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NEW YORK HERALD TRIBUNE
NEW YORK HERALD TRIBUNE

NEW YORK HERALD TRIBUNE

Quotidien issu en 1974 de la fusion du New York Herald avec le New York Tribune , deux journaux appartenant à des horizons culturels et idéologiques fort dissemblables, pour ne pas dire opposés.

Le premier paraît dès le 6 mai 1835 et doit ses orientations principales à son propriétaire et rédacteur en chef James Gordon Bennett, qui veut en faire un journal «épicé» (spicy ) et «relevé» (sency ). Il réussit au-delà de toute espérance. L’exubérance du style, la fantaisie, l’esprit de ce «journal à un penny» rompent avec le ton compassé de la presse; son ironie s’exerce d’ailleurs volontiers aux dépens de la «bonne société», dont il dépeint avec un grand luxe de détails la vie mondaine et les réceptions.

L’afflux de lecteurs s’explique aussi par la large place que le New York Herald consacre aux crimes et aux scandales. J. G. Bennett légitime les reportages de ce genre par la nécessité de mettre en garde les honnêtes gens contre le vice et l’immoralité, car il tient beaucoup à préserver la mission éducatrice qui, selon lui, est dévolue au Herald . Le journal triple son tirage lorsqu’il suit l’affaire du meurtre d’une prostituée et le procès de son assassin présumé, affaire qu’il relate avec une précision et une crudité extrêmes. Cette tendance ne cesse de s’affirmer et développe son audience; mais le fréquent mauvais goût de ses articles, la brutalité dont il fait preuve dans l’exploitation des nouvelles à sensation déclenchent l’hostilité d’une large fraction de l’opinion publique.

L’indignation est à son comble lorsque Bennett, qui ne recule guère devant les attaques personnelles, s’en prend au rédacteur en chef d’une publication rivale et décrit l’infirmité dont souffre ce dernier comme le signe de «la malédiction du Tout-Puissant». S’ouvre alors, en 1840, une «guerre morale» dirigée contre le Herald par ses principaux concurrents, qui invitent les «gens respectables» à le boycotter et à organiser la mise en quarantaine de son directeur; le mouvement se structure en comités animés par des personnalités morales (enseignants, hommes politiques, ecclésiastiques, ...).

Ces menées portent un rude coup au New York Herald , qui perd à cette occasion un tiers de ses lecteurs; s’il survit, c’est en raison de ses réelles qualités techniques et de son efficacité comme organe d’information, notamment lorsqu’il «couvre» brillamment la guerre du Mexique. Dès 1850, il tire à 30 000 exemplaires, double ce chiffre en 1860; il est alors le premier quotidien américain. D’abord assez floue, son orientation politique s’affirme démocrate lors de la guerre de Sécession; populaire dans les États du Sud, il développe son opposition à l’administration Lincoln.

Conçu comme une réponse au Herald , le New York Tribune est créé en 1841 par Horace Greeley, qui veut donner un organe de presse au mouvement whig lors même que le Parti républicain connaît un renouveau et fait œuvre morale contre le Herald . Dans son premier numéro, qui paraît, le 10 avril 1841, un mois après l’accession de W. H. Harrison à la présidence de la République, le journal salue l’événement; avec les républicains, il sera abolitionniste dans les années 1850 et, plus tard, opposé à la guerre contre le Mexique. Sensible aux problèmes de la condition ouvrière, il est protectionniste parce qu’il espère de cette politique une amélioration du niveau de vie des travailleurs; de même, il écrit en faveur de l’expansion de l’Union vers l’ouest. Greeley est le premier président du Syndicat de l’imprimerie de New York; il se dit socialiste et fait connaître les thèses de Fourier. L’équipe rédactionnelle qu’il forme comprend des associationnistes connus, Charles Dana, George Ripley, qui, avec Margaret Puller, ont participé à l’expérience «fouriériste» de Brook Farm. Marx sera, dix ans durant, correspondant londonien pour le journal. Instrument d’éducation spirituelle lancé dans la «guerre morale» contre le Herald , il est une «bible politique et sociale du foyer»; sa popularité, grande pour cela dans les régions rurales de la Nouvelle-Angleterre et du Middle West, bénéficie à son édition hebdomadaire, le Weekly Tribune . Il s’en prendra au théâtre, repaire de libertins et de courtisanes, à la publicité à sensation, à la peine de mort et à l’alcoolisme.

Comment deux journaux si différents en sont-ils venus à fusionner? C’est que le Herald est en perte de vitesse dès 1872, quand J. G. Bennett Jr. prend le contrôle du journal; il s’en désintéresse et vient s’installer à Paris (il y fonde l’édition européenne en 1887). En 1924, Frank A. Munsey, le nouveau propriétaire du Herald , engage des négociations avec le Tribune , qu’il désire racheter. Finalement, c’est l’inverse qui se produit, sous l’égide d’Ogden M. Reid, propriétaire du Tribune .

Grâce à une gestion avisée, qui suscite un grand intérêt chez les annonceurs publicitaires, le New York Herald Tribune utilise dès les années 1930 des moyens techniques accrus (radiotéléphone) et s’entoure, avec les années, de collaborateurs exceptionnels (Mark Sullivan, Walter Lippmann, Joseph Alsop, Arch Burchwald). Racheté en 1958 par John H. Whitney, il est proche du courant républicain (il sera favorable à Dwight Eisenhower) et non isolationniste. Mais il va être, comme d’autres titres, victime de la crise qui atteint la presse américaine en 1966-1967. Le 13 septembre 1966, il fusionne avec l’American Journal et le World Telegram and Sun , constituant le World Journal Tribune , pour échapper à la faillite financière. C’est à cette époque que la florissante édition internationale du New York Herald Tribune est vendue; il devient l’International Herald Tribune , dont la propriété est partagée entre la Whitney Communication Corporation, le New York Times (qui y intègre son édition européenne) et le Washington Post . Le World Journal Tribune ne vivra qu’une petite année, puisqu’il disparaît le 5 mai 1967.

Encyclopédie Universelle. 2012.