APHRODITE
APHRODITE
Née de Zeus et de Dionè, selon Homère (Iliade , V, 365), la déesse grecque Aphrodite est, selon la tradition hésiodique, surgie de la semence écumeuse jaillie des parties sexuelles d’Ouranos mutilé, que son fils Kronos avait jetées dans la mer (Théogonie , 173 et suiv.). Le flot la porte alors vers Cythère et Chypre (Odyssée , II, 288; XVIII, 193), ce qui explique l’hypothèse de l’origine orientale de la déesse (cf. H. Hester, Éléments orientaux dans la religion de la Grèce ancienne ). Marine par sa naissance, elle reste pontia et thalassios (Euripide, Hippolyte , 734). Mais l’élément central de cette figure grecque est son pouvoir de séduction; divinité de l’amour, elle est à la fois celle qui inspire l’éros améchanos (qui peut conduire aux pires folies) et celle à qui l’on doit les «douces œuvres du mariage» (Iliade , V, 429; Odyssée , XX, 74), qu’elle partage avec Héra et la conjonction des époux. Apparaît ainsi l’ambiguïté d’Aphrodite, qui, d’un côté bénéfique, est l’Aphrodite de la bonne Peitho et, de l’autre, préside au leurre séducteur de la femme.
Cette ambiguïté est celle-là même de la peithô grecque (cf. M. Detienne, Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque , Paris, 1967), celle aussi des atours chatoyants et bariolés de son strophion , ceinture qu’elle remet en particulier à Héra, afin que celle-ci séduise Zeus pour le tromper (Dios Apatè, Iliade , XIV, 212 et suiv.). L’ambiguïté d’Aphrodite peut aussi bien protéger l’union conjugale et veiller sur le bonheur des époux (Théocrite, Épigrammes , 13) que devenir l’autre et le contraire des valeurs civiques et matrimoniales; elle s’avère alors représenter le désordre érotique et la séduction pleine de parfums (cf. M. Detienne, Les Jardins d’Adonis , Paris, 1972 — ouvrage qui, à partir du mythe d’Adonis, qu’il interprète en particulier en termes de code végétal, décrit les axes qui opposent symétriquement à la fête des Adonies celle des Thesmophories, marquées par le jeûne et l’abstinence des femmes athéniennes).
Aphrodite est ainsi le principe nécessaire à la conjonction des époux, par laquelle l’homme assure sa reproduction et qui passe par la séduction et l’intervention d’Éros, son perpétuel compagnon et son fils (Hésiode, Théogonie , 20 et 64; Eschyle, Les Suppliantes , 1040) ainsi que par sa charis (puissance de don, d’échange dans la séduction), en même temps qu’une divinité de la ruse (apatè ) et de la méchanè (Aphrodite Machanatis dans Pausanias, Description de la Grèce , VII, XXXI, 6). Ce sont les Charites qui, avec les Heures, tissent ses voiles (Iliade , V, 338; Hésiode, Théogonie , 64). Elle est le principe primordial de la conjonction amoureuse et de l’union désirée, qui submerge aussi bien les dieux que les hommes (Hymne homérique à Aphrodite , 36, où elle apparaît comme la «déesse qui égare même la raison de Zeus»). «Tout est né d’elle» (Euripide, Hippolyte , 447) et c’est elle qui réveille au printemps les forces reproductrices de la nature avec les Heures (Hymne homérique à Aphrodite , 2, 5; Pausanias, V, XV, 3). Elle est la cause première de la fécondation (Eschyle, Danaïdes ) et c’est aussi au titre d’eukarpos (Sophocle) et de doritis (Pausanias, I, I, 3) qu’elle châtie Hippolyte d’avoir refusé de se soumettre à ce principe premier de la nature, pour ne se consacrer qu’aux œuvres d’Artémis dans la chasteté, comme on le voit aussi dans Eschyle (Danaïdes ). Mais Aphrodite peut, d’autre part, avoir un rôle de principe perturbateur en inspirant des sentiments démesurés et incoercibles (tel l’amour d’Hélène et de Pâris, Odyssée , IV, 261), porteurs d’illusion et d’irréalité, bouleversant l’ordre social de la paix et de l’harmonie. Tous ces aspects se trouvent réunis dans un même mythe (Hymne homérique à Aphrodite , passim ), où déguisée en jeune fille (nymphè , jeune fille à marier), elle succombe, elle aussi, au joug d’Éros, en s’accouplant à un mortel, Anchise, pour concevoir Énée. D’Anchise, qui désire le mariage, à Aphrodite qui, à la fois victime et maîtresse de la ruse, le trompe par son apparence, on reconnaît la diversité des facettes de ce personnage.
