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SIDÉRURGIE LITTORALE
SIDÉRURGIE LITTORALE

SIDÉRURGIE LITTORALE

Partie de la sidérurgie édifiée sur les côtes ou à proximité des ports en vue de recevoir ses approvisionnements par mer; la sidérurgie littorale s’oppose à la sidérurgie intérieure, le plus souvent établie sur les lieux d’extraction du minerai ou du charbon.

La tendance que manifeste aujourd’hui la sidérurgie à s’installer de préférence au bord de la mer est d’origine récente et n’a guère commencé à s’affirmer qu’au cours des années cinquante. De fait, elle marque l’abandon d’un principe séculaire qui avait, jusqu’alors, valeur de dogme: la localisation près du charbon ou du minerai. À une époque où les matières premières voyageaient mal, une telle localisation se justifiait pleinement par les économies qu’elle permettait de réaliser sur les coûts de transport. Aussi bien est-ce autour des grands gisements de houille ou de fer que la sidérurgie occidentale allait naître et se développer, s’installant tantôt sur le charbon, comme dans la Ruhr ou en Pennsylvanie, tantôt sur le minerai, comme en Lorraine ou dans la région des Grands Lacs, tantôt enfin (mais plus rarement) à la fois sur le charbon et le minerai lorsque, comme en Grande-Bretagne, les gisements, par chance, étaient voisins.

Sans doute quelques usines littorales avaient-elles simultanément vu le jour, notamment, en 1891, celle de Sparrows Point (sur la côte est des États-Unis) qui recevait son charbon de la Virginie toute proche mais son minerai du Chili et qui est devenue aujourd’hui l’une des plus grandes usines sidérurgiques du monde. À la même époque était construite, à l’embouchure de l’Adour, l’usine du Boucau, appelée à traiter les minerais espagnols, tandis que, en Italie, les usines de Piombino et Bagnoli (près de Naples) préfiguraient, un demi-siècle à l’avance, l’orientation maritime de la sidérurgie italienne. Enfin, en 1924, naissait à côté d’Amsterdam l’usine néerlandaise d’Ijmuiden. Cependant ces réalisations devaient finalement rester isolées et, Sparrows Point mis à part, aucune d’elles ne connut de développement vraiment important, du moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. La sidérurgie, en Europe comme aux États-Unis, demeurait essentiellement terrienne.

La pénurie générale de minerai, provoquée du jour au lendemain par le conflit, allait remettre ce schéma en question en contraignant les sidérurgistes occidentaux à chercher, hors de leurs frontières, de nouvelles sources d’approvisionnement. De vastes et riches gisements furent ainsi successivement découverts au Canada, en Amérique du Sud, en Afrique et jusqu’en Australie, d’où le minerai, acheminé par des flottes de navires spécialisés, les minéraliers, put dès lors parvenir, dans des conditions très économiques, aux centres sidérurgiques de l’Ancien et du Nouveau Monde. Il ne restait plus aux usines qu’à se porter au devant de lui, en s’installant sur les lieux mêmes du débarquement: les ports. Ainsi s’amorça cette émigration de la sidérurgie vers la mer qui constitue assurément l’un des phénomènes économiques les plus curieux de notre temps.

En Europe, la première région côtière conquise par ce nouveau style d’implantation fut l’Italie, qui, de Gênes à Tarente, devait se doter d’une véritable chaîne d’usines littorales, lui valant de devenir en quelques années une grande puissance sidérurgique. Mais le mouvement gagna bientôt les autres pays et, après Brême, malheureusement handicapée par sa situation sur la Weser, Dunkerque accueillait en 1963, sur sa plage même, les très modernes installations d’Usinor, tandis que Gand donnait asile à l’usine de Sidmar le long du canal la reliant à l’Escaut. Plus récemment enfin, Fos était choisie pour héberger l’usine de Solmer, deuxième du genre en France.

Mais la sidérurgie européenne n’a pas été la seule à connaître cet appel du large et le meilleur exemple d’une sidérurgie maritime est finalement donné par le Japon dont toutes les usines construites depuis la guerre ont été systématiquement édifiées au bord de l’eau, souvent même sur des terrains récupérés sur la mer. Si aux États-Unis le phénomène n’a pas jusqu’ici connu la même ampleur, c’est parce qu’entre-temps l’aménagement du Saint-Laurent, rendu accessible aux navires de haute mer, a fait en réalité des usines des Grands Lacs de véritables usines littorales où viennent se décharger directement les cargos transocéaniques. Néanmoins, en 1952, devait surgir, à peu de distance de Sparrows Point, un second complexe sidérurgique maritime, celui de Fairless, destiné à être alimenté en minerai du Venezuela et du Labrador.

Suscitée par la nouvelle géographie du minerai qu’a engendrée la révolution des transports maritimes, accélérée encore par l’attraction naturelle qu’exercent les grands ports sur l’industrie, l’émigration de la sidérurgie vers la mer s’inscrit dans ce grand mouvement qui tend aujourd’hui à déplacer le centre de gravité de l’activité économique vers les côtes, dans un monde de plus en plus largement ouvert aux échanges.

Encyclopédie Universelle. 2012.