KUBA
Les Kuba habitent, dans la province de Kasaï au Zaïre, le territoire délimité par la rivière Kasaï et son affluent, le Sankuru. Savane et forêt se partagent la région, fertile et riche en gibier et en poisson. Ce peuple, de 100 000 âmes environ en 1980, comprend plusieurs communautés dominées par celle des Bushoong, dont le chef est le roi reconnu par tous les autres groupes. D’après leurs traditions, ils viennent de l’ouest: ils auraient été chassés du Kwango, au XVIe siècle, par une invasion Jaga; auparavant ils auraient habité près de l’océan Atlantique. La densité de la population est de quatre habitants au kilomètre carré, ce qui permet à chacun de disposer d’une large superficie de bonne terre et de produire un surplus agricole. Il en résulte une économie diversifiée, fondement d’une culture originale.
Économie
L’alimentation des Kuba est végétale, au moins pour 70 p. 100. Les cultures principales sont le maïs, les haricots, les arachides et le manioc. Légumes et arbres fruitiers sont cultivés dans les jardins des villages, auprès desquels se trouve toujours une palmeraie qui fournit le vin, et les matériaux de construction. Grâce à la pluralité des cultures il n’y a pas de famine. La chasse est source de prestige lorsqu’elle implique la poursuite des animaux. Piégeage et pêche, même plus rentables, sont moins pratiqués. L’élevage se limite aux chèvres, poules, canards; les moutons sont réservés au clan royal. Ramassage et cueillette fournissent une alimentation d’appoint.
L’homme défriche les champs de forêt, chasse, pêche en pirogue, répare les maisons, tisse le raphia, fabrique les outils; la femme cultive les champs de la savane, pêche à l’épuisette, cuisine, puise l’eau et ramasse le bois, brode les tissus. Seuls les chefs politiques peuvent se dispenser des travaux des champs. Devins, prêtres, musiciens, danseurs et artisans se consacrent en partie à la production alimentaire.
Les objets d’usage quotidien sont bien faits et décorés de formes géométriques variées: l’art chez les Kuba est objet d’admiration et source de prestige et d’agrément. Il existe une vaisselle spéciale pour chaque mets, trente-sept catégories de paniers à destinations diverses, des coffrets à rasoirs, des boîtes pour les jolis chapeaux masculins en vannerie. Les pagnes de raphia tissé, brodés somptueusement, sont connus sous le nom de «velours de Kasaï». Très amples, ils sont repliés à la taille, en large volant.
La coopération économique est organisée, au village, en sorte que chacun soit aidé en cas de besoin. Les groupes d’entraide sont nombreux: famille nucléaire, section de clan, lignage, village.
Les régions sont spécialisées d’après les ressources naturelles: certaines produisent principalement des poteries, d’autres des nattes et paniers, d’autres encore du sel, ou de la viande et des peaux, ou du poisson. Les marchés facilitent les échanges, les coquillages «cauris» servaient de monnaie. Le commerce se faisait aussi avec des groupes étrangers.
Religion
Les Kuba croient à un dieu créateur, qui n’intervient dans la vie des hommes que lorsqu’on l’implore. Les défunts n’ont guère d’influence car ils se réincarnent rapidement; on ne leur rend donc pas de culte.
La force surnaturelle la plus puissante est celle des ngesh , esprits de la nature attachés à un lieu déterminé, le plus souvent au village. Ils sont honorés par l’intermédiaire d’un prêtre et interviennent dans la fécondité, la guérison des maladies, le succès à la chasse.
Une autre force agissante est celle des charmes, préparés par des spécialistes, utiles surtout en période de tension sociale. Les guérisseurs et les devins ont pour fonction principale la lutte contre les sorciers, mus par la malveillance; ceux-ci sont détectés par l’épreuve du poison.
Organisation sociale
Le matrilignage, groupe exogamique d’une profondeur de trois à six générations, détermine le statut social de chacun, et règle les héritages; il joue aussi un rôle dans la répartition des biens, chacun étant obligé de céder la moitié de son surplus à son lignage qui, en compensation, l’aidera à payer ses dettes et lui épargnera ainsi l’esclavage. Les biens des lignages servaient souvent à l’achat d’esclaves.
La section de clan se compose d’un noyau de lignage, plus les époux et les enfants.
