DOMELA (C.)
DOMELA CÉSAR (1900-1992)
Véritable militant de la cause abstraite, César Domela est né avec le siècle à Amsterdam. Si le terme de géométrique peut qualifier d’emblée les premiers travaux de paysages et de natures mortes qu’il exécute à l’âge de dix-neuf ans, il s’applique encore plus justement à toute la production d’images non figuratives qu’il réalise à partir des années 1920. En séjour à Paris en 1924, où il s’installera dès 1933, après six ans passés à Berlin, il rencontre Piet Mondrian et Theo Van Doesburg et s’engage à leurs côtés en adhérant au mouvement De Stijl. L’orthogonalité rigide qui y est défendue ne lui convenant pas pleinement, il se démarque très vite du groupe et de ses règles trop strictes en introduisant un élément décisif, qui orientera toute son œuvre à venir: la diagonale. Par celle-ci, et par la courbe qu’elle engendre, Domela libère progressivement ses compositions de leur ancrage dans le plan et les dote d’une dynamique propre, fort éloignée des propositions néo-plastiques. Ses participations successives aux revues Cercle et Carré en 1930 et Abstraction-Création en 1932 et 1934 sont pour lui l’occasion de faire valoir la diversité de ses recherches et l’évolution de son travail en quête de la troisième dimension (photomontages, reliefs). Établi à Paris, Domela se lie d’amitié avec Hans Arp, Robert Delaunay et Anton Pevsner; il expose en 1934 à la galerie Pierre. De 1937 à 1939, il édite avec Sophie Taeuber-Arp la revue Plastique , dont le numéro 2 contient un manifeste «dimensionniste» inspiré des notions d’espace-temps chères à Einstein et des données techniques les plus récentes. L’œuvre de Domela acquiert ainsi l’idée de la vitesse et ses reliefs gagnent la dimension de ce qu’il appelle des «tableaux-objets».
Pendant l’Occupation, l’artiste survit en fabriquant toutes sortes d’objets d’orfèvrerie et des bijoux incrustés. En 1946, il participe à la fondation du Salon des réalités nouvelles, où il expose régulièrement jusqu’en 1968, de même qu’il est de toutes les grandes manifestations internationales d’art abstrait qui tentent d’en retracer l’histoire. Son intérêt pour l’architecture trouve sa pleine expression dans la réalisation de nombreux décors muraux qui lui sont commandés dans les années 1950-1960 et auxquels Christian Zervos a consacré un livre en 1965.
Outre la forme, ce qui singularise l’art de Domela, ce sont les matériaux mis en œuvre. Sur ce terrain, il fait figure de pionnier; curieux de tout éprouver, il confronte dans ses compositions les éléments les plus divers: baguettes de laiton, plaques de verre, morceaux de bois plus ou moins précieux ou de grillage d’acier doux. Il emploie même des peaux animales, jouant de leur différence de substance avec les produits fabriqués et va jusqu’à mettre en place tout un dispositif de lumière électrique qu’il exploite au travers de vitres colorées. Ce qui intéresse l’artiste, c’est de jouer des propriétés physiques de tous ces matériaux, en opposant ici la rugosité au lisse, là le transparent à l’opaque, en les faisant résonner entre eux comme les instruments d’un ensemble polyphonique. À l’écart de toute connotation représentative en relation avec des éléments extérieurs, l’œuvre de Domela s’est appliquée à la recherche d’une réalité inédite. Son art est fondamentalement inobjectif, en ce sens qu’il s’écarte de toute attention à la perception de la réalité extérieure pour être une pure construction de l’esprit.
Sous le titre Domela, 65 ans d’abstraction , l’exposition rétrospective des travaux de l’artiste organisée par le musée d’Art moderne de la Ville de Paris et par le musée de Grenoble en 1987 a permis de reconsidérer l’importance de cette œuvre dont les concepts de spatialité et de mouvement sont fondateurs.
Encyclopédie Universelle. 2012.