MANUTENTION
Du latin manus (main) et tenere (tenir), le mot «manutention» signifiait à l’origine: tenir manuellement, c’est-à-dire tirer, pousser, lever, reposer un ou plusieurs objets en ordre (charges isolées) ou en vrac (tels les produits pulvérulents et les fluides). Par extension, le mot couvre les opérations effectuées non seulement avec le seul concours des mains, mais à l’aide d’appareils qui facilitent l’effort de l’homme ou de l’animal, ou encore lui substituent une source d’énergie (vapeur, électricité, air comprimé, etc.). La manutention représente le facteur commun et concomitant de toutes les activités humaines, depuis l’homme préhistorique ramenant sa chasse sur son dos jusqu’à l’envoi dans l’espace de charges terrestres, en passant par l’érection des pyramides et des cathédrales, ainsi que le déplacement des produits dans les complexes industriels, commerciaux ou de transit. L’usage actuel prévaut de consacrer le vocable «manutention» à ces derniers domaines, en excluant les transports fluviaux, routiers, maritimes, ferroviaires et aériens; la manutention ne concerne plus alors que le déplacement des charges dans un cadre bien délimité.
La réalisation d’un produit manufacturé suppose son passage dans un ou plusieurs postes d’élaboration; elle implique donc des manutentions successives qu’il convient d’ordonnancer afin d’en réduire l’incidence sur les coûts. Très souvent, on a le choix entre ou bien manutentionner vite de faibles charges ou bien traiter de plus fortes charges en groupant des produits, ce qui suppose des stockages intermédiaires, d’où le lien indissoluble entre manutention, conditionnement et stockage.
Il convient d’autre part de choisir un trajet approprié, et cela d’autant plus que les déplacements interviennent dans les locaux occupés et où existent des obstacles (interdictions). Le choix de ce trajet se répercute sur celui de l’appareil: un sol largement dégagé permet d’envisager l’emploi, par exemple, de chariots automoteurs, alors que, dans le cas contraire, il est nécessaire de se rabattre sur des engins aériens n’utilisant pas ou peu la superficie disponible.
Les manutentions entrent pour 15 à 85 p. 100 dans le prix de revient des produits manufacturés.
Le conditionnement du produit transporté joue un rôle important dans les manutentions, allant, dans certains cas, jusqu’à interdire certaines d’entre elles (objets insaisissables). Ce conditionnement existe sous deux formes: il s’agit soit d’un simple emballage adapté à la fois au produit et aux opérations (conteneurs et emballages palettisables), soit de la transformation temporaire du produit par liquéfaction, solidification ou transformation chimique.
Le coût des transports se trouve d’autre part lié aux manutentions qui les accompagnent. C’est la raison pour laquelle les compagnies de transports terrestres, maritimes et aériens consentent des tarifs privilégiés pour certains types d’emballages (palettes, conteneurs).
La charge que peut porter un homme normal, pendant un temps déterminé, est relativement faible (par exemple un sac de charbon de 50 kg). Au-delà, il faut lui substituer un appareil approprié. Parallèlement, la charge maximale que l’homme est capable de transporter sur une distance donnée à une cadence déterminée diminue rapidement quand augmentent ces deux facteurs. Il s’ensuit des seuils de partage homme-appareils, qui relèvent des articles ERGONOMIE et organisation scientifique du TRAVAIL.
De l’Antiquité au XIXe siècle, les manutentions sont faites par l’homme ou par des animaux (bœuf, cheval, éléphant,...) à l’aide, le cas échéant, d’appareils simples: la roue apparue en Assyrie dix siècles environ avant Jésus-Christ, la poulie presque aussi ancienne, le levier, le chadouf cité par Hérodote et utilisé dans la construction des pyramides, le treuil et la roue élévatrice. Au Moyen Âge, des grues à tour sont mises en place pour la construction des cathédrales. Au début du XVIIIe siècle, les arsenaux se servent de chèvres et de crics à crémaillères pour poser les canons sur les affûts.
À partir du XIXe siècle, la machine à vapeur, le rail, les moteurs thermiques et électriques permettent de concevoir de nombreux types d’appareils, en particulier les ponts roulants, les chariots élévateurs et les convoyeurs. L’époque actuelle voit le développement de la «manutention automatisée», les appareils étant dotés de «mécanismes conscients» aptes à commander les opérations prévues sans le secours de l’homme. On assiste parallèlement à une organisation de la manutention, cette dernière venant s’intégrer dans l’organisation scientifique du travail ainsi que dans un ensemble comportant le conditionnement et le transport.
