TAXILA
Située à quelques kilomètres à l’ouest d’Isl m b d, actuelle capitale du Pakistan, l’antique cité de Taxila est un fécond témoignage de plusieurs civilisations qui se sont succédé dans le nord du bassin de l’Indus, du VIe siècle avant J.-C. à l’an 1000 de l’ère chrétienne. Les épopées légendaires indiennes – bouddhiques et jaïnes – citent déjà la ville, que Darius Ier, roi des Perses achéménides, place au rang de capitale de la vingtième satrapie, celle de l’Inde (si l’on en croit Hérodote).
Les occupants de Taxila
En 326 avant J.-C., Alexandre le Grand se prit d’amitié pour le roi de Taxila, Ambhi ou Taxile, qui l’aida à battre son ennemi et voisin, Pôros, roi des Paurava. Les écrivains au service d’Alexandre décrivent la région de Taxila comme une petite Grèce, et cette impression demeure, de nos jours, quand on parcourt cette douce campagne du Pendjab. Un roi de la dynastie indienne des Maurya, A ごoka, est, dans sa jeunesse, gouverneur de la ville. Plus tard, après sa conversion au bouddhisme, il y fait élever un très grand st pa et un pilier commémoratif. L’administration des Maurya est favorable à la cité qui devient avec P taliputr , dans la vallée du Gange, une des capitales de l’Empire. Les Maurya chassent le Séleucide Séleucus Nicator; ils sont chassés à leur tour par une dynastie gréco-bactrienne dont les rois sont connus par leurs monnaies: Démétrios, Eucratides, Ménandre et Antiacildas, entre autres. Puis des nomades du Nord, les Sakas, d’origine scythe, se mêlent à d’autres envahisseurs iraniens: les Parthes. Un roi parthe, Gondopharès, reçoit, dit-on, un architecte qui n’est autre qu’un disciple du Christ: saint Thomas. Il reçoit aussi un voyageur, Appolonius de Tyane, qui décrit les merveilles de la nouvelle ville de Sirkap, les palais, les temples et l’afflux des marchands et des caravaniers qui se croisent ici, les uns venant de l’Inde, les autres de la Chine ou des lointains pays occidentaux. Taxila est aussi une ville universitaire réputée où les bouddhistes de toutes sectes rencontrent les adeptes des autres religions, voyageurs aussi sur la route de l’Orient. Au IIe siècle de notre ère, d’autres barbares s’installent à Taxila et reconstruisent une nouvelle ville: ce sont les Ku ル ユa, suivis par les Sassanides, les Kidarites et les Hephtalites. Ces derniers, qui ont très mauvaise réputation, détruisent le pays, et la poussière des siècles recouvre les ruines de Taxila, qui sera exhumée par les archéologues anglais au XIXe siècle. Il faut retenir la participation de sir Alexander Cunningham (1864 sqq.), celle de sir John Marshall (1902 à 1934) et enfin celles de sir Mortimer Wheeler et A. Ghosh (1944-1945) qui, par une fouille stratigraphique, recoupent les conclusions de Marshall. Grâce à ces travaux, la porte est ouverte aux chercheurs.
Les villes de Taxila
Bhir Mound
Sur la rive gauche du Tamra nala, Bhir Mound est la grosse bourgade assez fruste dont l’aspect sale et désordonné choqua Alexandre! Elle est construite en pierre mais l’appareillage en est grossier. Les toits de chaume reposent sur des colonnes de bois dont la base en pierre s’enfonce dans le sol des petites cours intérieures. Les puits et le dispositif d’évacuation des eaux sont encore rudimentaires. Les habitants ont perdu depuis longtemps les traditions architecturales des civilisations harappéennes, mais ils témoignent d’un certain sens de la polychromie: les murs des maisons, recouverts de stuc ou de terre battue, sont peints de vives couleurs.
