnés à mort`` (Ac. 1932) :
1. Avant la Révolution j'ai eu pour maîtresse une femme, dit-il, qui avait été entretenue par l'exécuteur des hautes-œuvres qu'on appelait alors le bourreau. Un jour, au spectacle, elle se pique avec une épingle, et, comme cela se disait alors, elle s'écria : « Ah! bourreau!
— Est-ce une réminiscence? » lui dit son voisin.
BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 274.
2. GARCIN. — Très bien. Parfait. Eh bien, la glace est rompue. Ainsi vous me trouvez la mine d'un bourreau? Et à quoi les reconnaît-on, les bourreaux, s'il vous plaît?
INÈS. — Ils ont l'air d'avoir peur.
GARCIN. — Peur? C'est trop drôle. Et de qui? De leurs victimes?
SARTRE, Huis clos, 1944, 3, p. 122.
Le valet du bourreau. Homme qui aide le bourreau dans les exécutions. Synon. juridique aide du bourreau Être insolent comme un valet de bourreau (proverbial). Être d'une insolence cynique (cf. Lar. 19e, DG, Lar. 20e).  :
3. La charrette, pendant ces courts dialogues, était arrivée au pied de l'échafaud, dont Agostin monta lentement les degrés, précédé du valet, soutenu du capucin et suivi du bourreau. En moins d'une minute il fut étalé et lié solidement sur la roue par les aides de l'exécuteur.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 474.
SYNT. Le fer, le fer rouge, le glaive, la hache, les tenailles du bourreau; la cruauté, les outrages des bourreaux; apporter une tête, livrer qqn au bourreau, livrer au bourreau la tête de qqn; avouer entre les mains du bourreau, être marqué par, périr par la main du bourreau; craindre et mépriser ses bourreaux.
Loc. proverbiales. Être brave comme un bourreau qui fait ses pâques. ,,Se dit d'un homme bien vêtu, qui n'a point coutume de l'être`` (Ac. Compl. 1842). Synon. vieilli être paré comme un bourreau qui est de fête (GUÉRIN 1892). Se faire payer en bourreau. Se faire payer d'avance (cf. Ac. 1798).
Rem. En arg. ,,le bourreau est le taule, puis Charlot, puis l'atigeur, puis le becquillard`` (HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 199); termes attestés dans BRUANT 1901, BAILLY (R.) 1964.
B.— P. anal., péj. et souvent littér.
1. Personne exerçant des violences principalement physiques sur une autre généralement sans défense avec une froide cruauté :
4. Dans sa cellule, le colonel Picquart songe, et suivant, en son rêve, les pensées de ses tortureurs, sourit tranquillement au devoir. Il n'a dit qu'un mot encore : « assassins! » ce mot retentira terriblement dans l'histoire, pour l'éternelle flétrissure de ses bourreaux et des lâches qui l'ont livré.
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 225.
Bourreau d'enfant. ,,Auteur de crimes ou délits sur la personne d'un ou plusieurs enfants (mauvais traitements, violences, brutalités, cruautés, privations de soins ou d'aliments, claustrations...)`` (LAFON 1963). P. exagér. ou iron. Personne sévère :
5. Allons, essuyez vos yeux. Que penserait-on à vous voir? Que je vous ai grondée peut-être, que je suis un bourreau d'enfants.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint Jean, 1935, p. 89.
Bourreau de la famille. ,,Type d'individu, habituellement alcoolique, martyrisant femme et enfants par des scènes de violence quotidiennes, les contraignant à vivre dans un état quasi permanent de terreur`` (PIÉRON 1963).
2. Personne exerçant des violences surtout morales.
Bourreau de lui-même. Expression traduisant le titre de la comédie de Térence intitulée Heautontimoroumenos (« qui se torture soi-même »), rencontrée sous la forme bourreau de soi-même et être son propre bourreau (Ac. 1835-1932). Personne qui exige le maximum d'elle-même et ne se ménage pas :
6. Ce bourreau de lui-même, qui avait eu à lutter avec les passions, le sang de son pays, et qui avait tué sous lui, par une véritable torture, ses appétits violents, était naturellement devenu un bourreau moral pour les autres, pour cette femme.
E. et J. DE GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 227.
C.— P. hyperb.
1. Personne qui fatigue, obsède, ennuie son entourage (cf. COLETTE, La Maison de Claudine, 1922, p. 204).
Vx, fam. ,,Terme de reproche, une expression d'humeur et d'impatience.`` (Ac. 1835-1932);,,Eh bien, bourreau, t'expliqueras-tu?`` (Ac. 1835-1932); cf. ex. 1.
2. [En parlant d'un inanimé]
a) Rare [En parlant d'un inanimé concr.] Le piano, son seul jouet depuis des années, son compagnon, son bourreau (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 228).
b) [En parlant d'une entité abstr.] Le remords est un cruel bourreau (Ac. 1798-1878). Ce bourreau que j'appelle l'attente (BALZAC, Lettres à l'Étrangère, t. 2, 1850, p. 86).
D.— P. plaisant., fam. [Suivi d'un compl. prép. de] Personne qui vainc toute résistance, vient totalement à bout de ce qu'elle entreprend.