1. Les charges isolées
Bases
La manutention de charges isolées implique la présence d’une charge (un objet) et d’un cadre. Elle s’effectue suivant certaines modalités de fonctionnement.
– L’objet se caractérise par son poids, sa forme, sa matière, sa valeur. La préhension de celui-ci conduit à se doter fréquemment d’auxiliaires (palettes sur lesquelles on le fait reposer, palonnier pour le suspendre) ou à le conditionner en conséquence. En outre, tout corps constitutif présente un ensemble de propriétés physiques, chimiques et biologiques susceptibles, le cas échéant, d’influer sur les manutentions. La manutention d’objets fragiles ou portés à une température élevée impose certaines sujétions: modération des accélérations et des freinages, nivellement des obstacles, appareils de prise appropriés.
Les propriétés chimiques interviennent en raison des réactions pouvant naître entre l’objet, l’environnement dans lequel entre l’appareil de manutention et l’ambiance.
Le problème consiste, d’une part à contrarier les conditions favorables à la naissance de ces réactions (utilisation de moteurs électriques protégés en atmosphère corrosive), d’autre part à préserver l’objet, l’appareillage et le personnel des réactions les plus dangereuses, au cas où elles se produiraient en dépit des précautions prises (conteneurs et carters protecteurs, port de combinaisons ignifugées).
Les manifestations biologiques portent principalement sur les odeurs, les émanations toxiques et les rayonnements. Dans certains cas, on est amené à éloigner le manutentionnaire en prévoyant une télécommande, ou à l’isoler dans une cabine étanche alimentée en atmosphère convenable (scaphandre).
Enfin, la rareté ou le prix d’un objet influent parfois sur le choix de l’appareil de manutention, les conséquences d’une destruction, voire d’un simple endommagement, coûtant très cher.
– Le cadre est un espace, plus ou moins encombré, de dimensions très variables, délimité par des clôtures, des murs, voire une simple ligne de partage. Il se trouve à ciel ouvert, sous abri, ou encore les deux à la fois, et reçoit une affectation plus ou moins définie. Suivant le cas, on est en présence d’un cadre spécifique, c’est-à-dire conçu pour une production déterminée (cimenteries, chaînes de montage d’automobiles), ou d’un cadre polyvalent (atelier de grosse mécanique ou de chaudronnerie à façon).
– Les modalités de fonctionnement sont temporelles (manutentions s’effectuant à une cadence imposée) ou locatives (manutentions relatives au cadre). Les premières sont généralement liées soit à des impératifs techniques (exemple des métaux en fusion ou de l’emmanchement des rotors d’alternateurs), soit à des mobiles économiques. Les secondes concernent d’une part les appareils fonctionnant à poste fixe et dont la mise en place comme le retrait représentent une opération exceptionnelle (cas des transformateurs, des alternateurs, des machines-outils), d’autre part les opérations sans urgence (enlèvement d’objets dont la fabrication est terminée).
Appareils
Un mode de classement simple conduit à définir les appareils en fonction de quelques critères: possibilités de déplacement conférées par l’appareil à une charge; position de l’appareil par rapport au centre de gravité de l’objet (charge suspendue ou supportée); type d’entraînement (manuel, mécanique ou mixte); nature continue ou discontinue du mouvement.
On rapporte les déplacements à un système de références (coordonnées cartésiennes, semi-polaires ou sphériques; fig. 1). Dans tous les cas, il existe cinq mouvements fondamentaux élémentaires, lesquels peuvent être simultanés, séparés, ou encore combinés par deux, trois ou quatre.
Le nombre de mouvements possibles qu’un appareil peut conférer à une charge est appelé «valence»: un appareil monovalent déplace la charge suivant une seule direction, un appareil bivalent suivant deux directions, etc.
On affecte à un appareil le signe + si l’objet est suspendu, le signe 漣 s’il est supporté.
Tous les appareils de manutention «princeps» sont monovalents; les appareils de valence supérieure, quelle que soit leur technologie, résultent de la combinaison d’éléments monovalents.
À titre d’exemple, les appareils monovalents comprennent les leviers, poulies, roues dentées, treuils, appareils à mâchoires, coins, crics, vérins, roues et roulettes, plaques tournantes, potences, mâts inclinables, plans inclinés et transformateurs à rouleaux. Les appareils de valence supérieure dérivent donc des précédents (monorails, ponts roulants, convoyeurs, grues).