Sirkap
Abandonnant le site primitif, selon la coutume ancienne, les Gréco-Bactriens, au IIe siècle avant J.-C., franchissent la rivière et établissent la nouvelle cité au pied et au flanc de la colline Hathial. Cette dernière se trouve en partie enfermée dans des gros murs de pierre à l’appareil plus soigné, renforcés de bastions carrés ou polygonaux. Les Parthes, au Ier siècle après J.-C., élargiront la cité vers la colline, et, étalée dans la plaine au pied d’une acropole fortifiée, elle présentera alors le plan géométrique des villes hellénistiques. Les rues sont larges et bordées de boutiques. Les maisons spacieuses possèdent un certain confort. Des temples et des st pa s’élèvent dans la ville. Tel le grand temple absidal sur le modèle des caitya rupestres indiens, ou le st pa dit «de l’aigle à deux têtes», au décor syncrétiste. Ailleurs on distingue, dans les ruines arasées, un palais aux pièces plus vastes qui rappelle les dispositions des palais iraniens, et sur la colline, derrière la citadelle, on imagine les vestiges du palais où, selon la légende, Gondopharès reçut Thomas l’Incrédule.
Aux portes de Taxila, dominant la route des caravanes, un temple insolite se dresse à Jandial: le plan de ce temple est grec, et son portail est orné de quatre colonnes aux chapiteaux ioniques; on l’attribue à un culte étranger, peut-être au culte du feu des sectateurs de Zoroastre; on suppose en effet que, sur son naos, particulièrement renforcé, s’élevait une tour qu’on apercevait de très loin (fin du Ier s. av. J.-C. ou début du Ier s. apr. J.-C.).
Sirsukh
La troisième ville de Taxila, qui s’étend au nord des deux premières, date du IIe siècle après J.-C.; elle est d’époque Ku ル ユa. Elle n’a malheureusement pas pu être étudiée car ses ruines se trouvent dissimulées sous des villages et des cimetières musulmans. On a seulement dégagé la muraille sud, scandée par des tours semi-circulaires, typiques de l’architecture des Ku ル ユa.
Les monastères
Les monastères et les st pa bouddhiques de Taxila témoignent de la vocation religieuse de la cité. Le plus ancien, le dharmar jika st pa a peut-être été élevé par le roi A ごoka lui-même, sur les cendres véritables du Buddha historique. Tel qu’on le voit aujourd’hui, reconstruit quatre fois jusqu’au VIe siècle après J.-C., il présente pourtant les formes des très anciens st pa de S ñc 稜: dôme très plat, soubassement peu élevé, atteint par quatre volées de marches et qui supporte le couloir de circumambulation. Il est entouré d’une multitude de chapelles pour les images (certaines sont absidales), de st pa votifs et de monastères. Que ceux-ci se trouvent près du Dharmar jika, dans l’intérieur des murs de Sirkap (Kunala) ou dans les vallées retirées de la colline Hathial, ils présentent toujours un plan semblable et répondent aux mêmes besoins des moines: une cour publique pour le st pa principal, les st pa votifs et les chapelles contenant les images; séparées mais très voisines, une ou plusieurs cours privées bordées de cellules d’habitation pour les moines, avec puits et piscine, cuisine, salles de réunions et bibliothèque. Ces monastères, de dimensions souvent réduites, se trouvent à Jauli n et à Mohra Moradu, à Kalawan et à Giri, à Pipala et à Bhamal et dans bien d’autres endroits (Hiuan Tsang, au VIIe s. apr. J.-C., parle de 1 000 ou 1 500 monastères dans la région). Ils sont couverts d’un décor de schiste ou de stuc, et les images qui représentent le personnage du Buddha y sont des témoins précieux de l’art du nord-ouest de l’Inde, dit art du Gandh ra. Certaines de ces statues, malgré leur fragilité, sont encore en place, en particulier à Jauli n; les artistes ont su tout à la fois garder l’esprit profondément religieux des représentations du Buddha et exprimer le charme quotidien des petits personnages qui illustrent certains épisodes de la légende bouddhique. Certaines figures étant des portraits, il est possible d’identifier les différentes ethnies qui se croisaient sur la route des caravanes.
Taxila a livré un ensemble irremplaçable d’objets de toutes sortes (la plupart sont conservées au musée installé à Taxila par les soins du Service archéologique du Pakistan): céramique, petits bronzes d’inspiration hellénistique, objets de toilette, de ménage, jeux, bijoux d’or et perles de toutes matières, qui permettent d’évoquer avec plus de réalité la vie du peuple de la ville.
Encyclopédie Universelle. 2012.