MITIDJA
MITIDJA
Vaste plaine sublittorale de 1 300 kilomètres carrés, plus ouverte à l’est, la Mitidja est bordée au nord par les basses collines du Sahel, plus basses encore à l’est d’Alger, et limitée au sud par la haute chaîne du Tell, véritable barrière naturelle enneigée une partie de l’année et franchie seulement par des gorges profondes (oued Djer, oued Chiffa, oued Isser). Bien arrosée (700 à 800 mm par an), elle offre un piémont égoutté au sud et un secteur inondable au nord. Plaine agricole peuplée de plus de 20 habitants au kilomètre carré avant 1830, elle fut intégrée à l’économie spéculative coloniale après une longue phase d’expropriation de la paysannerie souvent prolétarisée sur place. Elle est devenue zone de viticulture et d’agrumiculture mécanisées dominantes, presque exclusivement propriété coloniale, extravertie à travers le port d’Alger grâce à un réseau très dense de voies de communications et de centres plus ou moins urbanisés de collecte et de conditionnement des produits des cultures dominantes.
Les 175 exploitations «autogérées» qui regroupèrent, à l’indépendance, les 1 660 fermes coloniales et 80 p. 100 des terres de la Mitidja furent, ainsi que les coopératives nées de la révolution agraire, «restructurées» puis, à partir de 1985, éclatées en une multitude de petites exploitations collectives dont la privatisation amorcée bénéficie ici plus qu’ailleurs à la spéculation citadine. Les décennies de 1960 et de 1970 y ont vu l’arrachage massif de la vigne nécessité par la rétraction du marché sans que soient trouvées des cultures de substitution équivalentes. Soutenue par une politique de barrages destinée également à combler les déficits urbains en eau (Keddara, Boukourdane...) et par l’investissement public, l’intensification des années 1980 a bénéficié particulièrement aux zones de difficile reconversion (projet Mitidja-Ouest sur 21 700 ha). Elle s’est concrétisée par une extension rapide des cultures sous serres et par un accroissement de la production maraîchère restée toutefois en deçà de la demande potentielle régionale.
La division régionale de la Mitidja traduit le lien intime qui lie son évolution à celle de la capitale. À l’ouest franchement rural s’oppose une partie centrale, la plus déséquilibrée entre des agglomérations urbaines (Blida, Boufarik, Sidi Moussa...) et des campagnes très mitées, pendant qu’un arc de cercle reliant Baraki à Rouiba-Reghaia à l’est se rattache à l’agglomération algéroise. Ceux-ci, à mesure que les fonctions de la capitale s’affirment, sont le lieu privilégié de ses projections industrielles, tertiaires et de plus en plus des effets démographiques de son desserrement sous forme d’habitat collectif et individuel.
L’industrie fut d’abord circonscrite à la Mitidja orientale avec ses trois zones industrielles dont la plus grande, Rouiba-Reghaia, constitue le pôle algérien majeur de constructions mécaniques et métalliques: 800 hectares et 30 000 salariés dans une centaine d’unités de production, de réalisation et de services. Elle gagna ensuite la Mitidja centrale: Meftah (cimenterie), complexe de Sidi Moussa (180 ha), base Sonatrach de Beni Mered à proximité de Blida... Mitidja et Sahel concentraient, au début des années 1990, 40 p. 100 environ des emplois industriels de l’Algérois, Alger demeurant, malgré sa récente désindustrialisation, le principal foyer industriel du pays. Cette industrie est en crise: stagnation de l’emploi, fermeture de chantiers et effondrement de la production qu’illustre celle de l’usine de camions et autocars qui n’était plus en 1992 que de 3 440 unités contre 7 350 en 1984.
La plaine comptait 970 000 habitants au recensement de 1987. La progression des densités, de 295 habitants au kilomètre carré en 1966 à 720 en 1987, y traduit une croissance démographique encore forte: 4,2 p. 100 par an entre 1977 et 1987 mais ralentie par rapport à la décennie précédente (4,9 p. 100). Son taux d’urbanisation reste le plus élevé des plaines et bassins telliens d’Algérie (57 p. 100), mais il n’a que peu progressé depuis 1977, et la population urbaine a augmenté presque dans les mêmes proportions que la population rurale. Les villes importantes affichent une croissance moindre: 3,9 p. 100 à Larbaa, 3,1 p. 100 à Blida et 1,8 p. 100 à Boufarik. Intensification agricole, équipement local technique et tertiaire et projections algéroises en apparaissent les causes majeures. Certes, le taux des actifs agricoles y a baissé (20 p. 100 à l’est et 30 p. 100 environ à l’ouest), mais c’est plus en raison de l’extension de l’activité non agricole que d’une réduction de l’emploi agricole qui se maintient ou progresse légèrement.
Le réseau urbain, d’une vingtaine d’agglomérations, est certes dominé par Alger, mais Blida, cité historique jadis connue pour ses jardins et sa vie urbaine, devenue grande ville (environ 220 000 en 1994), centre industriel, administratif et universitaire important, y tient le rôle non seulement de relais mais également de pôle d’animation régionale. Le dynamisme économique et démographique du centre et de l’est de la Mitidja, déjà mis à mal par la crise générale, est compromis par un terrorisme plus étendu et plus virulent qu’ailleurs. Le repli, difficilement quantifiable des populations, en particulier vers Alger, en est, avec la paralysie de l’activité économique, un de ses effets.
Mitidja
Encyclopédie Universelle. 2012.