Ponts roulants
Les ponts roulants se composent (fig. 2): d’une poutre simple ou composée (P1, P 1) appelée portée (distance XX ); de deux sommiers sur lesquels se trouvent fixées les extrémités de la poutre (ces sommiers portent également les roues ou galets qui permettent au pont de se mouvoir longitudinalement); d’un chariot mobile le long de la portée et qui porte l’engin de levage, en règle générale un treuil, l’ensemble chariot-engin étant dénommé «équipage mobile de levage».
Ces appareils permettent, au moyen des mouvements de levage, direction et translation, de faire occuper à une charge tous les points d’un volume parallélépipédique.
On distingue, en outre, les ponts posés et les ponts suspendus. Dans le premier cas, le pont roule sur des chemins de roulement constitués par des rails disposés à une hauteur convenable; dans le second, la poutre maîtresse est suspendue à des sommiers servant de support, grâce à une paire de boggies roulant sur la partie supérieure des ailes inférieures d’un chemin de roulement.
Les monorails peuvent être considérés comme un cas particulier des ponts roulants.
Chariots élévateurs à fourches
Le principe mis en œuvre dans un chariot élévateur à fourches consiste à disposer la charge sur les bras d’une chaise susceptible de se déplacer verticalement le long de deux coulisses fixées sur des montants (fig. 3). Ces derniers sont solidaires, à leur partie inférieure, d’un châssis équerré muni de roues fixes et pivotantes ou orientables (chariot). L’équipement de base défini ci-dessus est complété par un appareil de levage, par exemple un treuil en applique avec un câble, ou une chaîne renvoyée par poulie.
L’énergie nécessaire est fournie soit par un moteur électrique, soit par un moteur thermique, les chariots du premier type étant surtout utilisés pour de faibles charges (1 500 kg maximum) et pour circuler à l’intérieur de bâtiments.
Les constructeurs s’efforcent de réaliser des modèles à grande hauteur de levée aussi peu encombrants que possible. Parallèlement, divers accessoires (attachements) sont susceptibles de compléter le dispositif de levage.
Convoyeurs
Les convoyeurs sont constitués par un certain nombre de chariots ou «trolleys» régulièrement espacés et roulant sur une voie appelée «chemin de roulement», accrochée à une charpente. Une chaîne motrice fermée, actionnée par un groupe motoréducteur, réunit les différents trolleys.
Il existe deux catégories de convoyeurs: les convoyeurs à simple voie, où la charge ne peut quitter son rang; les convoyeurs à double voie, où le trolley circule sur un rail indépendant, ce qui permet de dériver la charge au moyen d’aiguillages.
Les convoyeurs, surtout ceux à double voie, se prêtent bien à l’automatisation, ce qui explique en grande partie leur développement actuel. Le principe mis en œuvre consiste à disposer sur le trajet des contacts séquentiels qui commandent les mouvements, ces derniers affectant soit l’engin (par exemple la montée ou la dépose par des élévateurs ou des descendeurs), soit les aiguillages.
Appareils de manutention de produits nucléaires
Les appareils de manutention de produits nucléaires sont conçus en fonction des astreintes créées par l’objet, lequel est généralement radioactif, par le cadre souvent contaminé et par des modalités de fonctionnement découlant du processus de traitement. La pénétration dans le milieu contaminé ou la sortie de ce milieu doit se faire sans extension de la contamination.
Divers procédés sont utilisés pour réaliser les manutentions correspondantes. Les problèmes d’introduction sont résolus par des sas assurant la protection contre les rayonnements X, par l’emploi de matériaux tels que le plomb ou le bore, ainsi que par des membranes en matières thermoplastiques soudables. Les manipulations à l’intérieur d’une enceinte contaminée peuvent s’effectuer manuellement à l’aide de gants en caoutchouc étanches aux radiations alpha ou par des manipulateurs permettant la saisie des objets, dans des enceintes soumises aux rayonnements X, gamma et neutroniques.
Auxiliaires de levage et de stockage
Les auxiliaires de levage et de stockage comprennent le conditionnement des objets dont la préhension pose des problèmes, les accessoires de repos et les accessoires de préhension.
Le conditionnement de l’objet se fait soit en l’enfermant dans un emballage convenablement adapté, soit en le munissant de pièces complémentaires comme des anneaux ou des queues de cochon. Les accessoires de repos sont nombreux, les principaux étant les plates-formes, palettes, palettes-caisses et conteneurs. À signaler qu’ils sont utilisés généralement en série et souvent conçus en vue du levage, à l’aide de fourches (utilisation courante de chariots élévateurs) et du gerbage (empilage d’éléments les uns sur les autres, de manière à économiser la surface au sol). Ces accessoires de préhension se divisent en deux catégories: d’une part des éléments simples, comme les chaînes, cordages, élingues, palonniers, bourriquets et filets; d’autre part, des dispositifs permettant la saisie par accrochage direct et par développement, par serrage et adhérence (pinces, palonniers, électro-aimants, ventouses, etc.).