La famille nucléaire, obligatoirement monogame sauf pour les chefs et le roi (qui a environ six cents épouses, fournies par les différents lignages), est la cellule économique fondamentale. Elle comprend le couple et ses jeunes enfants, plus ceux que les époux ont pu avoir d’un autre lit, car le divorce est fréquent. Les mariages se font le plus souvent par inclination et commencent par une liaison; le consentement de la fille est requis. Une dot est versée par le père du jeune homme aux parents de la fiancée, ce qui est une anomalie puisque père et fils ne sont pas du même lignage. La fonction de la dot est juridique, le transfert de biens devant témoins créant le mariage.
Un autre type d’union, exigeant une dot plus élevée, réalise le transfert d’une femme d’un lignage à un autre: comme on la tient pour une concubine, ses enfants appartiennent au lignage de l’homme. Le besoin d’argent incitera un père à vendre sa fille; il n’est pas tenu de consulter l’oncle maternel de cette dernière: cela aussi est une anomalie du régime matrilinéaire kuba.
La société kuba comprend trois classes: celle des nobles, celle des hommes libres et celle des esclaves. Ces derniers peuvent posséder des biens et ont le droit de se racheter; ils n’appartiennent plus à un lignage et n’ont pas accès aux fonctions politiques. La noblesse comprend le lignage du roi et des chefs, c’est-à-dire mère, sœurs et successeurs masculins; sont nobles aussi les enfants et petits-enfants du roi.
Organisation politique
Au sommet le Nyim , chef des Bushoong, dirige l’exécutif et est juge suprême. Son autorité repose sur la volonté divine. Aîné du lignage royal, sa nomination est ratifiée par le conseil de la couronne, qui a le droit de choisir un homme plus capable, dans le même lignage: dans ce cas tous ses aînés doivent mourir.
Le Nyim a le pouvoir surnaturel de dispenser la fécondité; il intervient rituellement pour restaurer l’abondance des récoltes, faire pleuvoir, faciliter les accouchements. Sa malédiction cause la stérilité. Il ne peut voir blessure, cadavre, tombeau, sans risquer de perdre son pouvoir vital. Le ndop , statuette qui le représente, est vénéré après sa mort, car il conserve dans l’au-delà une existence individuelle. Des chansons en son honneur l’appellent «la vie de tous les Bushoong», «l’homme qui distribue les naissances», «le dieu qui a créé plaines et forêts». Tous les Kuba admettent le lien entre la royauté et le sacré: lien que certains conçoivent comme direct et que d’autres attribuent à l’emploi de charmes magiques. On discute volontiers ce point d’interprétation. Le roi doit être juste, libéral, généreux et jaloux de sa préséance; ses cinq cents esclaves sont toujours prêts à exécuter quiconque lui a manqué de respect; toutefois ces exécutions sont secrètes, car il ne lui est pas possible de devenir un tyran: une série de conseils et de dignitaires sont prévus pour l’en empêcher. Magicien, le Nyim peut se transformer en léopard et manger des hommes, pourvu que ces transgressions des tabous augmentent sa force vitale qui rejaillit sur son peuple. De même, il est obligé de s’unir sexuellement à sa sœur, et d’épouser une de ses nièces; par l’inceste il sort de son matrilignage et devient roi de tous.
Le Nyim semble une incarnation des valeurs implicites de la culture kuba: il garantit l’ordre qui permet la richesse, affichée avec ostentation; il est principe de vie et cela l’autorise à faire fi de toute loi trop rigide et stérilisante.
Le pouvoir législatif est exercé par le conseil de la couronne, composé de descendants des compagnons du premier roi.
Les dignitaires kolm sont nommés par le Nyim pour exercer un certain pouvoir politique. Ce sont des chefs de village ou de canton, ou des fonctionnaires attachés aux organes du gouvernement central ou régional. Tout homme libre a le droit de devenir kolm . Les charges sont nombreuses et s’obtiennent facilement: la moitié des hommes de la capitale, le quart de ceux de la chefferie bushoong en sont pourvus. La possession d’un titre et de la plume, qui en est l’insigne, consacre la réussite. Le roi nomme qui lui plaît et a le droit de révocation, mais on considère en pratique que toute charge est attribuée pour la vie. Elle est la preuve du prestige individuel.
Les chefferies sont organisées sur le même modèle que le royaume; chacune doit payer le tribut au Nyim .
Kuba, Bakuba, Kouba ou Bakouba
peuple habitant la prov. de Kasaï en rép. dém. du Congo. Ils parlent une langue bantoue (groupe kuba). Leur art consiste en des statues de bois représentant des souverains des XVIIIe et XIXe s.
Encyclopédie Universelle. 2012.