ASSOCIATIONNISME
ASSOCIATIONNISME
C’est pour expliquer des phénomènes propres à la mémoire qu’on élabora la théorie relative à l’association mentale. Celle-ci n’a posé un problème philosophique que lorsque, sous le nom d’associationnisme, des penseurs ont constitué une théorie psychologique globale. Aristote avait distingué trois formes d’association: par similarité, par contraste et par contiguïté. Mais la formule «association des idées » fut utilisée pour la première fois par John Locke, dans son Essai sur l’entendement humain (1690). Locke, comme plus tard David Hume, David Hartley, Alexander Bain ou Herbert Spencer, reconnaît à l’associationnisme trois caractéristiques essentielles: il est sensualiste, atomiste et mécaniciste ou automatique.
La connaissance s’origine dans la sensation. Par le jeu des répétitions survenant dans le cours normal de la vie mentale, les données originelles se relient entre elles. Tout le savoir humain est formé à partir d’expériences séparées, simples, particulières, et peut être décomposé en celles-ci, sans résidu. On peut donc comparer la vie mentale à un film documentaire qui se déroule sans scénario et sans l’intervention d’un metteur en scène.
Cette théorie de la connaissance s’oppose à tout innéisme, mais aussi à l’activité intellectuelle d’abstraction et d’organisation logique des concepts, telle que, par exemple, Aristote l’avait définie. Aussi va-t-elle susciter de vives réactions. Il n’est pas difficile, en effet, de rétorquer aux associationnistes que la sensation ne peut constituer le seul élément de la vie noétique, car elle survient et meurt; étant irréversible parce que essentiellement temporelle, elle ne peut donc être répétée. Les adversaires de l’associationnisme n’ont guère de peine, non plus, à démontrer qu’un élément original «d’intention» se révèle dans la vie intellectuelle, empêchant celle-ci d’être une mosaïque désordonnée d’images soumises à la seule loi du hasard.
Dans le champ de la psychologie expérimentale, Wilhelm Wundt admettait, comme hypothèse, que les sensations constituent ces éléments premiers et simples dont les combinaisons forment tout l’univers mental. Mais il précisait que, selon lui, les processus mentaux plus élevés ne sont pas sujet d’expérimentation. Toutefois, ce sont les gestaltistes qui ont porté les coups les plus rudes à la théorie associationniste. Ils récusent, en effet, d’emblée l’existence de sensations simples, distinctes, isolées. Pour eux, la perception est, toujours, perception d’un ensemble. Non qu’ils affirment, comme Alain, qu’un «objet est pensé et non pas senti». Le monde, en effet, n’est pas un chaos de lignes, de couleurs que ma perception organiserait selon les lois de l’entendement. Mais, pour les gestaltistes, ce n’est pas l’activité subjective qui organise les données du réel; celui-ci se présente comme structuré selon les lois des «bonnes formes». Ainsi, comme les intellectualistes, mais pour d’autres raisons, ils nient la réalité de sensations simples, élémentaires, distinctes, isolées. C’était ôter à l’associationnisme sa base.
Rares sont les philosophes qui professent encore cette atomisation du réel en objets simples, perçus par des sensations séparées. Il est certain néanmoins que la théorie des «réflexes conditionnés» ainsi que celle du comportement (behaviorisme) relèvent, elles aussi, d’une psychologie associative de l’action: elles avancent les mêmes principes de base que l’association d’idées et appellent les mêmes réserves.
associationnisme [ asɔsjasjɔnism ] n. m.
• 1877; angl. associationism, de association « association »
1 ♦ Philos., psychol. Doctrine qui ramène toutes les opérations de la vie mentale à l'association automatique des idées et des représentations (Stuart Mill, Taine).
2 ♦ Écon. Doctrine des économistes (socialistes) qui cherchent la solution du problème social dans l'association volontaire de petits groupes de producteurs (Owen, Fourier, Louis Blanc). ⇒ fouriérisme. Adj. ASSOCIATIONNISTE , 1874 .