Parmi les installations de manutention automatisée, utilisant un plateau auxiliaire, on peut citer celle qui permet la circulation des bagages dans les aéroports (fig. 4). Chaque bagage pris en compte par les services de l’aéroport est mis sur un plateau à double fond comportant des plaquettes d’indexation appelées «magnets», tandis que des électro-aimants se trouvent disposés le long des circuits.
Si le vol est annoncé à l’instant où le plateau quitte la banque de départ, celui-ci est amené directement aux banquettes d’éjection. Dans l’hypothèse contraire, il est amené sur des circuits de stockage, jusqu’au moment de l’annonce du vol. À cet instant, des aiguillages l’orientent sur la voie de remontée, puis de là vers les banquettes d’éjection.
Automation
Il y a automation quand, dans un ensemble, un signal donné A entraîne une réponse B. Par extension, à un ensemble de signaux A1, A2, An correspondent des réponses B1, B2, Bn , ce qui n’exclut pas la possibilité pour certaines de se confondre ou de ne pas exister (relations injectives ou surjectives). L’automation d’un cycle de manutention porte sur la totalité des opérations. Mathématiquement, un tel cycle se présente soit sous la forme d’équations paramétriques X = f (t ); Y = 﨏(t ); Z = 祥(t ); soit sous la forme d’une relation du type F(X, Y, Z, t ) = 0; donc des fonctions homogènes du temps.
Les commandes interviennent soit à partir d’un programme – les principes mis en œuvre se trouvent alors liés aux fonctions temporelles –, soit au fur et à mesure du déplacement de la charge, principes liés aux fonctions locatives. Dans la première hypothèse, les dispositifs les plus couramment utilisés sont la minuterie, les contacts temporisés, les micromoteurs, le mécanisme de lecture de bandes magnétiques, de codes à barres ou d’étiquettes électroniques, liés à un système d’asservissement. Dans la deuxième hypothèse, les ordres sont donnés par des contacts séquentiels, lesquels commandent les mouvements prescrits, ces derniers affectant soit l’engin (par exemple pour le levage ou la dépose), soit les aiguillages disposés sur le chemin de roulement (indexation du mobile); ces contacts sont concrétisés le plus souvent: par l’application directe de deux corps (contacts matériels), par la liaison entre un émetteur de flux ou de rayonnement et un détecteur approprié, par l’action d’un barreau de fer doux dans un champ magnétique.
2. Manutention du vrac
Bases
Comme pour les charges isolées, toute manutention de vrac suppose que soient définis l’objet, le cadre et les modalités de fonctionnement.
L’objet se caractérise ici par sa densité, son informité, son anisotropie et sa matière. Il se produit, en outre, un effet de talus plus ou moins prononcé lorsque le vrac se trouve déposé librement. D’autre part, ce vrac présente une certaine viscosité et sa conservation est souvent fonction des conditions atmosphériques (température, exposition au soleil, pluie, vent, hygrométrie).
Le cadre dévolu à une manipulation de vrac présente sensiblement les mêmes caractéristiques que celui qui pourrait être réservé à la manutention de charges isolées. Étant donné, toutefois, la sensibilité du vrac aux conditions atmosphériques, les facteurs d’environnement naturels ou non y prennent une importance accrue.
Les modalités de fonctionnement sont également temporelles ou locatives. Mais le vrac, de par sa nature même, permet d’envisager des manutentions continues (manutention de minerai sur un tapis roulant actionné en permanence) ou discontinues (déplacement de gravats par pelle automotrice). Par ailleurs, la notion de débit remplace celle de nombre ou de poids unitaire utilisée pour des charges isolées.
Procédés
Les procédés se divisent en deux groupes: ceux qui permettent la manutention discontinue, le vrac se trouvant transformé à cet effet en charges fractionnées (cas des bennes, chouleurs, électro-aimants) et ceux qui autorisent une manutention continue. Cette dernière catégorie se trouve également subdivisée en deux, suivant qu’on fait appel à des appareils mécaniques offrant au vrac une assise suffisante (cas des tapis roulants et transporteurs à bandes) ou qu’on fluidifie le vrac à l’aide d’air comprimé, ou d’un liquide sous pression, de manière à pouvoir le véhiculer ensuite sous forme fluide. Le premier de ces processus suppose une granulométrie suffisamment fine et une viscosité très réduite; on y fait appel couramment pour manutentionner du ciment ou de la farine. Le second est surtout utilisé pour des minerais et des boues résiduaires.