1. [Le compl. désigne un animé] Bourreau des cœurs. Séducteur, don Juan. Beau, vigoureux, gaillard, la coqueluche des femmes, le bourreau des cœurs (A. FRANCE, Le Petit Pierre, 1918, p. 179). Bourreau des crânes (arg.). Bravache, fier-à-bras (cf. F. VIDOCQ, Mémoires de Vidocq, t. 2, 1828-29, p. 135).
2. [Le compl. désigne un inanimé] Bourreau d'argent. Dépensier, prodigue. Jeunes gens (...) tous désœuvrés appelés « viveurs » (...) tous bourreaux d'argent (BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 463). Bourreau de travail. Grand travailleur (cf. abatteur ex. 6).
Rem. On rencontre dans la docum. un emploi de bourrel, repris par Hugo à l'a. fr. pour les besoins de la couleur locale : le bourrel aime cela (Notre-Dame de Paris, 1832, p. 451).
II.— Bourrelle, subst. fém.
A.— Vx et inus.
1. Femme du bourreau (cf. Ac. 1798, 1835).
2. ,,Femme chargée de l'exécution de certaines peines (le fouet, etc.) infligées à des femmes`` (DG).
Rem. ,,[Bourreau fait partie des] noms de personnes désignant des professions exercées ordinairement par des hommes ou ne s'appliquant habituellement qu'à des hommes [et qui] n'ont pas de forme féminine [pour lesquelles] le féminin s'indique parfois à l'aide du mot femme placé devant le nom pris adjectivement, parfois aussi par l'article ou par ce qui en tient lieu`` (GRÈV. 1964, pp. 181-182). La majorité des dict. indique cependant un fém. bourrelle, mais signale qu'il est vx et inus. Ac. 1932, ROB. et DUB. ne mentionnent pas le féminin.
B.— P. anal., péj.
1. Femme cruelle; ,,mère qui traite ses enfants avec une dureté excessive`` (Ac. 1798) :,,c'est une véritable bourrelle`` (Ac. 1798) :
7. ... résisterait-il à la tentation de revoir la bourelle [sic] en rentrant dans la cité? Revenir... Il était perdu, ce misérable comtadin, si jamais il retombait sous la coupe de cette belle dame! Escofié, ce truand, s'il était repincé par cette marquise.
L. CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 112.
2. Femme, fille qui cause du souci, un ennui moral :
8. Vous connaissez nos aimables enfants. Imaginez quelque chose de plus déchirant que d'entendre ces petites bourrèles [sic] innocentes nous demander ce qui leur serait nécessaire ou très-utile et que nous ne pouvons leur donner.
BLOY, Journal, 1904, p. 153.
C.— P. métaph. [En parlant d'un inanimé] (Cause de) tourment physique. La faim, logée dans mon ventre, y tire, — la bourrelle! (BERTRAND, Gaspard de la nuit, 1841, p. 101).
Rem. 1. Emploi mentionné dans BESCH. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. avec cet ex. ,,les trois bourrelles de notre esprit : l'amour, l'ambition, l'avarice (E. Pasquier)``. 2. Emploi adj. anc. rappelé dans DG.
Prononc. :[].
Étymol. ET HIST. — A.— Subst. masc. 1319-40 bourriau (Dits de Watriquet de Couvin, 215, 534 dans T.-L.); 1550 fig. (RONSARD, Odes, II, IV, Contre les avaricieux dans GDF. Compl.); p. ext. 1680 (RICH. : Bourreau [homme] cruël, méchant); 1690 bourreau d'argent (FUR.). B.— Subst. fém. XVIe s. bourrelle « femme chargée de l'exécution de peines infligées à des femmes » (Le danger de se marier, Poés. fr. des XVe et XVIe s., III, 74 dans GDF. Compl.); fig. 1555 (BAÏF, L'Amour de Francine, L. I [I, 140] dans HUG. : Bourrelle des Amans, chagrine jalousie).
Dér. de bourrer étymol. 1; suff. -eau, -elle.
STAT. — Fréq. abs. littér. :1 563. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 999, b) 2 381; XXe s. : a) 2 106, b) 1 544.
BBG. — BARB. Misc. 25 1944-52, pp. 42-43. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 10. — SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 356.

bourrelle [buʀɛl] n. f.
ÉTYM. XVIe, déjà fig. : « Ah ! longues nuits (cit. 29) d'hiver, de ma vie bourrelles » (Ronsard); fém. de bourrel. → Bourreau.
1 Anciennt. Femme qui exécute certaines peines infligées par un tribunal à des femmes.Femme du bourreau.
2 Mod. Littér. et rare. Femme qui tyrannise son entourage.Spécialt. Femme qui maltraite ses enfants.REM. Le masc. bourreau est plus fréquent, même en parlant d'une femme : cette mère est un bourreau pour ses enfants.
0 Je vous soupçonne d'être une mère jeune, tendre (…) un peu faible (…) Si je me risque à vous exposer, sur la manière d'élever les enfants, mes idées personnelles, n'allez-vous pas me traiter de bourrelle ?
Colette, De ma fenêtre, 20 février 1941, p. 78.

Encyclopédie Universelle. 2012.