● aphrodite nom féminin (de Aphrodite, nom propre) Superbe annélide en forme d'amande, couverte de soies irisées et qui vit en surface dans les sables marins.
Aphrodite
déesse de l'Amour et de la Beauté, dans la myth. gr. (Vénus dans la myth. lat.). Elle déchaîne les passions des humains (ainsi que son fils éros).
⇒APHRODITE, subst. fém.
I.— [P. allus. à Aphrodite, déesse grecque de l'Amour] Femme qui voue sa vie aux plaisirs de l'amour :
• 1. Le pire c'est que c'est assez rare et qu'il ne veut plus naître personne; un peu de sensualité les sauverait. Je vais faire venir des Aphrodites.
GIDE, Correspondance [avec P. Valéry], 1896, p. 265.
II.— ZOOL. Genre d'annélides polychètes au dos couvert de soies épaisses qui vit sur les fonds de vase ou de sable des côtes. Synon. pop. souris ou taupe de mer :
• 2. Dans l'Aphrodite hérissée, ce sont de petites crètes charnues, ressemblant un peu à celle du coq, placées au-dessus de chaque tubercule portant des épines. Il y en a une quarantaine de paires. Dans l'Aphrodite écailleuse, ce sont de petits faisceaux de filamens.
CUVIER, Leçons d'anat. comp., t. 4, 1805, p. 436.
Rem. GUÉRIN 1892 donne le mot comme masculin.
III.— MINÉR. Variété de magnésite ou « écume de mer », minéral voisin de la sépiolite (s'écrit aussi afrodite), avec lequel on fait des pipes très estimées.
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. aphrodisme, subst. masc., du rad. de aphrodite, suff. -isme. Abus des plaisirs de l'amour. Synon. usuel érotisme : ,,Saint-Meen, le macabre de l'aphrodisme, un sadique, il a fait une apologie du viol en treize chants.`` (PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, p. 190).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST.
A.— 1771 Antiq. (Trév. : Aphrodite [...] C'étoit aussi le nom d'une danse chez les anciens, dans laquelle on représentoit Vénus); 1838 (Ac. Compl. 1842 : Aphrodite [...] Espèce de pantomime en usage chez les Grecs, selon l'Encyclopédie) — 1892, GUÉRIN.
B.— 1768 d'apr. éd. 1775 zool. (J.-C. VALMONT DE BOMARE, Dict. raisonné universel d'hist. naturelle, Paris, Brunet, t. 1 : Aphrodite. Espèce de chenille de mer qui se trouve dans les mers d'Occident).
C.— 1866 minér. (Lar. 19e).
D.— 1896 « femme qui, comme Aphrodite, voue sa vie aux plaisirs de l'amour », supra ex. 1.
A empr. au gr. « nom de la déesse de l'amour » (lat. Venus) que l'étymol. pop. fait dériver de « écume » (P. CHANTRAINE, Dict. étymologique de la lang. gr., Paris, Klincksieck. p. 148) parce que Aphrodite était selon la légende sortie de l'écume des eaux; B lat. sc. Aphrodita appellation donnée par LINNÉ, Syst. Nat., 1735 (d'apr. AGASSIZ, Nomenclator zoologicus, 1842-46, Vermes s.v.), en raison de la beauté de ces annélides munis de ,,faisceaux de soies flexueuses qui naissent de [leurs] côtés et brillent de l'éclat de tout l'or`` (PRIVAT-FOC. 1870); C (cf. A) p. anal. de couleur, de légèreté, avec l'écume de mer; D par synecdoque à partir du nom de la danse grecque.
STAT. — Fréq. abs. littér. : Aphrodite. 6. Aphrodisme. 1.
BBG. — BOUILLET 1859. — DUVAL 1959. — LAVEDAN 1964. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MASSON 1970. — Méd. Biol. t. 1 1970. — PRIVAT-FOC. 1870.
aphrodite [afʀɔdit] n. f.
ÉTYM. 1768; de Aphrodite, nom grec de Vénus, en raison de la beauté de ces annélides.
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♦ Zool. Animal annélide chétopode (Polychètes), à soies raides et irisées, qui vit sur les fonds de vase ou de sable des côtes, et que l'on appelle communément souris ou taupe de mer.
REM. Le mot a plusieurs homonymes rares (« danse antique », 1771; « écume de mer »).
Encyclopédie Universelle. 2012.