Les appareils mécaniques pour manutention continue sont extrêmement nombreux et leur technologie est plus ou moins poussée. Suivant les cas, ils se rattachent au plan incliné, à la goulotte, au transporteur à bande, au racloir à chaîne ou à câble, à la chaîne de dragage, à l’élévateur à godets, à la vis d’Archimède, à l’enceinte vibrante, au dispositif de projection.
Les appareils pour produits fluidifiés comprennent toute la gamme des ventilateurs, cyclones, chambres de détente, boîtes de distribution, distributeurs, injecteurs, éjecteurs, aéroglissières, ainsi que les filtres et tamis qui les complètent éventuellement. On distingue, par ailleurs, les appareils fonctionnant à basse pression (moins de 4,5 bars), moyenne pression (4,5 à 20 bars) et haute pression (plus de 20 bars).
Manutentions de fluides
Les manutentions de fluides s’effectuent soit dans des récipients, auquel cas le problème se trouve ramené à celui d’une charge isolée, soit dans des canalisations appropriées à la nature du fluide (tuyauteries en acier ordinaire, en acier galvanisé, en acier inoxydable, en cuivre, en alliage léger, en matière plastique, etc.). Si la canalisation présente une pente suffisante, le déplacement s’effectue par gravité. Dans le cas contraire, des stations de compression (gaz) ou de pompage (liquide) doivent être disposées à des emplacements déterminés, de manière à vaincre les pertes de charge qui s’opposent aux déplacements. Les opérations de montée correspondant au levage des charges isolées s’effectuent par aspiration, celles correspondant à la dépose de ces mêmes charges sont commandées par l’ouverture de la canalisation d’arrivée, cette ouverture intervenant manuellement ou automatiquement.
Des termes consacrés par l’usage sont utilisés pour désigner les canalisations correspondantes: aqueduc pour l’eau et les liquides aqueux, oléoducs pour les huiles, pétroles et dérivés, gazoducs pour les gaz.
3. Stockages
Le stockage fait partie intégrante de la manutention, un grand nombre d’opérations s’ effectuant à partir de stocks et se terminant de même.
Les bases sont les mêmes que celles de la manutention. L’objet , suivant le cas, est constitué par un solide, par du vrac ou par un fluide. Il peut, d’autre part, y avoir groupage ou dégroupage. Le cadre présente une dimension déterminée, il est en plein air ou intérieur à un bâtiment (éventuellement conditionné, compte tenu du produit stocké), et il est utilisé soit fonctionnellement soit locativement. Les modalités de fonctionnement sont fonction de la disposition du stockage (stockage amont, intermédiaire, aval), de son rôle (stockage tampon), de sa nature (stockage statique si les objets demeurent en place sur une aire de stockage, stockage dynamique s’ils se déplacent les uns par rapport aux autres en fonction des modifications de stock).
Les procédés de stockage statique dépendent de la nature du produit. Pour les charges isolées, on distingue le stockage superficiel (à même le sol), le stockage en hauteur (casiers), le gerbage. Le vrac est le plus souvent stocké en tas, mis en parc ou déversé dans des fosses. Enfin, des récipients (réservoirs ou bâches) servent à emmagasiner les fluides.
Les stockages dynamiques sont constitués soit par des systèmes liés au sol, soit par des systèmes aériens. Les premiers sont matérialisés par des dispositifs à gravité ou mécaniques, comme les trémies à circulation pour les charges isolées et les silos pour le vrac, les seconds par les monorails et convoyeurs mentionnés à propos des charges isolées ou des robots transporteurs.
Pour les stockages statiques de charges isolées, on utilise principalement les auxiliaires de préhension déjà signalés, à savoir les plates-formes, palettes, bacs, caisses, conteneurs et casiers divers. Les intallations de stockage de vrac et de fluide sont celles déjà citées à titre d’exemple dans l’énumération des procédés.
