BRETTON WOODS (CONFÉRENCE DE)
BRETTON WOODS CONFÉRENCE DE (1944)
Du 1er au 22 juillet 1944, au moment où la Seconde Guerre mondiale prend fin, une conférence monétaire et financière, placée sous l’égide de ce qui va devenir bientôt l’Organisation des Nations unies, se tient sur la côte est des États-Unis à Bretton Woods (N.H.). Quarante-quatre pays sont représentés à cette conférence qui a été vivement souhaitée par les États-Unis; l’U.R.S.S., sollicitée, ne participera qu’aux travaux préparatoires mais non à la conférence elle-même; quant à la France, elle sera représentée, au titre du Comité français de libération nationale d’Alger, par une commission dirigée par son commissaire aux Finances, Pierre Mendès France. La fin prochaine du conflit pose en termes d’urgence la relance des échanges internationaux et la reconstruction des économies détruites. La situation des États-Unis est alors florissante. Les capacités américaines de production sont à leur niveau maximum, le stock d’or détenu par la Banque centrale (le Federal Reserve Board) est de très loin le plus important du monde. Le problème est pour l’Amérique que le retour à la paix puisse s’opérer selon des procédés tournant délibérément le dos aux politiques déflationnistes et protectionnistes. Les dirigeants de l’Union pensent déjà à la reconversion de leur industrie de guerre en activités civiles tournées en grande partie vers l’exportation. Ce changement d’orientation n’est possible que si un vaste marché international peut être rapidement reconstitué en présentant à moyen terme de bonnes garanties de solvabilité dans une perspective d’expansion. Deux conditions doivent être impérativement remplies pour les Américains: l’existence d’un système monétaire stable, qui assure la reprise et la progression des échanges, et la remise en marche des économies durement touchées par le conflit, notamment celles d’Europe occidentale.
Plusieurs plans de réforme (globaux ou partiels) sont discutés à Bretton Woods. Mais ce sont les propositions américaines et anglaises qui retiennent principalement l’attention des experts. Le plan américain mis au point et défendu par le secrétaire d’État H. D. White bénéficie d’un préjugé favorable par la seule existence d’un rapport de force et de négociation qui tourne indiscutablement à l’avantage des États-Unis. Ce plan veut éviter tout retour aux pratiques discriminatoires des années trente par la pratique du contrôle des changes et du relèvement des tarifs douaniers. White propose aussi l’institution d’une unité de compte internationale définie par rapport à l’or, et la création d’un fonds d’égalisation des changes capable de stabiliser les cours des devises nationales par rapport précisément à l’unité de compte internationale. Le plan britannique conçu et présenté par John Maynard Keynes traduit à la fois le génie imaginatif du grand auteur et le souci de rendre le futur système indépendant des États-Unis: les propositions de Keynes visent à créer une véritable monnaie internationale (appelée Bancor) définie par rapport à l’or selon un taux variable; elles sont de plus assorties de la mise au point d’un système de compensation, lui-même assis sur une coopération multilatérale pour le règlement des soldes négatifs des balances des paiements. Par ailleurs, Keynes envisage la création d’une banque mondiale centrale (émettrice du Bancor) et jouant par rapport aux instituts d’émission nationaux le rôle de ces instituts dans leurs pays vis-à-vis des établissements bancaires ordinaires. Ce plan s’avère beaucoup plus ambitieux et supranational que celui présenté par les autorités américaines, mais les décisions finales qui vont sortir de la conférence sont en fait très proches de celles préconisées par White.
Le Fonds monétaire international qui est finalement créé ne sera pas une véritable banque centrale internationale mais plutôt, comme le souhaitaient les Américains, un fonds d’égalisation des changes. Cependant, la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement marque le souci exprimé par la plupart des pays d’accélérer la remise sur pied des économies dévitalisées par plus de quatre ans de guerre. Sur le plan strictement monétaire (en particulier sur le plan des liquidités internationales), l’or conserve sa place; pour éviter cependant la distorsion prévisible entre le développement rapide des échanges et la relative pénurie de métal fin, on institue à côté de l’or deux monnaies jouant un rôle international comparable et appelées monnaies de réserves (en l’occurrence le dollar américain et la livre sterling britannique). Sans que le mot soit utilisé dans les résolutions finales de la conférence, on en revient au système du Gold Exchange Standard (étalon du change-or) déjà mis au point à la conférence de Gênes en 1922, mais dont l’application avait été suspendue de facto par la grande crise mondiale. La conférence de Bretton Woods a atteint la plupart des objectifs qu’elle s’était fixés à moyen terme, mais le caractère limité des réformes proposées ne pouvait que faire rebondir le problème à long terme; en effet, il conduisait à subordonner le développement des liquidités internationales aux décisions des États-Unis et à faire dépendre le bon fonctionnement du Fonds monétaire international de l’état de la balance américaine des paiements.
Encyclopédie Universelle. 2012.