MOLINISME
MOLINISME
On appelle communément molinisme la doctrine de la liberté et de la grâce enseignée par l’ouvrage de Luis Molina intitulé Concordia liberi arbitrii cum gratiae donis (1588). Mais il existe un molinisme d’avant Molina; le fond du débat est bien antérieur à l’ouvrage du jésuite espagnol et, sans qu’il soit nécessaire de remonter aux controverses entre Pélage et saint Augustin, on peut le rattacher aux origines théologiques de la Réforme de Luther et à l’effort des premiers théologiens jésuites pour proposer alors une doctrine de la grâce qui garantisse la liberté humaine. L’élément le plus important de ce système, la «science moyenne», est dû à Pedro da Fonseca, qui enseigna la théologie à Coïmbre (Portugal), où Molina le connut: Fonseca définit vers 1565 la science moyenne comme une connaissance, antérieure au décret divin de prédestination, que Dieu aurait de l’usage que chacun fera des dons de grâce à lui accordés. Certains dominicains, tâchant de concilier Thomas d’Aquin avec Duns Scot, enseignèrent aussi que la liberté consiste en ce que la volonté n’est pas déterminée: la liberté pourrait même être alors cause matérielle de la justification. Le grand maître dominicain de Salamanque, Dominique Báñez, réagissant contre ces interprétations du thomisme authentique, proposa alors un enseignement tout entier fondé sur la prédétermination la plus stricte. Un premier affrontement se produisit en 1582 à l’occasion de la soutenance d’une thèse, à Salamanque, par un jésuite, Prudence de Montemayor. L’Inquisition de Valladolid, consultée, interdit d’enseigner les thèses de la science moyenne. Un peu plus tard, le jésuite Lessius fut condamné à Louvain, puis à Douai, comme semi-pélagien (1587-1588).
La parution du livre de Molina se situait donc dans un contexte de polémique aiguë. Assez mal rédigé, touffu, d’expression maladroite, ce gros livre a été le prétexte, bien plus que la cause, d’une reprise des hostilités, alors que Rome tentait d’apaiser la querelle en imposant le silence aux protagonistes. Dans sa Concordia , Molina se proposait de commenter la première partie de la Somme théologique de saint Thomas. À partir d’une discussion sur la causalité, où il s’opposait à la «prémotion» thomiste, Molina énonçait une théorie de la coopération divine qui l’entraînait sur le terrain de la grâce: L’homme collabore à l’acte surnaturel et, dans le cas de l’acte de contrition et d’attrition, le concours général de Dieu lui suffit à l’accomplir. La liberté humaine passe alors au premier plan: de ces efforts pour lutter contre le déterminisme des nominalistes et des luthériens, l’augustinisme classique ne sortira pas indemne, et Molina en vient à se rapprocher de certaines thèses pélagiennes (sur la condition et la nature humaines, sur le libre arbitre, sur les facultés de l’homme pécheur). La théorie de la science moyenne lui est alors nécessaire pour concilier cette liberté humaine avec l’enseignement de saint Paul et de saint Thomas: le décret éternel de Dieu sur chacun est un décret de providence, mais la prescience du bon usage que certains feront de leur liberté aidée des secours de la grâce en fait pour eux un décret de prédestination.
Penseur original, Molina explorait de manière hardie des domaines mystérieux et très controversés; ses redites littérales et ses maladresses doctrinales rendaient plus confuses les discussions qui s’élevèrent sur ces questions et dont la Concordia servit de prétexte. Attaquée, dès sa parution, par Báñez et les dominicains de Salamanque, la Concordia fut vigoureusement défendue par les jésuites de Valladolid. Les autorités ne voyaient pas alors sans inquiétude la reprise des hostilités entre les deux écoles; le pape Clément VIII décida de dessaisir l’Inquisition espagnole afin que l’affaire fût traitée à Rome, et il interdit toute discussion ultérieure sur le sujet. C’est le moment que Molina choisit pour faire publier à Anvers une édition revue de sa Concordia (1595), où, tout en tenant compte de quelques remarques, il accentuait, par sa doctrine des «prédéfinitions», son enseignement sur la science moyenne de Dieu. La suite du débat se situa désormais à Rome, dans le cadre des congrégations de auxiliis .
moliniste [ mɔlinist ] n.
• XVIIe; de Luis Molina, jésuite esp., 1536-1600
♦ Catholique partisan des opinions de Molina sur la grâce (prédestination conciliable avec le libre arbitre). Attaques de Pascal contre les molinistes. — Adj. Doctrine moliniste (MOLINISME n. m. , 1656 ).
● molinisme nom masculin Système élaboré par Molina pour concilier la liberté humaine et l'action de la grâce divine.
⇒MOLINISME, subst. masc.
THÉOL. CATH. Doctrine de Molina visant à concilier la liberté de l'homme avec la grâce de Dieu, celle-ci inclinant mais ne contraignant pas le libre arbitre. De toutes les violences exercées à la fin du règne de Louis XIV, on ne se souvient guère que (...) des lettres de cachet prodiguées contre Port-Royal, les jansénistes, le molinisme et le quiétisme (CHAMFORT, Caract. et anecd., 1794, p. 133). Le molinisme revient à réclamer pour la créature une part seulement sans doute, mais enfin une part d'initiative première et absolue dans l'ordre du bien et du salut (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 26).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1656 (PASCAL, Les Provinciales, III, 9 févr. ds Œuvres, éd. L. Lafuma, 1963, p. 382a). Dér. du nom de (Luis) Molina, jésuite esp. [1536-1600]; suff. -isme. Fréq. abs. littér.:13.
molinisme [mɔlinism] n. m.
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♦ Hist. relig. Doctrine de Molina et de ses partisans. || Le molinisme fut accusé de pélagianisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.