Les installations de stockage dynamique demandent une étude plus poussée. Les plus simples sont représentées par des casiers inclinés, munis ou non de rouleaux, de manière que les objets viennent toujours se présenter à l’extrémité et que le manutentionnaire n’ait aucune peine à s’en saisir. Une technologie plus évoluée conduit à des casiers à entraînement mécanique se déplaçant en fonction soit d’un programme (modalité temporelle), soit d’une indexation (modalité locative). Il arrive enfin que les monorails et convoyeurs comportent des files d’attente faisant office de stocks tampons.
4. Influence sur les implantations
Toute manutention se déroule dans un cadre, lequel représente l’une des trois données fondamentales. Corrélativement, l’implantation, schématisée par un plan-masse de ce cadre, entraîne des conséquences sur les manutentions susceptibles de s’y dérouler. Une implantation quelconque est avant tout géographique. Cette première évidence se traduit par des données économiques (niveaux de salaires, coût de la vie), sociales (degré d’évolution des habitants, situation du logement), administratives (autorisation de construire), énergétiques et prospectives (zone qu’on cherche à développer indus triellement).
L’exploitation d’une installation industrielle, d’un ensemble commercial ou d’un complexe de transit suppose l’existence des liaisons amont et aval voulues, donc d’un certain nombre de moyens de transport, tant pour l’acheminement et l’évacuation du personnel que pour celui des marchandises.
Une manutention est caractérisée par un déplacement, donc par un débit, ce débit étant par unité de temps, suivant le cas, un nombre d’objets, un poids ou un volume. Il existe, avant et après déplacement, un stock plus ou moins important, mais le déroulement normal d’une manutention suppose que ces stocks ne descendent pas au-dessous d’une quantité minimale appelée «stock de sécurité», avec l’obligation de réserver chaque fois la superficie nécessaire. Étant donné, d’autre part, que des opérations d’élaboration modifiant la nature du produit sont susceptibles de se dérouler au cours des manutentions et de transformer l’objet, toute manutention se trouve assortie des notions de débit et de stockage avant fabrication, pendant la fabrication et avant expédition.
Un plan-masse (ou plan de masse) comporte les indications suivantes: orientation, limites du terrain, implantation des constructions existantes ou projetées, amorce des constructions voisines avec le nombre de leurs étages ou leur hauteur. Il met, d’autre part, en évidence les zones de fabrication, de manutention, de stockage et de circulation.
L’évolution d’un plan-masse suppose l’intervention de l’architecte, à la fois pour les accès et les bâtiments. Il est beaucoup moins onéreux de prévoir un gros œuvre convenant à des manutentions éventuelles, par exemple l’installation ultérieure d’un pont roulant, que d’aménager un bâtiment quelconque en vue de manutentions non envisagées lors de la construction.
Les plans-masses sont tenus à jour, les modifications faisant l’objet d’une étude prévisionnelle puis, lorsque celle-ci est approuvée, d’une étude définitive.
5. Réglementation et sécurité
Il existe des textes législatifs relatifs à la conception et à la construction des appareils ou de leurs organes, des textes relatifs à l’emploi des appareils, des textes de portée générale, ainsi que des recommandations, notamment sur l’emploi des appareils, en fonction du temps moyen d’utilisation.
Un certain nombre de ces textes se rapportent aux ascenseurs et monte-charges, aux appareils de chantiers, aux ponts roulants, aux chariots élévateurs, aux installations électriques.
Les dangers découlant d’une manutention sont, suivant le cas, le fait de l’appareil ou les conséquences de son emploi.
Un certain nombre d’appareils sont donc munis de sécurités de surcharge, de sécurités de mouvement, les deux catégories pouvant coexister. Les premières empêchent le fonctionnement à partir du moment où on atteint le seuil de surcharge, que cette dernière provienne d’un excès de masse ou d’une accélération anormale. Les secondes interviennent dans des opérations telles que l’arrêt, le freinage, les interdictions de passages. Il n’est guère possible de les envisager lorsqu’il s’agit de s’opposer à des mouvements imprévisibles, cas où le dispositif d’urgence s’impose.
Qu’il s’agisse de complexes industriels, commerciaux ou de transit, le niveau technique actuel des appareillages spécifiquement utilisés pour produire, servir ou véhiculer impose que le choix des appareils de manutention, des circuits et des méthodes résulte d’une recherche opérationnelle et d’études de génie technique «logistique», faites en liaison avec l’organisation scientifique du travail et tenant compte des facteurs tant ergonomiques qu’économiques.
manutention [ manytɑ̃sjɔ̃ ] n. f.
1 ♦ Manipulation, déplacement manuel ou mécanique de marchandises, en vue de l'emmagasinage, de l'expédition et de la vente. ⇒ gerbage. Employé préposé à la manutention de colis (⇒ manutentionnaire) , des bagages (⇒ bagagiste) . Appareils, engins de manutention.
