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BREUIL (H.)
BREUIL (H.)

BREUIL abbé HENRI (1877-1961)

Originaire d’une famille de bourgeoisie provinciale, Henri Breuil passe son enfance à Clermont-de-l’Oise, où son père est procureur de la République, fait ses études au collège de Saint-Vincent de Senlis, entre au séminaire d’Issy-les-Moulineaux (1895), puis à Saint-Sulpice à Paris (1897), où il est ordonné prêtre (1900). Libéré des servitudes paroissiales, il entreprend une carrière d’homme de science, avec l’accord de l’Église, à laquelle il manifesta, sa vie durant, une stricte obéissance. Son existence s’identifie avec le développement de l’étude de la préhistoire dans la première moitié du XXe siècle, mais il est excessif, comme on l’a fait, de le qualifier de «père de la préhistoire»; tout au plus a-t-il souhaité en être le pape, comme il disait plaisamment, et en a-t-il été effectivement un des plus efficaces serviteurs.

Quelques dates jalonnent une carrière sans problèmes: 1901, découverte avec R. Capitan et D. Peyrony de la grotte ornée des Combarelles, aux Eyzies (Dordogne); 1902, voyage avec E. Cartailhac à Altamira; 1905-1910, privat-docent à la faculté des sciences de Fribourg, Suisse; 1910, professeur d’ethnographie préhistorique à l’Institut de paléontologie humaine, fondé par le prince Albert Ier de Monaco; 1929, professeur au Collège de France (chaire de préhistoire); 1938, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Henri Breuil voyage beaucoup, se rend fréquemment en Espagne et au Portugal, va en Chine (1931 et 1935), en Éthiopie (1933), et plusieurs fois en Afrique du Sud (1929, 1942-1945, 1947-1949, 1951).

Il réalise une œuvre immense dont témoignent des centaines de publications, avec des activités et des intérêts multiples qui se sont constamment chevauchés. Ses contributions essentielles ont trait au Paléolithique inférieur, au Paléolithique supérieur, à l’art franco-cantabrique et, enfin, aux peintures rupestres d’Afrique.

L’étude géologique des terrasses de la Somme (H. Breuil et L. Koslowski, «Études de stratigraphie paléolithique dans le nord de la France, la Belgique et l’Angleterre», in L’Anthropologie , t. XLI, 1931; t. XLII, 1932) et, en Angleterre, des gisements de Clacton-on-Sea et de High-Lodge (H. Breuil, «Le Clactonien», in Préhistoire , fasc. II, 1932) sert de fondement à la théorie des phylums parallèles qu’il propose pour les industries du Paléolithique ancien. Outre les industries à bifaces dès longtemps reconnues (Chelléen ou Abbevillien, Acheuléen et Micoquien), il existe des industries sans bifaces, avec outils sur éclats (Clactonien, Tayacien, Levalloisien). Elles évoluent parallèlement, les premières se manifestant dans les périodes chaudes interglaciaires, les secondes dans les périodes froides glaciaires. Cette théorie repose sur l’attribution de la basse terrasse de cinq mètres de la Somme à la glaciation de Riss, et sur l’affirmation qu’il existe une industrie autonome sans bifaces, à éclats Levallois, le Levalloisien. Ces points ont été contestés par F. Bordes, et la théorie n’est plus admise (F. Bordes, Les Limons quaternaires du Bassin de Paris. Stratigraphie et archéologie paléolithique , Paris, 1954).

Contre les partisans de G. et A. de Mortillet qui, pour des raisons théoriques, soutiennent que le Solutréen est antérieur à l’Aurignacien, et en s’appuyant sur les stratigraphies établies par A. et J. Bouyssonie, D. Peyrony et lui-même (Laussel, le Ruth, le roc de Combe-Capelle, etc.), H. Breuil mène et gagne la bataille de l’«Aurignacien présolutréen» (1909). En 1912, il rassemble, compare et critique tous les documents valables sur le Paléolithique supérieur de la région classique et en établit magistralement les caractéristiques typologiques et la séquence évolutive (Les Subdivisions du Paléolithique supérieur et leur signification , Genève, 1912).

Henri Breuil effectue par milliers des relevés de gravures et de peintures dans les grottes franco-cantabriques (Pair-non-Pair, La Mouthe, les Combarelles, Font-de-Gaume, Altamira, Le Castillo, Niaux, Le Portel, La Pileta, Minateda, les Trois-Frères, etc.). Il établit un classement chronologique de l’art rupestre d’après les superpositions de figures et les comparaisons de style avec les objets d’art mobilier, datés par les niveaux qui les contiennent; cycle aurignaco-périgordien, avec figures en «profil absolu», avec une seule patte par paire, et encornures, oreilles, sabots, en «perspective tordue», vus de face pour un animal de profil; cycle solutréo-magdalénien, avec figures en perspective naturelle. Il attribue à la période paléolithique les peintures des abris du Levant espagnol que les savants datent, actuellement, d’une époque beaucoup plus tardive.

En Éthiopie, il relève les peintures de la grotte du Porc-Épic (1933), en Afrique du Sud la «Dame blanche de Brandberg», dans le Tsibab-Ravine (1947) et dans l’Érongo les fresques de Philip Cave (1951): la présence dans ces peintures d’un type ethnique à peau claire et cheveux roux, différent des populations actuelles, lui fait supposer des migrations ou des influences de Nilotiques méditerranéens? À la fin de sa vie, il les datait de \BREUIL (H.) 1500, attribution trop ancienne d’après les spécialistes sud-africains. Pénétrant esprit d’observation, l’abbé Breuil, qui avait une rapidité incisive de jugement, était porté par une insatiable curiosité. Il vérifie, contrôle, trie, classe, compare les innombrables documents de la préhistoire, conclut, conscient, parfois à l’excès, de son génie, passionné, abrupt. Il a formé peu d’élèves, sans doute parce que son impatience souffrait mal la contradiction.

Encyclopédie Universelle. 2012.