● associationnisme nom masculin Doctrine des socialistes associationnistes. Système qui explique par l'association des idées toutes les opérations intellectuelles et l'ensemble de la vie mentale. (Cette théorie s'est surtout développée dans les pays anglo-saxons, notamment à la suite de Stuart Mill.)
associationnisme
n. m. PHILO Doctrine selon laquelle tous les phénomènes psychologiques résultent d'associations d'idées purement automatiques.
⇒ASSOCIATION(N)ISME, (ASSOCIATIONISME, ASSOCIATIONNISME) subst. masc.
A.— PHILOS. ,,Théorie d'après laquelle les formes supérieures de l'activité psychique résultent de l'association de faits plus simples et en définitive de sensations. D'après ce principe même, les diverses formes d'association (en particulier l'association par ressemblance) se réduisent à l'association par contiguïté conçue comme purement mécanique et n'exigeant aucune activité intellectuelle`` (FOULQ.-ST-JEAN 1962). Synon. atomisme mental (PIÉRON 1963), atomisme psychologique (Méd. Biol. t. 1 1970) :
• 1. L'associationnisme a donc le tort de substituer sans cesse au phénomène concret qui se passe dans l'esprit la reconstitution artificielle que la philosophie en donne, et de confondre ainsi l'explication du fait avec le fait lui-même.
BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889, p. 130.
— Spéc., dans le domaine de l'esthétique. ,,Théorie qui explique le beau par le rappel d'idées agréables associées aux sensations données soit qu'il s'agisse d'associations individuelles (...); soit qu'il s'agisse de propriétés générales (...)`` (LAL. 1968).
B.— ÉCON. POL. Doctrine cherchant la solution du problème social dans l'association volontaire de petits groupes de producteurs :
• 2. Voilà l'état d'âme qui a ramené à l'associationnisme, et, pour une large part, nous a inclinés à prendre des inspirations chez Fourier.
POISSON, Fourier, Extraits, p. 7 (LAL. 1968).
PRONONC. :[]
ÉTYMOL. ET HIST. — 1877 psychol. (LITTRÉ Suppl.).
Empr. à l'angl. associationism attesté en ce sens seulement en 1882 ds NED, lui-même dér. de association avec suff. -ism (v. association).
STAT. — Fréq. abs. littér. :12.
BBG. — DUB. Pol. 1962, p. 165, 169. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GOBLOT 1920. — LAFON 1969. — LAL. 1968. — MARCH. 1970. — Méd. Biol. t. 1 1970. — PIÉRON 1963.
associationnisme [asɔsjasjɔnism] n. m.
ÉTYM. 1877; angl. associationism, de association « association ».
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1 Philos. Doctrine qui ramène à l'association automatique des idées et des représentations toutes les opérations de la vie mentale (Hume, Stuart Mill, Bain, Taine, etc.). — Syn. : atomisme mental.
1 À cet égard, l'associationnisme de la psychologie naissante du XIXe siècle, qui cherchait à tout expliquer par des associations mécaniques entre les éléments atomistiques préalables constitués par les sensations et les images, a peut-être rendu plus de services par ses exagérations et son impérialisme de départ que s'il se fût présenté sous une forme modérée comme une hypothèse parmi d'autres possibles.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 142-143.
2 Un empirisme non élaboré risque donc toujours de déformer la réalité mentale en la réduisant à des « atomes » artificiels au lieu d'atteindre des structures d'ensemble. C'est ce qui est arrivé à l'associationnisme classique.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 147.
2 Sociol., écon. Doctrine des économistes qui cherchent la solution du problème social dans l'association volontaire de petits groupes de producteurs; socialisme coopératif (Owen, Fourier, Louis Blanc, etc.). ⇒ Fouriérisme.
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DÉR. Associationniste.
Encyclopédie Universelle. 2012.