2 ♦ Local réservé à ces opérations. La population « des employés du Bon Marché se déversait vers les manutentions » (Chardonne).
● manutention nom féminin (latin médiéval manutentio, -onis, de manutenere, maintenir) Action de manipuler, de déplacer des marchandises en vue de l'emmagasinage, de l'expédition, de la vente ; local réservé à ces opérations. Vieux. Entrepôt de l'intendance militaire où était fabriqué, notamment, le pain pour la troupe. ● manutention (synonymes) nom féminin (latin médiéval manutentio, -onis, de manutenere, maintenir) Action de manipuler, de déplacer des marchandises en vue de...
Synonymes :
- entrepôt
- magasin
- réserve
manutention
n. f.
d1./d Transport de marchandises, de produits industriels, sur de courtes distances (d'un poste de stockage à un autre, d'un véhicule à un autre, etc.).
d2./d Local où ont lieu ces opérations de manutention.
⇒MANUTENTION, subst. fém.
A. —DR. ADMIN., vx
1. Rare. Synon. de conservation, maintien. La manutention d'un arrêt, d'une loi, de la discipline, des statuts et réglements d'une compagnie (Ac. 1835, 1878).
2. Synon. de administration, direction, gestion. Ni l'un ni l'autre [M. Joly de Fleury et M. d'Ormesson] n'avaient la moindre idée de la manutention des finances (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 89). La manutention administrative, science compliquée et variable, qui exige une grande pratique (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 403):
• 1. ... l'avocat eut le bon esprit de faire désirer la direction littéraire de cette Revue au fils aîné de monsieur Boucher (...) à qui les pièges et les chagrins de la manutention littéraire étaient entièrement inconnus.
BALZAC, A. Savarus, 1842, p. 33.
— P. anal. Ce rôle sérieux, franchement conçu et embrassé tout d'abord, de la manutention des études et des esprits, méritait d'occuper tout un homme, un homme tel que lui [Guizot] (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 104).
B. —TECHNOL. Action de manipuler quelque chose, en vue de l'emmagasinage, de l'expédition ou de la vente; déplacement manuel ou mécanique de marchandises, de paquets, comprenant le chargement et le déchargement, le transport des produits en cours de fabrication, le pesage et l'emballage (d'apr. Lar. comm. 1930). Manutention du charbon, du papier; manutention des colis, des liquides; appareil de manutention. L'aménagement des quais d'un port de commerce comprend (...) des instruments destinés à la manutention des marchandises: grues, treuils, bigues fixes ou flottantes, allèges, etc. (BOURDE, Trav. publ., 1929, p. 309). Engins de manutention mécanique qui permettent de décharger et de charger en quelques minutes plusieurs centaines de kilos de marchandises (Évol. transp. aérien marchand., 1957, p. 5).
— P. méton. Lieu où se fait la manutention. Synon. entrepôt, magasin, réserve. Il est employé à la manutention (Ac. 1935).
♦Vx. Établissement où l'on fabrique le pain pour l'armée et où l'on entrepose des vivres et des fournitures d'intendance. J'ai vu (...) des chariots comtois amener les fournitures de la Compagnie Héricourt dans les manutentions (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 91):
• 2. ... l'omnibus (...) qui est obligé de s'arrêter et de longtemps stationner devant la manutention, tant le quai est encombré de camions chargés de caisses de biscuits, d'omnibus bondés de pains jusqu'au toit, (...) de chariots de toutes sortes, écrasés de tonneaux de farine, se pressant, se bousculant à l'entrée ou à la sortie de la gigantesque usine du manger de nos soldats.
GONCOURT, Journal, 1870, p. 619.
REM. Manutentionneur, subst. masc., hapax. Les hommes d'État ne seront plus que des manutentionneurs d'emplâtres assez ineffectifs (...) et, au bout de quelques mois, de quelques années, ils verront leur patient retomber dans les convulsions (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 241).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1478 manutancion «action de maintenir, maintien» (Ordonnances des rois de France, t. 18, p. 409); 2. 1499 «administration gestion» (Recueil gén. des anc. lois fr., éd. Isambert, t. 11, p. 321: pour la manutention et entretenement de l'estat de nos royaume et seigneuries) sens cour. surtout à partir du XVIIe s. B. 1. 1812 milit. «établissement où se fabrique le pain pour l'armée» (MOZIN-BIBER); 2. 1820 «manipulation de marchandises» (Circul. des contrib. indir., 26 sept., n° 31 ds LITTRÉ); 3.1902 «lieu où se fait la manutention des marchandises» (Nouv. Lar. ill.). Empr. au lat. médiév. manutentio «protection, appui, aide, maintenance» (XIIe s. ds BLAISE Latin. Med. Aev. et Nov. gloss.), dér. du lat. pop. manutenere (maintenir). Fréq. abs. littér.: 44.
DÉR. 1. Manutentionnaire, subst. Personne qui fait des travaux de manutention. Manutentionnaire dans une fabrique, un entrepôt, une gare. Les magasins doivent être des endroits clos dans lesquels pénètrent seuls les employés et manutentionnaires (CHAMPLY, Nouv. encyclop. prat., t. 20, 1927, p. 182). Actuellement, il est manutentionnaire: une place qui lui permet tout juste de gagner sa vie (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 81). —[]. — 1res attest. a) 1788 admin. milit. manutentionnaires des vivres (Réponses Gap, États Dauphiné, St-Crépin, p. 450 ds BRUNOT t. 9, p. 953, note 3), b) 1907 «personne employée aux travaux de manutention» (Nouv. Lar. ill. Suppl.); de manutention, suff. -aire2. 2. Manutentionner, verbe trans. a) Déplacer, soumettre à la manutention des marchandises. Les tôles, qui sont toujours très encombrantes et dangereuses à manutentionner (BARNERIAS, Aciéries, 1934, p. 83). Port-du-Louvre, où l'on manutentionnait des centaines et des milliers de caisses de liqueur (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 342). b) Vx. Fabriquer le pain de l'armée. (Dict. XIXe et XXe s.). P. métaph., en emploi pronom. à sens passif. Cette forge intellectuelle où se manutentionnait le pain quotidien de l'opposition, où se répétaient les rôles de la grande tragi-comédie jouée par la gauche (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 265). — [], (il) manutentionne []. — 1res attest. a) 1789 «soumettre à une opération de manutention» (Le Moniteur, t. 2, p. 509: j'ai pourtant un peu bonifié [ce seigle] en le faisant manutentionner à différentes reprises), b) 1819 admin. milit. (BOISTE); de manutention, dés. -er.
manutention [manytɑ̃sjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1478, « maintien »; « gestion » fin XVIe; sens mod., 1820; lat. médiéval manutentio, de manu tenere, « tenir avec la main ». → Maintenir.
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1 (1478). Vx. Action de maintenir; maintien. || Cassation (cit. 1) ou manutention d'un arrêt (Saint-Simon), des lois (Condillac).
2 (Fin XVIe). Vx. Dr. ⇒ Administration, gestion. || « Manutention des deniers publics, des subsistances » (Capitant, Voc. juridique).
3 (1820, en parlant du tabac). Mod., cour. Manipulation, déplacement manuel ou mécanique d'objets, de marchandises, etc. (notamment en vue de l'emmagasinage, de l'expédition et de la vente). || La manutention comprend les transports jusqu'au lieu de travail, au cours de la fabrication, le pesage, le conditionnement, les transports de distribution, l'emmagasinage (⇒ Gerbage, gerber, palettisation, palettiser). || Manutention des colis et fardeaux (par bennes, convoyeurs, tapis roulants…; chariots, wagons). ⇒ Chargement, transport. || Manutention du ciment, des produits bruts, des produits liquides, du pétrole. || Appareils de manutention : appareils de levage et de transport; appareils d'emballage. || Conducteur d'engins de manutention. ⇒ Cariste.
1 Treuils, poulies, machines simples, et toutes ces manœuvres de manutention qui de la rive dans les cales, de la cale sur la rive transposent la matière des échanges (…)
Valéry, Variété II, p. 32.
♦ Employé chargé de la manutention des bagages dans un hôtel, un aéroport. ⇒ Bagagiste.
4 Par ext. Local où se fait la manutention des marchandises. || La manutention d'un grand magasin.
2 La population correcte des employés du Bon Marché se déversait vers les manutentions et se pressait aux portes réservées (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 189.
5 Techn. Stade industriel de transformation « qui fait subir au produit textile — tissu ou autre — son achèvement par le blanchiment, la teinture ou l'impression et par les divers apprêts destinés à lui conserver ou conférer des qualités particulières » (P. de Calan, le Coton et l'Industrie cotonnière, p. 37).
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DÉR. Manutentionnaire, manutentionner.
Encyclopédie Universelle. 2012.